Quatre thèmes principaux abordés: le rapport Etat-collectivités locales, le rôle du contrôle dans le renforcement de la gouvernance locale, le potentiel financier, fiscal et humain, ainsi que le parachèvement du cadre juridique et institutionnel. Soit les maux qui déchirent nos conseils municipaux depuis leur installation il y a trois ans.

La consultation  nationale sur le processus de la décentralisation bat son plein. Son 6e atelier de travail, inscrit dans ce cadre, s’est réuni, hier matin, au Centre de formation et d’appui à la décentralisation (Cfad) à Tunis. Invités, cette fois-ci au débat les représentants des ministères concernés par l’œuvre communale pour rebondir sur quatre thèmes principaux : le rapport Etat-collectivités locales, rôle du contrôle dans le renforcement de la gouvernance locale, le potentiel financier, fiscal et humain, ainsi que le parachèvement du cadre juridique et institutionnel. Soit les maux dont souffrent nos conseils municipaux depuis leur installation il y a trois ans. Un tel constat, aussi décevant soit-il, avait ainsi poussé à revoir la copie pour rectifier le tir. Et la consultation nationale est en cours pour faire une évaluation à mi-parcours. Entre ce qui a été fait et ce qu’on voudrait réaliser, il y a toujours des hauts et des bas !

Une véritable révolution

De l’avis de Mustapha Ben Jaâfar, ancien président de l’ANC et chef d‘orchestre de ladite consultation, la décentralisation est une véritable révolution dont le citoyen est la finalité. L’objectif est de le faire participer dans la gestion de ses affaires, mais aussi dans la prise de décision quant aux choix du développement. Ce citoyen qui était, depuis longtemps, la cinquième roue du carrosse, écarté de tout projet sociétal et puis privé des fruits de la croissance. Au fil du temps, les plans quinquennaux, rappelle-t-il, n’ont jamais répondu à ses besoins en développement et en emploi. Et la révolution déclenchée en 2011 fut, alors, une réaction citoyenne légitime à une situation sociale explosive. «Et donc la décentralisation intervient comme un nouveau mode de gouvernance pour répondre à ces attentes et aspirations», commente-t-il.

Comme tout début, justifie M. Ben Jaâfar, ce processus de décentralisation est, sans doute, difficile, car il est en butte à des mentalités rigides et archaïques, voire à des cultures rétrogrades qui résistent à tout changement. Alors que l’intégration d’environ 3,5 millions de citoyen dans le régime communal était, pour lui, une décision révolutionnaire. Un processus vital auquel il croit fort, se disant optimiste de le voir arriver à bon port. Sauf que ces communes ont besoin des moyens financiers et matériels pour pouvoir accomplir leur mission. «Au cours de ce processus, il y a de l’échec et du succès, du bon et du mauvais», ainsi juge M. Mondher Bousnina, président de l’Instance de prospective et d’accompagnement du processus décentralisé (Ipapd). Et d’ajouter qu’on est en train d’avancer en termes de services fournis au citoyen à l’échelle des communes, mais on n’a pas progressé d’un iota sur le volet humain et financier.

Des révisions nécessaires !

Construire un nouveau modèle, cela prend du temps et nécessite de l’argent. Selon lui, on doit travailler sur quatre thèmes majeurs. Tout d’abord, le bon rapport déconcentration-décentralisation dans le sens de redistribuer les nouveaux rôles maire-gouverneur. Ensuite, l’autonomie financière à même de réviser la fiscalité locale. Cela requiert également la modification de la loi régissant la police municipale pour que ce corps soit sous l’égide du maire et non pas relevant du ministère de l’Intérieur.  D’autant plus que les tiraillements politiques et les divisions au sein des conseils municipaux ont ajouté à la crise que vit actuellement la majorité des communes. «Nos regards sont tournés, désormais, vers les prochaines échéances régionales dont la date n’a pas encore été fixée », indique-t-il. Qu’elles s’organisent l’année prochaine ou celle d’après, l’essentiel est de s’y préparer dès maintenant», a-t-il conclu.

Mieux redistribuer les rôles

M. Adnane Bouassida, président de la Fédération nationale des communes tunisiennes (Fnct), qui avait piloté une consultation parallèle à celle du ministère,  est revenu sur des priorités préalables à tout plan de réforme communale. Il était on ne peut plus clair et précis : la stabilité des conseils municipaux a toujours fait défaut. «Plus de 30 conseils municipaux sont dissous, 70 maires ont rendu leur tablier et pas moins de 750 conseillers municipaux ont fini par démissionner. Sans qu’on sache les vraies causes qui étaient derrière», relate-t-il.  Cela est dû, en partie, à la loi électorale qu’on devrait, à l’en croire, rectifier. De même, l’interférence des rôles et l’ambiguïté des prérogatives attribuées au maire et au gouverneur. «Il faut préciser qui fait quoi et qui a le droit de faire ceci ou cela», préconise-t-il, soulignant que les relations entre les deux ne sont pas au beau fixe. Et de poursuivre que le volet financier est aussi un facteur de blocage. « L’appui financier n’existe pas, d’autant que seulement 3% du budget de l’Etat sont alloués aux communes », s’étonne-t-il. Ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre ! Ce qui n’est pas le cas chez nous. «Les municipalités ont besoin de 6 mille agents de propreté et des travaux publics pour pouvoir s’acquitter de leur mission. Sans pour autant oublier l’absence remarquée des cadres administratifs», déplore-t-il.

A toutes ces difficultés passées en revue, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Kamel Doukh, a réagi positivement : «Il est vrai qu’il existe encore des problèmes liés à plusieurs niveaux d’activité, mais on fait de notre mieux pour en venir à bout». Et de rassurer qu’il y aura un programme d’appui spécifique destiné particulièrement aux communes nouvellement créées dont le nombre s’élève à 86 sur un ensemble de 350 municipalités. «En fait, le processus de la décentralisation semble avancer lentement, mais à pas sûrs», a-t-il conclu sur une note positive.

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