Première de «Yakouta » de Leila Toubel: Un féminin pluriel

Encore un nom de femme pour la nouvelle création de Leïla Toubel, elle, qui s’épanouit depuis quelques années à prendre possession de la scène dans une pratique artistique qu’elle maîtrise de bout en bout. Un hommage à Zeyneb Farhat, Lina Ben Mhenni et à Aloulou, son papa.

Yakouta est le nouveau visage de la comédienne Leïla Toubel ou, plutôt, la voix qu’elle porte au grand jour. Yakouta est sens et prétexte pour raconter la femme. Yakouta est l’absente qu’on cherche, celle que nous enfantons dans la marge, que nous abandonnons   dans la détresse et la peur et que nous passons notre vie à vouloir enlacer dans la lumière. Yakouta est la fille d’un soir ou d’un viol, conçue dans la violence mais revendique son droit à l’amour.

Encore un nom de femme pour la nouvelle création de Leïla Toubel, elle, qui s’épanouit depuis quelques années à prendre possession de la scène dans une pratique artistique qu’elle maîtrise de bout en bout. Toujours entourée de la même équipe, elle œuvre en famille, laisse libre cours à sa parole et écrit un texte qui lui ressemble dans sa fougue, sa dérision, sa colère et sa dénonciation.

Elle se prépare pour rencontrer, après une trop longue séparation, sa fille… elle se retrouve enfermée par un mari violent dans une pièce qui fait office d’isoloir.  Dans cette solitude, elle retrouve son auditoire, elle se confie, s’abandonne, vomit sa condition, décharge sa douleur et la souffrance de toute une existence.

 

Yakouta est un monodrame qui repose sur un texte qui s’étale comme un filet allant chercher des pistes et des repères pour les ramener tous au point central. Yakouta, cette jeune femme que la comédienne va à sa rencontre, n’est plus cet être fragile laissé à l’abandon, elle cristallise la force et le courage, elle renaît sous un autre nom. Yakouta, ce si joli prénom de fille, résume toutes les femmes que Leïla Toubel aime raconter, nous guide vers elles, elle nous prend par la main pour saisir la délicatesse dans le cruel.

Avec un texte dense en histoires, en références, en critiques et en humour glacial, la comédienne fait corps avec ces mots qui giclent, jaillissent et s’éclaboussent sur notre posture de spectateur.

Sur scène, Leïla est subtile et légère, elle danse, se heurte, évolue d’un accessoire à un autre pour en chercher le sens ou le détourner. Les foulards en couleurs, éparpillés sur la scène comme une trace d’un passage éphémère, des lampes lumineuses telles des roses opèrent un jeu de clair-obscur sur le visage de l’actrice.

Le son du piano est omniprésent, il soutient, souligne, marque un temps silencieux. Encore une fois, Mehdi Trabelsi signe la musique originale. Une composition narrative par moments, expressionniste par d’autres. Un autre niveau de lecture s’ajoute à l’ensemble.

Yakouta de Leïla Toubel ne rompt pas avec ses précédents monodrames, elle vient s’y imbriquer pour faire un ensemble. Telle une trilogie, Solwen, Houria et Yakouta convergent dans un positionnement clair et sans équivoque. Même si, pour certains, la cause des femmes est devenue exaspérante, le chemin est, aujourd’hui encore, long, long et périlleux.

Après cette première naissance à El Teatro, à guichets fermés, «Yakouta » s’envole pour une tournée européenne : le 16 octobre à Genève, les 20 et 21 octobre à Paris et le 23 octobre à Bruxelles.

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