Ecosystème d’innovation: A quand la « Startup Act 2.0 » ?

Et si la Tunisie parvenait à avoir sa « Silicone Valley » ?  Ce n’est ni une chimère, ni un vœu pieux. La Tunisie a tous les atouts qui lui permettent d’être une startup nation. Mais encore  faut-il sauter tous les verrous et les blocages qui inhibent la maturation de l’écosystème de l’innovation et s’érigent en obstacle à son développement.

Le lancement du Fonds de  fonds « Anava » va donner un coup d’accélérateur à l’évolution des startup. Toutefois, plusieurs difficultés persistent. Les acteurs et les parties prenantes de l’écosystème tunisien de l’innovation  appellent à une amélioration du cadre réglementaire relatif aux startup  en faisant évoluer la « start up Act » vers une deuxième version « start up Act 2.0 » qui devrait  combler les lacunes des législations en vigueur. C’est, en tout cas ce qu’ont souligné, en somme, les intervenants qui ont participé au webinaire « Startup en Tunisie : Quels objectifs face aux nouveaux contextes », qui a été organisé par l’Atuge, le 26 octobre. Modéré par  Kaïs Ben  Amar, membre du conseil d’administration de l’Atuge, le débat a vu la participation des acteurs et des connaisseurs des écosystèmes tunisien et international. Faisant un tour d’horizon du monde des startup, les intervenants se sont attardés sur les problèmes de financement qui demeurent un obstacle majeur des jeunes pousses.

Identifier les faiblesses, mais aussi les points forts 

Amel Saïdane, présidente de l’association « Tunisian Startups », a estimé  que malgré les avancées considérables qui  ont été réalisées en matière d’institutionnalisation, l’écosystème tunisien n’a pas encore conquis sa maturité, alors qu’il doit passer la vitesse supérieure et évoluer  de la phase prototypage vers  la phase croissance. « Le Fonds de fonds est une vraie machine qui fait avancer l’écosystème. Il y a des organismes d’accompagnement qui se mettent en place. Ça se structure », a-t-elle indiqué. Faisant le parallèle avec des écosystèmes africains comme celui de  l’Egypte ou d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, Saïdane a affirmé qu’il existe des barrières à  l’avancement de l’écosystème tunisien. Elle a appelé, à cet égard, à dresser un état des lieux pour identifier les freins à l’évolution des startup et définir les domaines de prédilection sur lesquels la Tunisie peut miser et en faire son image de marque.  A cet effet,   l’association « Tunisian Startups » a proposé un « policy hackathon » qui devrait aboutir à des pistes de réflexion sur les moyens de développement de l’écosystème, soutient-elle. « Quand on voit que malgré les défis auxquels fait face le pays il y a quand même un nombre considérable  de startup   qui postulent pour la labellisation, on comprend que ces derniers sont notre bouffée d’air frais », a-t-elle souligné.  Par ailleurs, la présidente de « Tunisian startups » a souligné que la Tunisie doit démarrer la dynamique d’investissement à travers le Fonds de fonds « Anava » pour pouvoir drainer les investisseurs étrangers. Elle a, en outre, insisté sur la nécessité de hisser la startup au premier rang  des priorités du gouvernement.

Les freins qui inhibent l’évolution des startup

Abondant dans ce sens, Alaya Bettaieb, directeur général de « Smart Capital », a fait savoir que les difficultés qui brident le potentiel d’évolution des startup  sont légion. La loi de change qui pénalise le Fonds de fonds,  la non-ouverture des marchés publics à l’écosystème de l’innovation et l’absence de la culture E-Commerce figurent en tête  des contraintes qui freinent l’élan des startuppeurs. Il a, en outre, affirmé que le Fonds de fonds est en train de jouer son rôle. Dans ce cadre, un programme a été mis en place pour démarrer  les divers  fonds (les fonds Seed,  les fonds Early et les fonds Late stage) avec une approche en entonnoir qui permet de  mettre à disposition des jeunes pousses  un financement proportionnel à la structure de l’écosystème.

Aller vers une « startup Act 2 »

Ali Mnif, membre du collège « Startup Act » et directeur des investissements « Digital Africa », a, pour sa part,  mis l’accent sur la nécessité de  faire évoluer le cadre réglementaire.  « Startup Act est une rampe de lancement mais elle  ne promet pas plus que ça. Aujourd’hui il faut consolider cette rampe de lancement par d’autres mécanismes pour   soutenir la croissance des startup”. Il a précisé,  dans ce sens, que la loi  « Startup Act » est un exemple de réussite qui a inspiré plusieurs pays de la région, mais qui nécessite des dispositifs complémentaires comme la SandBox, pour révolutionner le monde des startup. « En tant que pionnier, on est dans l’impératif de mise à jour de notre dispositif réglementaire.Startup Act 2.0 doit traiter des problèmes de l’écosystème. Elle doit améliorer et  compléter les législations en vigueur par d’autres dispositifs qui ciblent les startup,  comme par exemple la sandbox de la BCT. Le  Nigeria et l’Egypte ont adopté des SandBox beaucoup plus startup friendly, ils ont réellement révolutionné l’écosystème Fintech. La Sandbox réglementaire tunisienne est à revoir », a-t-il fait savoir. Par ailleurs, l’expert a appelé à garantir des ouvertures sur les marchés local et international (internationalisation de la start-up) qui sont un tremplin vers la croissance. « On a des marchés qui sont complètement bloqués  pour des raisons réglementaires, mais aussi à cause  des mécanismes liés à l’économie de rente. Quand aux ouvertures sur les marchés internationaux, tout le monde souffre du manque de la pertinence de l’Etat quand il s’agit de soutenir les exportations tunisiennes », a-t-il poursuivi.

Sur la question du financement, Mnif a, en somme, souligné  que le Fonds de fonds va dynamiser les startup.

Cependant, le financement de la croissance qui passe par le fonds « Anava »  demeure en quelque sorte le talon d’Achille de l’écosystème. « Il y a des pays qui nous ont  devancés parce qu’ils ont pu s’ouvrir sur les marchés financiers. Nous devons, nous aussi, être  capables d’attirer ces financements-là », a-t-il ajouté.

Comment faire évoluer l’écosystème ? 

Se basant sur l’expérience French Tech en France, Mongi Zidi, président de la French Tech Lille, a défini les principaux axes sur lesquels la Tunisie doit travailler pour faire décoller les startup tunisiennes et devenir une startup nation. Il s’agit de permettre l’accès à la commande, d’attirer le capital humain (pour éviter la pénurie des talents), financer la croissance (et c’est là que le bât blesse pour la Tunisie  puisqu’il y a un problème de souscapitalisation des startup), accéder à l’innovation (le point fort de la Tunisie, étant donné que 8% des postulants au label sont des Phd) et appuyer l’internationalisation des jeunes pousses. Dans le même sillage, Béchir Tourki,  consultant et « Business Angel », a expliqué qu’il existe, à l’échelle mondiale, une rude concurrence entre les pays qui se disputent le titre de meilleur hub. « C’est une guerre internationale. En France il y a beaucoup d’argent  injecté, et  des mécanismes, notamment des subventions qui ont été mises en place pour booster l’écosystème. L’équation est très rentable pour eux », a-t-il précisé. Il a pointé la tendance de relocalisation à l’étranger des startup  tunisiennes qui réussissent. Un trend qui serait dû à plusieurs raisons  comme la lourdeur des procédures administratives, la non-attractivité du pays, notamment pour les investisseurs et les compétences et des perspectives de marché limitées. 

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