Mes odyssées en Méditerranée: Mariano Stinga, un renégat de Tunis

Il n’est pas étonnant que l’horizon des côtes tunisiennes et italiennes, et plus particulièrement celles de l’Italie du Sud, grouillaient de navires de toutes sortes et de toutes nationalités qui pratiquaient la piraterie.

Ce commerce d’esclaves s’est donc pratiqué dans les deux sens, du nord vers le Sud et du Sud vers le Nord entre le XVe et le XIXe siècle. L’histoire des corsaires barbaresques est en grande partie l’histoire des renégats en provenance de tous les pays de la Méditerranée ; Vénitiens, Sardes, Napolitains, Espagnols… qui, une fois capturés, confluaient vers les côtes tunisiennes. Ces renégats étaient des chrétiens réduits en esclavage en Afrique du Nord par les Barbaresques pendant leurs opérations de piraterie, poussés par le désir d’adoucir une condition particulièrement pénible, ou d’échapper à un châtiment, se convertirent à l’Islam, et devinrent des « renégats ».

Ces renégats, une fois convertis, pouvaient aspirer à devenir des raïs de navires corsaires ou même de hauts fonctionnaires des États barbaresques et souvent les vrais protagonistes de la guerre, constituant ainsi l’élément principal de ce flux continu des relations entre mondes opposés.                

L’un de ces renégats fut Mariano Stinga ou Stinca, habitant le village de Sant’Agnello, sur la côte napolitaine, là où les attaques des pirates maghrébins sévissaient !

Un jour, Sant’Agnello fut pillée par des corsaires en provenance de Tunis et les habitants capturés et réduits en esclavage. Le but des enlèvements était celui de recevoir une rançon, ou vendre les captifs comme esclaves ou bien de les utiliser pour des travaux forcés.

Ce jour-là, parmi les prisonniers, il y avait un certain Mariano Stinga qui, ramené à Tunis, décida de collaborer avec les Tunisiens avec dévouement et obéissance. Il apprit l’arabe et se convertit à l’Islam.

Mariano Stinga  était assez débrouillard, travailleur et intelligent. Il fut remarqué par le Bey Hammouda Pacha (1759-1814) qui, très vite, l’installera au Palais du Bardo, devenant son homme de confiance avec  rang de ministre.

Mariano commence à avoir une forte influence sur le Bey, et à gérer le commerce des esclaves, ses compatriotes, capturés sur les côtes italiennes, lesquels furent surpris de se retrouver à Tunis avec un haut cadre du Bey italien qui parlait avec un fort accent napolitain.

Un jour, Gaspare De Martino, un armateur italien, lui aussi capturé avec ses navires lors d’un autre raid tunisien sur la côte de Sorrente, fut jeté aux pieds de Mariano qui le reconnaîtra tout de suite. En effet, les deux étaient des amis d’enfance et ce fut ainsi que, quelques jours après, Mariano Stinga décida de libérer Gaspare et de le faire repartir chez lui en Italie. Cette histoire d’amitié ne s’arrêta pas là, étant donné que  De Martino reviendra plusieurs fois à Tunis comme homme libre, ramenant en Italie l’argent nécessaire pour payer la rançon des captifs pour les affranchir. Mais cet argent pour payer les affranchis ne provenait pas des familles des captifs, mais plutôt des caisses du Bey et à son insu !

L’activité de Mariano se poursuivra pendant des années sans être perturbée, jusqu’au jour où une conspiration du palais aura lieu et Hammouda Pacha Bey sera empoisonné le 15 septembre 1814.

Les historiens rapportent que c’est peut-être Stinga lui-même qui administra le poison au Bey, le mélangeant avec du tabac dans sa pipe.

C’est à ce moment-là que le frère de Hammouda Pacha, Othman, apparaît dans la scène et menace Mariano de raconter tout au Bey et de le faire condamner à mort. Seule solution possible; faire éliminer Hammouda Bey par Mariano, qui accepta.

Aidé par un médecin vénitien qui avait produit le poison, Mariano assassina le Bey, libérant ainsi la route au trône à Othman (1763-1814), qui devint le nouveau Bey de Tunis pour seulement 3 mois et 5 jours.

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