Education, enseignement et mise en œuvre des réformes: La volonté absente

Le système éducatif tunisien ne peut plus attendre cette réforme qui devrait lui apporter un nouveau souffle et lui permettre de se mettre au diapason des nouveautés pédagogiques. Mais, malheureusement, des forces et des freins incompréhensibles continuent à mettre tous les obstacles pour que rien ne change. Tant pour les niveaux primaires, préparatoires ou secondaires que supérieurs, rien n’a pu être mis en œuvre.


En effet, il y a eu de nombreux travaux et l’implication de spécialistes et de pédagogues pour l’élaboration des démarches nécessaires à une véritable stratégie en matière d’enseignement. Toutefois, rien n’a pu être fait. D’importants résultats et recommandations existent. Des projets crédibles sont prêts et n’attendent qu’un feu vert qui viendra d’on ne sait où. Car plusieurs forces (surtout venant des syndicats du supérieur et de l’enseignement de base et secondaire) persistent à bloquer ces importants projets.

On pense que les projets auxquels sont parvenus des experts et des pédagogues peuvent apporter ce plus tant recherché par notre système éducatif. On s’étonne, surtout, de l’hypocrisie de certains qui revendiquent une réforme urgente alors que ce sont eux qui en bloquent la mise en œuvre.

Trop d’intervenants

Les spécialistes ont, déjà, dressé leur diagnostic et dit leur dernier mot. Ils n’espèrent rien d’autre que l’application de leurs plans de réforme et de réactualisation. Certes, la réforme de 1958 a mis en place les jalons de la modernisation de notre système éducatif. Mais cette première réforme après l’Indépendance a été revue et corrigée en 1991 et 2002. Cette dynamique ne doit pas être remise en question et elle doit se poursuivre.

Deux orientations caractérisent les démarches à suivre. D’abord sur le plan international puis au plan local. S’agissant du premier, on sait que le monde connaît, actuellement, des bouleversements technologiques et sociaux très rapides qu’il ne faut pas écarter de la vision globale à impulser à notre aggiornamento éducatif. Sur le plan local, aussi, les évolutions et les transformations socioéconomiques ont besoin d’une mise à niveau globale de l’infrastructure et des méthodes.

Aussi, le démarrage d’un grand débat dans le cadre du dialogue national sur la réforme du système éducatif, le 23 avril 2015, a-t-il été salué comme le déclenchement d’un nouveau processus.

Cette approche, apparemment saine, n’a pas abouti. La multiplicité des participants à ce grand débat n’a pas fait l’unanimité et a faussé les travaux. Les réunions devaient regrouper les services concernés du ministère (inspecteurs, pédagogues, spécialistes…) ainsi que les différents syndicats de l’enseignement (au nombre de 9). Il fallait y ajouter 9 autres associations dans un “réseau de la culture civile” regroupant des représentants des avocats, des journalistes, des femmes démocrates …! C’est ce qui aurait décrédibilisé les résultats de ces débats et contribué à mettre en veilleuse les outputs. En clair, il s’agit de donner aux apprenants tous les outils nécessaires pour être capables d’affronter les nouveaux défis et se placer au niveau des pays développés. Il ne s’agit pas de se plaindre et de s’autoflageller en poussant nos jeunes à désespérer de l’avenir et à se sentir coupables et incapables.

Ne pas victimiser l’élève

Car on voit que de nombreuses voix critiquent de façon anarchique les programmes et les horaires et victimisent à outrance les élèves. Ces derniers finiront par lâcher et ne plus chercher à surmonter les obstacles. Crier sur les toits qu’il y a une surcharge horaire et que les méthodes d’apprentissage s’appuient sur le bourrage de crâne n’a aucune utilité. L’impact sur nos élèves n’en sera que catastrophique. Ils se sentiront visés et croiront qu’apprendre est devenu une corvée.

Les spécialistes ont bel et bien montré, comme l’affirment deux anciens inspecteurs généraux (Mongi Akrout et Hédi Bouhouch) dans leur blog : “Notre culture scolaire actuelle privilégie l’accumulation des connaissances dans une perspective encyclopédiste.” Les deux inspecteurs ajoutent que les  élèves ne font aucune différence entre les matières d’éducation civique et artistique et les autres disciplines. Ils ont tendance à mémoriser les premières mécaniquement, sans que rien n’indique, ni dans leur comportement ni dans leurs réactions affectives … qu’ils en ont intériorisé les valeurs et les savoir-être visés. Cela peut expliquer leur désaffection ou, au mieux, leur indifférence à l’égard de ces matières” Il faudrait, selon eux, “établir une distinction nette entre, d’une part, les domaines et les matières qui sont des moyens d’acquisition du savoir, comme les langues et les mathématiques, et, d’autre part, les matières à caractère strictement éducatif et artistique.”   

Et le supérieur ?

La même problématique, ou presque, caractérise la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. C’est, justement, dans ce contexte qu’un plan stratégique de la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique pour la période 2015-2025 a été élaboré par la Commission nationale de la réforme après maintes séances de débats et de discussions. Mais, comme le plan de réforme du système éducatif de base et secondaire, il demeure dans les tiroirs des deux ministères chargés de l’Education et de l’Enseignement supérieur. Les oppositions farouches des syndicats y sont pour beaucoup en plus de la disponibilité des fonds à dégager pour réaliser de tels programmes.

En tout cas, ce plan s’articule autour de 5 objectifs. Le premier propose d’améliorer la qualité de la formation universitaire et l’employabilité des diplômés, le second vise à promouvoir la recherche et l’innovation, le troisième à promouvoir la bonne gouvernance et à optimiser la gestion des ressources. Quant au quatrième objectif, il se propose de réviser la carte universitaire pour un meilleur ancrage et équilibre régionaux. Enfin, le cinquième objectif cherche à promouvoir la formation pédagogique des enseignants. En somme, il ne manque plus que la volonté politique et celle des syndicats de mettre en œuvre ces deux grandes réformes en les réactualisant de la meilleure façon qui soit. Le temps n’est plus aux démonstrations de force ou aux bras de fer.

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