L’entreprise autrement: Une onzième année de perdue (II)

Elle plie bagage et va sortir sur la pointe des pieds par la petite porte. L’année 2021 a été, hélas, un véritable fiasco, sur tous les plans. Même le mariage entre ciel et terre n’a pas été assez fructueux et, chose préoccupante, l’année qui se prépare à débarquer n’apporte pas dans son sac de vrais espoirs.

Encore une année de perdue depuis ce formidable soulèvement des sans-espoirs et ce sang innocent qui a coulé à flots par des mains censées lui épargner de tels destins tragiques. Un soulèvement qui a fait naître chez les Tunisiens la ferme conviction que tous les espoirs étaient déjà permis.

Ces jours-là, les Tunisiens ont ressenti la même euphorie ou presque que celle qu’ils ont connue un certain 20 mars 1956 ou un 7 novembre 1987. Ces jours-là, ils ont tous clamé et réclamé haut et fort, «c’est notre droit d’avoir un boulot, bande d’escrocs !» et aussi «Travail, liberté et pour le pays la dignité».

Que d’espoirs se sont évaporés, que de rêves devenus des cauchemars, au cours de ces six dernières décennies. Des espoirs qui risquent de ne plus voir encore une fois le jour, tellement le pays a terriblement régressé et à tous les niveaux.

Même les larges espaces de liberté chèrement acquis se sont petit à petit rétrécis à cause des abus de tous genres de la part de tous pour laisser la place à la gabegie, à l’impunité, au laisser-aller, à une cacophonie grandissante et à la liberté… d’aboyer.

Notre pays est, hélas, devenu très dépendant de l’extérieur, pour ne pas dire qu’il a perdu sa souveraineté effective. Et la plupart des Tunisiens rêvent de le quitter car ayant perdu le sentiment d’appartenance, tellement considérés comme des persona non grata par l’appareil de l’Etat, lequel est constamment confisqué par des vagues successives de gangsters.

Et, depuis un peu plus de plus de six décennies, le pays est rongé par les conflits pour le pouvoir et les règlements de comptes qui s’ensuivent qui, parfois se traduisent par des événements tragiques et sanglants, pour donner lieu à de brèves bouffées d’oxygène. De courts répits qui ont été toujours suivis de honteuses marches-arrière.

Et au lieu de construire le citoyen, le vrai, ces bandes de gangsters ont tout fait pour produire en nous ce que nous avons appelé l’«anti-citoyen» et de tuer dans l’œuf tous les génies et les futurs membres des élites éclairées.

Et au lieu de cultiver chez nous la créativité, ils ont fait pousser dans nos têtes la fièvre acheteuse et la «revendicationnite» aiguë, la passivité et l’attentisme, l’opportunisme, le parasitisme et le clientélisme et fait en sorte que la corruption devienne la règle et la bureaucratie la seule forme de gestion.

A cause d’une administration pléthorique en termes de personnel et de procédures, et un système de production des incompétences, tout est fait pour détruire l’initiative privée et la création des richesses, pire, pour encourager la corruption, les réseaux parallèles et le travail au noir.

Et au lieu de cultiver chez nous l’esprit de rigueur, l’amour du travail, le culte de la qualité et du mérite, ils ont institutionnalisé, chez nous, la médiocrité et le mauvais goût. Pire, la phobie de l’effort et de toute démarche visant l’excellence. S’enrichir vite et par tous les moyens est ainsi devenu la devise de la majorité des Tunisiens.

Sans vergogne, ils ont approfondi les écarts entre zones rurales et urbaines, entre une partie du littoral et le reste du pays, et en termes d’éducation, de santé et de propreté publique, entre quartiers huppés et quartiers populaires ou pauvres.

La honteuse situation de «deux vitesses», en ce qui concerne surtout les services publics a été, ainsi érigée en politique d’Etat et devenue la règle. Et leur destruction un objectif stratégique. Tout a été sacrifié sur l’autel de la cupidité et du racket.

Ils ont instauré également la loi du plus fort, partout où l’on va, même dans les temples de la Justice, et le pays est devenu, à cause d’eux, l’otage de certains syndicats et de bon nombre de corporations rapaces. Un pays où ses enfants vivent dans la peur.

C’était là un rapide survol de ce qui est arrivé à ce pays depuis ce qui a été appelée Indépendance et aussi après ce qui a été appelé Révolution. Situation qui est la conséquence de cette mentalité de gangsters et de partage du butin qui est enracinée chez nous depuis des siècles.

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