Cérémonie commémorative en l’honneur de Lina Ben Mhenni : «Lina vit en nous»

Il y a deux années s’éteignait Lina Ben Mhenni. Une cérémonie commémorative en hommage à la militante et figure de la révolution, partie trop tôt, à l’âge de 36 ans, le 27 janvier 2020, s’est tenue samedi au Théâtre de l’Opéra, à la Cité de la culture.

Cette cérémonie commémorative souhaitée par ses parents Mina et Sadok Ben Mhenni ainsi que ses amis et compagnons de lutte et de route a été reportée à plusieurs reprises depuis le décès de Lina le 27 janvier 2020. C’est qu’entre temps, le coronavirus est apparu en Tunisie, a gagné du terrain, confiné les populations et interdit les rassemblements. La conception de la manifestation qui a pour slogan Lina Haya fina (Lina vit en nous) a eu donc le temps pour bien mûrir. Démunie de longs discours, elle a focalisé sur l’émotion et sur le rappel des axes du richissime engagement social et politique de cette voix libre de la Tunisie à travers la musique, la poésie, le chant, la vidéo et le théâtre.

Une vie si courte, un parcours richissime

La manifestation ressemble beaucoup à son inspiratrice : des chansons engagées, la magnifique voix de Bédiâ Bouhrizi récitant presqu’à capella sa litanie « Crie », le trio de Lobna Noômane, sa grande amie, qui a clamé son oraison funèbre le jour de ses funérailles, le groupe Ouyoun El Kalam, l’ensemble Ajrass. Elle aurait bien aimé Lina revoir toutes celles et ceux qu’elle affectionnait tant venus par amour pour elle ce samedi évoquer tant de souvenirs de lutte datant d’avant et d’après la révolution devant un public respectueux et attentif.

Dans une vidéo, Hana Trabelsi a raconté la manifestation Nhar Ala Ammar (Sale journée pour Ammar) organisée par une poignée de blogueurs dissidents au centre-ville de Tunis pour protester contre la censure sur le Net. Lina occupait les premières lignes de ce collectif : «Son courage nous fascinait !»

Moslem Gazdallah, blessé de la révolution, a expliqué que jusqu’à quelques jours avant sa disparition, Lina n’a pas arrêté de soutenir et de manifester aux côtés de ces grands oubliés des évènements de décembre 2010-janvier 2011.

«Mon deuxième accouchement de Lina a été le jour où je lui ai donné mon rein le 14 février 2017, journée de la fête de l’amour. Elle a pu renaître alors après deux années pénibles de dialyse et nous aussi d’ailleurs», a déclaré sa mère, Mina Ben Mhenni, tout en appelant les Tunisiens à être généreux en dons d’organes.

Des hommages post-14 janvier et des trophées post-mortem

L’autre bataille de cette icône de la révolution, qui a récolté un nombre impressionnant de trophées internationaux, notamment après le 14 janvier, a été celle dédiée au déficit de médicament ou pire encore à la lutte contre les médicaments périmés. La campagne «Sayeb Eddouwa» (Laisse passer les médicaments) organisée sur Facebook avec son amie l’artiste Rachida Amara ressuscite ses difficultés à elle pour trouver des médicaments soignant son mal. Mais comme à chaque fois, chez Lina l’individuel prend rapidement la forme du communautaire et une action de collecte et de distribution de médicaments  voit le jour et prend de belles dimensions.

Le ramassage des livres pour les bibliothèques des prisons tunisiennes fait également partie de ses hauts faits d’armes. Tout comme la participation active à l’opération Be Tounsi, qui valorise l’habit et le patrimoine tunisiens. Lina a été vice-présidente de l’association qui porte le nom de cette campagne, aux côtés de Faten Abdelkéfi. Elle dira dans une vidéo : «Cette période où Lina a contribué à faire rayonner notre héritage vestimentaire a été parmi les plus gaies et les plus colorées de sa vie de militante sur le terrain des batailles pour les droits et libertés».

Dans un émouvant témoignage enregistré, Mouna Allani Ben Halima, hôtelière et militante associative, se lamentera du vide laissé par la jeune femme : «Depuis le 14 janvier, polémiques, manipulations et partis pris partisans ont empoisonné les médias et la Toile. Or, les positions de Lina sur les réseaux sociaux sont toujours d’une incroyable justesse, désintéressées et sans compromission aucune. Depuis qu’elle est partie, je me sens quelque peu perdue».

Une exposition des trophées post-mortem de Lina, de son livre Tunisian Girl et de photos illustrant son parcours si court et si long à la fois ont accompagné cette après-midi de cérémonie du samedi dernier.

Durant ces deux années, les hommages destinés à la jeune militante se sont multipliés à travers le monde. En Tunisie, des prix portent désormais son nom.

Celui de la délégation de l’Union européenne en Tunisie : le «Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d’expression». Une distinction qui récompense les meilleurs articles défendant les principes et valeurs de la démocratie, des libertés et des droits partagés entre la Tunisie et l’UE. D’autre part, «Le prix Lina Ben Mhenni des droits de l’homme» est une initiative de l’Association tunisienne pour les Nations unies créée en 1963 par Mongi Slim. Les Journées cinématographiques de Carthage attribuent désormais et depuis l’édition 2021 leur Prix Lina Ben Mhenni.

Laisser un commentaire