Enseignement pour adultes : Est-il temps de réviser nos comptes ?

 

Au début, ce fut comme un rêve d’enfant, lorsqu’on s’attaquait, volontiers, à la grande lutte contre l’analphabétisme pour avoir gain de cause. Aujourd’hui, avec deux millions d’analphabètes à l’échelle du pays, l’on ne doit que rectifier le tir et repenser le mode d’action.

On vient, ces derniers jours, de célébrer la journée arabe de l’alphabétisation, sur fond d’un bilan peu reluisant : deux millions de nos concitoyens sont analphabètes, soit 17,7% de la population tunisienne, avec de fortes disparités régionales, en termes d’âge et de sexe.

Un taux jugé encore élevé, de par ce qu’on avait investi et réalisé en matière d’enseignement d’adultes. Fut-elle, alors, une politique de façade ou une démarche mal en point? Les deux à la fois, semble-t-il. Comme si on se battait contre des moulins à vent !

Il y a quarante ans, et pourtant. ! 

Ce programme en tant que tel datait depuis 2000, année où son lancement creva les yeux et fit tourner les têtes, avec, en toile de fond, l’impératif alignement sur les objectifs onusiens escomptés, à savoir «assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ». A l’époque, l’engagement du pays n’était pas fortuit, force est de constater que tout s’inscrivait dans un esprit de continuité. Car, le premier acte inaugural fut, alors, au temps de Bourguiba, où cette lutte contre l’ignorance prit la forme d’une pure et simple stratégie nationale antianalphabétisme, avant de s’ériger, plus tard, en un programme d’enseignement pour adultes.

Cela fait, maintenant, quarante ans et même plus qu’on a multiplié les campagnes et les actions, aux fins de briser le carcan de l’illettrisme et s’affranchir du complexe cognitif et de l’inculture. Pour y arriver, on a beaucoup misé sur tout un parcours initiatique si passionnant, comme gage d’émancipation et du compter-sur-soi. Relever ce défi était, au fil du temps, un réel engagement pris, ayant mobilisé les moyens nécessaires à son succès. L’objectif étant, au départ, de réduire le taux d’analphabétisme à son plus bas niveau, de capitaliser sur l’expérience initiale déjà acquise. Aussi, y avait-il intérêt de hisser le capital humain à des paliers supérieurs, en l’aidant à s’intégrer socioéconomiquement. L’acquisition de ces connaissances et le développement des aptitudes professionnelles dont il a besoin a toujours été le cheval de bataille de ce programme.

Ceci étant, l’on compte, actuellement, 952 centres d’éducation des adultes, où plus de 27 mille apprenants en milieu rural et urbain en tirent profit. Cela fait des années qu’on s’y investit et qu’on revisite son andragogie pour promouvoir un tel secteur éducatif non formel, mais qui est en mesure d’assurer aux déscolarisés et illettrés un cursus d’enseignement tout particulier. Soit un apprentissage tout au long de la vie. Au-delà de s’initier à lire et écrire, cette nouvelle approche pédagogique tient à fournir, via formation, la chance de l’autonomisation économique.

A l‘heure du numérique

Aujourd’hui, sur un total de 25 % de femmes analphabètes en Tunisie—le double par rapport aux hommes (13 %)—, celles vivant en milieu rural en représentent quasiment la moitié (50 %). En cause, ces dernières semblent avoir eu la part du lion de toute formation visant, a priori, le renforcement de leurs capacités intellectuelles pour les doter, ensuite, des atouts d’intégration professionnelle. Car, le progrès des nations est tributaire de la valeur qu’elles accordent à la science et au savoir. Mais cela nécessite, au fur et à mesure, évaluation et remédiation.

Par ailleurs, l’éradication de l’analphabétisme et du décrochage scolaire, comme axe majeur du programme, ne se limite pas uniquement à l’Etat. La responsabilité devrait, également, être partagée. Société civile et médias sont appelés à y mettre du leur, jouant sur l’action et la sensibilisation. L’éducation pour adultes n’est, certes pas, un fait limité dans le temps. C’est un nouvel ordre éducatif dicté par un nouvel apprentissage numérique. Il faut dire, ici, que l’éducation des adultes devrait changer de paradigmes et d’approches.

Et là, le ministre des Affaires sociales a tout récemment, déclaré que le statut des enseignants de ces centres d’alphabétisation a finalement été réglé. D’autant plus que le budget du Centre national d’éducation pour adultes (Cnea) sera augmenté, pour qu’il puisse se réinventer. Il devrait, ce alors, réviser ses comptes pour répondre aux attentes des apprenants. C’est que cette ère de digitalisation lui incombe, tout bonnement, de s’y prêter volontiers. 

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