La vérité commence à éclater

Editorial La Presse

IL était médecin, homme d’affaires, élu local. Jilani Dabboussi a été incarcéré suite à un mandat de dépôt émis à son encontre en octobre 2011 pour être retenu sans jugement jusqu’au 7 mai 2014 quand il a été libéré quelques heures avant son décès. Agé de 67 ans à l’époque, diabétique insulino-dépendant, Jilani Dabboussi était sous dialyse péritonéale, il savait que son état de santé nécessitait une hospitalisation. Il était prêt à purger n’importe quelle peine pourvu qu’on lui accordât une hospitalisation dans l’un des hôpitaux à Tunis car les services de soins de la prison ne pouvaient prendre en charge des maladies aussi lourdes. Malgré ses divers recours, il n’a jamais pu bénéficier d’une telle dérogation. Ceux qui ont opposé leur refus font partie d’un comité médical. Leur avis est donc crucial pour que le juge puisse fonder sa décision. «Ils veulent ma peau», a-t-il asséné à plusieurs reprises. Mais l’homme au long parcours politique est aussi un juriste. Il n’a pas fait que clamer son innocence et revendiquer son placement dans un hôpital en raison de son état de santé, il a aussi réuni les preuves contre ses médecins geôliers, contre les magistrats et même contre des ministres à l’époque. Mais on a tout fait pour étouffer sa voix pour le laisser moisir en prison jusqu’à la mort. Pourquoi cet acharnement contre Dabboussi ? Il n’était pas simplement un symbole de l’ancien régime qui n’a pas cédé au racket comme tant d’autres qui, par peur, ont dû payer une rançon pour éviter la prison, Dabboussi était un homme influent qui pouvait mettre en branle toute la région du nord-ouest tellement il était lié à cette région et connaissait tous les chefs, tous les meneurs et tous les clans et ce depuis plus de cinquante ans. C’était un homme de terrain dont il fallait se débarrasser avant les élections. Il représentait un obstacle pour Ennahdha et était une cible évidente pour eux afin de libérer la voie aux nouveaux maîtres de la Tunisie. Malgré un combat mené par sa famille après sa mort afin d’établir la vérité sur les conditions de sa détention prolongée (près de 30 mois, alors que le délai fixé pour la détention préventive est de 14 mois) et malgré les procès intentés en Tunisie et en France, l’affaire sera étouffée. Ce n’est qu’après le 25 juillet 2021 que le dossier sera remis sur la table quand la ministre de la Justice a demandé au procureur général de la Cour d’appel de Tunis d’autoriser le ministère public près le tribunal de première instance de Tunis d’ouvrir les enquêtes nécessaires sur les circonstances du décès de Jilani Dabboussi. Hier, un mandat de dépôt dans le cadre de cette affaire a été émis à l’encontre d’une femme médecin de santé publique qui exerçait dans le pénitencier où Dabboussi était placé. Maintenant que la justice a été débarrassée de la mainmise politique d’Ennahdha, la vérité doit éclater. Et s’il y a eu un crime, les commanditaires devraient payer. Ce n’est que de la sorte que Dabboussi reposera en paix et que sa famille sera réconfortée.   

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