ESQUISSE: Néjib et le triomphe de la vie

J’ai hésité longtemps avant de tracer ces quelques lignes. Parce que, en certaines circonstances, les mots n’ont plus aucune signification. C’est le cas lorsqu’on est témoin d’un malheur incommensurable, d’un cataclysme à l’échelle d’un individu. Que pourrait-on dire de pertinent à des parents qui viennent d’être perfidement frappés dans leur chair par la perte d’un fils en pleine force de l’âge, en qui ils voyaient un prolongement de leur propre être et qui part sans crier gare ?

Notre ami Néjib et son épouse Salwa ainsi que toute la famille Chouk viennent de se voir ravir à leur affection Marwène, leur bien-aimé fils et frère. Cruelle épreuve à laquelle ils sont confrontés et nul chagrin ne saura mesurer la profondeur de leur douleur, car jamais un géniteur ne s’attend et encore moins n’admet de voir sa progéniture partir avant lui. Alors, le poids des mots…

Néjib, ancien des journaux «l’Action» puis «Le Renouveau», et par la suite éditeur et photographe parmi les plus talentueux de ces dernières décennies, a été confronté dans sa vie, y compris dans l’exercice de sa profession, à bien des adversités, parfois potentiellement mortelles. Mais, en sportif accompli qu’il est, il a toujours su déjouer les mauvais tours du sort. Il a constamment su «transformer» les périls en avantages, notamment à travers ses réalisations artistiques. Aujourd’hui, l’épreuve est de tout autre nature. Il se trouve confronté à un adversaire imbattable : la Fatalité. Alors se soumettre ? Se plier aux diktats du désespoir ?

La mort est la seule certitude qui soit inscrite sur la feuille de route de chaque vivant à sa naissance. Elle n’est cependant pas envisagée avec la sérénité qui, en principe, doit accompagner toute certitude. Sa venue suscite ordinairement peur, peine, colère et même révolte. Ce qui ne change rien à la loi de l’existence même de tout être, de toute chose. Mais on peut vaincre la mort en inscrivant dans la mémoire des vivants le souvenir des disparus. En cela, les créateurs (dans tous les domaines) ont une supériorité sur tous les autres, celle de pouvoir perpétuer la souvenance d’une figure (ou d’un fait) à travers le temps. Nul doute que Néjib, en artiste accompli, trouvera dans un tel triomphe sur la mort de quoi apaiser son âme et celle des siens. Quant au cher disparu, lui, il est entré dans un monde dont l’éblouissante lumière aveugle notre vue de retardataires sur la voie de la Vérité qu’il contemple de face, dans la béatitude de ceux qui, désormais, savent.

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