
« Les images violentes sont partout autour de nous : sur nos écrans, nos téléphones. Ce que je voulais montrer, c’est l’invisible–l’attente, la peur, le silence insupportable quand personne ne vient ». « La voix de Hind Rajab », sélection officielle à Venise.
La Presse —« La voix de Hind Rajab » (The Voice of Hind Rajab), le nouveau long métrage de la réalisatrice tuni- sienne Kaouther ben Hania, a été retenue à la «Compétition Venezia 82» de la 82e édition du Festival international du film de Venise prévue du 27 août au 9 septembre 2025.
La Mostra a dévoilé, mardi, la liste des films de la sélec- tion officielle en compétition, de la section Orizzonti et en hors compétition. 21 longs- métrages sont en lice pour remporter le prestigieux Lion d’or du meilleur film. Parmi eux, celui de Ben Hania qui se retrouve Face à des figures du cinéma comme Guillermo Del Toro, Kathryn Bigelow, Jim Jar- musch ou encore Park Chan- wook. On peut citer aussi: «L’étranger» de François Ozon, adapté du roman d’Albert Camus, «Le Mage du Krem- lin» d’Olivier Assayas, «À pied d’œuvre» de Valérie Donzelli ou encore Orphan de László Nemes. Plusieurs cinéastes de renommée internatio- nale feront leur grand retour, notamment Yorgos Lanthimos avec «Bugonia», Kathryn Bige- low avec «A House Of Dyna- mite» et Benny Safdie avec «The Smashing Machine».«Je suis profondément honoré que «La voix de Hind Rajab» ait été sélectionnée pour la Compétition du Festival du film de Venise de cette année. Mes sincères remerciements à Alberto Barbera et à tout le comité de sélection pour avoir offert cet incroyable coup de projecteur sur le film», peut-on lire dans un long texte de la réalisatrice publié sur la page facebook de son producteur tunisien Tanit Films. La réalisa- trice et scénariste revient sur la genèse de ce film réalisé en 12 mois. En pleine promotion de «Four Daughters», nommé aux Oscars 2024, Kaouther Ben Hania découvre l’enregis- trement déchirant de la petite Hind Rajab implorant de l’aide. «À ce moment-là, sa voix s’était déjà répandue sur Inter- net. J’ai immédiatement res- senti un mélange de tristesse accablante et d’impuissance. C’était physique, comme si le sol s’effondrait sous moi. Je ne pouvais pas continuer comme prévu», note-t-elle. Hind Rajab, petite fille palestinienne de 6 ans originaire de Gaza, a vécu un drame devenu symbole. Le 29 janvier 2024, alors que sa famille tente d’échapper aux bombardements de l’entité sioniste, leur voiture est ciblée dans le quartier ghazzaoui de Tel Al-Hawa. Hind en réchappe seule, blottie parmi les corps sans vie de ses proches. Munie d’un téléphone por- table, elle appelle à l’aide. La séquence, déchirante, avait fait le tour du monde: Elle appelle le Croissant-Rouge, d’une voix tremblante, brisée par l’urgence, la peur. «Venez nous sauver», dit-elle, coincée dans une voiture criblée de balles, entourée des corps mourants de son oncle et de sa famille. La voiture était en train de fuir son quartier ; bombardée, elle cherchait un refuge ailleurs. Quand elle est tombée sur un char israélien, son oncle au volant ne faisait que tenter de s’échapper, de sauver sa famille. Mais les sol- dats sionistes, implacables, ne voulaient rien comprendre à cette tentative de fuite. Tout ce qui comptait pour eux, c’était de tuer. La voiture a traversé le champ de vision du char : et sans aucune hésitation, la réponse a été immédiate. L’échange téléphonique a duré trois heures. Malgré l’alerte donnée par le Crois- sant-Rouge, aucun secours ne parviendra jusqu’à elle. Hind a été retrouvée morte le 10 février, lâchement exécutée par les soldats sionistes. Deux membres du personnel para- médical ont été aussi assassi- nés en essayant de la sauver. Leur véhicule était criblé de 355 balles. «Les images vio- lentes sont partout autour de nous : sur nos écrans, nos télé- phones. Ce que je voulais mon- trer, c’est l’invisible–l’attente, la peur, le silence insupportable quand personne ne vient», note Kaouther ben Hania, en ajoutant : «Cette histoire ne parle pas seulement de Gaza. Elle évoque un deuil univer- sel. Le cinéma peut préserver une mémoire. Il peut résister à l’amnésie. Que la voix de Hind Rajab soit entendue». «La voix de Hind Rajab» est une copro- duction tuniso-française de Tanit Films, Film4 Productions et Film Four. Le film a bénéficié d’une bourse d’aide du Fonds d’encouragement à la création littéraire et artistique relevant du ministère des Affaires cultu- relles. Au casting on retrouve les Palestiniens Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees et l’actrice jordano-canadienne Saja Kilani.