Rencontre avec Sana Chamekh, artiste visuelle : La chenille devient papillon

«Des œuvres qui représentent des sentiments que j’ai traversés afin de «guérir et de trouver ma paix en tant que femme dans cette société qui essaie de me façonner dans tout ce qui fonctionne mieux pour son image»

Elle s’appelle Sana Chamekh, elle est née en 1995 et c’est une artiste visuelle qui commence à tracer son bout de chemin. Plus dans l’action que dans les futiles bavardages, elle travaille discrètement sur sa pratique et expérimente différentes techniques.

Pour son cursus universitaire, Sana a commencé par intégrer l’école des beaux-arts, des études qu’elle a choisi d’interrompre pour s’essayer au stylisme à Esmod (où elle a d’ailleurs obtenu le 1er prix pour sa collection). «C’est là que j’ai eu l’idée de travailler sur des imprimés de vêtements en dessinant directement sur les tissus. Au gré des hasards, j’ai pu expérimenter différentes techniques», nous dit-elle.

Elle a complété ses études par différents stages avec des stylistes mais aussi dans le long métrage «Stream» de Mehdi Hmili en tant qu’assistante costumière.

Elle a su faire se rencontrer les deux univers du stylisme et des arts plastiques, en faisant du tissu son support et matériau de prédilection.

A la manière d’une chenille qui devient papillon, Sana est sortie de son cocon pour se révéler au public, récemment, lors d’une exposition collective aux côtés de Younes Ben Slimane et Ymen Ben Rhouma intitulée «De toutes pièces» et abritée par l’atelier «Y» à la Marsa.

Elle y présente une série d’œuvres et autres fruits d’expérimentations techniques où elle mixe tissus cousus ou collés, acrylique, graphite et crayon.

Des œuvres qui représentent, comme elle le note, «des sentiments que j’ai traversés afin de «guérir»  et de trouver ma paix en tant que femme dans cette société qui essaie de me façonner dans tout ce qui fonctionne mieux pour son image».

On y lit une sorte de biographie après convalescence ou réconciliation, une autopsie d’affects. Un propos d’une sincère sensibilité qu’elle accouche sur le tissu, ce dernier se fait chair et est le réceptacle de ses ressentis, de ses émotions… A coups de crayon et/ou de pinceau, elle incise la chair pour y révéler ses cris intérieurs…La chair décousue est ensuite cousue, aux lambeaux superposés qu’elle restitue et soigne petit à petit dans un processus cathartique.

«J’ai dit que je déteste mon corps et mon corps me déteste. Mon corps est mon plus grand ennemi. Je suis passée par l’expérience inversée lorsque mon corps se sentait vraiment malade, j’étais alors extrêmement consciente de la façon dont il travaillait dur et à quel point il se battait pour me maintenir en vie. J’ai alors commencé à voir mon corps comme un allié, ce corps qui a pris soin de moi dans les moments les plus durs… J’ai commencé à nourrir une nouvelle croyance,  je pouvais faire confiance à mon corps pour me dire la vérité. Qu’est-ce que la douleur, après tout, si ce n ‘est le langage du corps ? Et le mien, son message était tout simplement qu’il n’y avait plus rien à guérir…», c’est par ces mots que Sana exprime cette période de douleurs vécue et qu’elle a pu surpasser. Des mots auxquels donnent la réplique ses quatre œuvres où une mélancolie féminine est exprimée dans tout ce que la chair peut englober, contenir et ressentir dans une société qui la veut malsainement sienne. Bonne continuation.

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