Portrait | Nagham Hodaifa, artiste peintre : Elle a la peinture dans la chair…

«C’est dans la durée que l’œuvre rejette le superflu et s’approche plus de l’authenticité».

On a découvert son travail grâce à l’initiative «Fruits confinés» lancée par Elbirou Gallery lors du confinement. Elle s’appelle Nagham Hodaifa, elle est artiste peintre syrienne, installée à Paris, et c’est autour et sur le gant (comme seconde peau) qu’elle a proposé un récit pictural pour ce projet. Son lien avec la Tunisie s’est fait lors de son séjour à la maison de la Tunisie à la Cité Internationale Universitaire de Paris où elle s’est liée d’amitié avec les deux artistes tunisiens Wissem El Abed et Najah Zarbout. Avec cette dernière, elle a, par la suite, collaboré dans une exposition abritée par la galerie Elbirou.

Nagham se définit avant tout comme artiste peintre, la peinture étant pour elle une nécessité qui a toujours orienté sa vie. «Un besoin ni philosophique ni littéraire…», note-t-elle. Portrait.

Née en 1981 en Syrie, Nagham Hodaifa vit et travaille à Paris depuis 2005. Elle a fait l’Ecole des beaux-arts de Damas avant d’intégrer l’Université de Paris 1 Sorbonne-Panthéon où elle a entamé ses études théoriques qui ont abouti à un doctorat en histoire de l’art. Sa pratique artistique prend racine et corps de la matière brute qui demeure essentielle pour elle.

Son œuvre, comme elle le précise, raconte, en premier lieu, la condition humaine au moyen de la représentation du corps. «Ce dernier, parfois dansant, entier ou fragmenté, n’a cessé de se transformer dans mon univers pictural, en corps-paysage, parfois sans tête, ni visage. Il est anonyme, dissimulé par un drapé uni au geste», écrit-elle dans ce sens.

Corps/paysage, corps métonymique, corps tissu (drap drapé, chemise de nuit) ou plutôt corps/mémoire, autant d’articulations et de manifestations de ce qui raconte notre intimité, notre histoire, une temporalité…

Le corps est abordé sous différents angles de vue (et autres découpages et cadrages) sur la toile, pour se faire, dans certaines œuvres, «visage lointain, mains, pieds en plongée marquant le seuil du regard».

«Je fais rarement un dessin préparatoire. Le dessin est autonome, quotidien, premier, il est une fin en soi ; la peinture, fondamentale, instantanée, manifeste la couleur, l’espace, les strates et la mémoire», précise-t-elle. Et cela donne lieu à une peinture sans filtres, au propos direct et selon une échelle variable, abordée le plus souvent en technique mixte (pigments, encre, acrylique, colle, huile ou différents procédés de gravure : pointe sèche, aquatinte, xylographie…) et s’affirmant par couches et tons variés et par l’apport doux de la transparence, de l’opacité et de la lumière…

Ses projets se répandent et évoluent dans le temps mais pas d’une manière linéaire : «des thèmes traités en 2010 ont été repris en 2019, des toiles réalisées en 2006 ont été le sujet de mes spectacles en 2009; et des toiles commencées il y a plusieurs années sont toujours en cours de réalisation», explique-t-elle et de noter encore que le temps de son œuvre s’inscrit intemporellement dans le registre de l’intime et des sensations.

Nagham invoque dans sa démarche, d’une manière récurrente, l’interdisciplinarité des arts, un dialogue avec d’autres disciplines et avec le public qui donne une autre dimension à son travail. Elle a, ainsi, souvent travaillé avec des musiciens et des danseurs. Ces créations, sous forme de performance ou de spectacle vivant, sont pour elle une étape dans le processus créatif qui sera repris dans son atelier et deviendra une matière à retoucher et à finaliser… «La performance me donne une stimulation qui n’est pas possible dans l’activité solitaire du peintre», souligne-t-elle dans ce sens.

La première exposition personnelle de l’artiste remonte à 1997 en Syrie, depuis elle a exposé, en solo ou en groupe, un peu partout en France, à Dubai, au Maroc et en Tunisie. Actuellement elle a un projet en cours intitulé «Nostalgie méditerranéenne». Bon vent !

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