Raoued | Intensification des descentes dans les chantiers illégaux : Un va-t-en-guerre contre les constructions anarchiques

Chaque été, les travaux de constructions illicites reprennent de plus belle.

L’autre jour, le maire de la commune de Raoued (gouvernorat de l’Ariana), accompagné d’agents de la police municipale, débarqua soudain dans un chantier ouvert du côté de l’arrondissement de la Cité Ghazala. Cette irruption spectaculaire et inopinée fera mouche, puisqu’il s’est avéré que le propriétaire des lieux a transgressé la loi en procédant illégalement au changement de vocation du terrain qui était conçu, selon le permis de bâtir, à usage d’habitation, avant d’être transformé, sans crier gare et en… cachette, en un… centre commercial !

Non loin de là et dans le même arrondissement, une autre descente non moins fulgurante effectuée par la même équipe de «justiciers» fera une autre victime-surprise, elle aussi, en flagrant délit de construction d’un étage supplémentaire qui n’est pas incluse dans le permis de bâtir !

Ici et là, on passe, séance tenante, à la caisse : saisie de matériaux de construction, arrêt immédiat des travaux et convocation des maîtres de céans à se présenter dans les plus brefs délais au QG de la mairie.

L’été du béton

En réalité, ces deux scènes, si elles sont tout à l’honneur d’une municipalité très active et audacieuse, ne relèvent pas pour autant de l’exploit. Elles entrent plutôt dans la logique d’une tradition qui veut que ce sont les municipalités qui ont la charge du dossier des constructions anarchiques. Un phénomène qui leur a rendu la vie dure par son ampleur incontrôlée (ou presque), et cela en dépit des durs revers qu’il avait subis.

Tel un boxeur qui encaisse une salve de coups de poing sans pour autant baisser la garde ou s’avouer K.-O., ledit phénomène devient autrement plus dangereux dès que l’été s’installe. C’est justement sa saison de grâce au cours de laquelle il est irrésistiblement envahissant et en possession de la plénitude de ses moyens. C’est que le temps des glaces et des chaleurs est pour les Tunisiens le temps du béton par excellence, parce qu’ils (y compris nos travailleurs à l’étranger) ont pris l’habitude d’ouvrir des chantiers, qui pour des travaux de construction, qui pour des travaux de rénovation, qui encore pour des travaux d’extension. Nous ne parlerons pas ici des sages et honnêtes citoyens munis d’un permis de bâtir qu’ils respecteront scrupuleusement. Mais plutôt «des aventuriers du béton» que tout le danger vient. Ceux-là mêmes qui, l’imagination fertile et l’audace aidant, n’hésitent pas à violer la loi, en gérant, avec beaucoup d’ingéniosité, la traditionnelle partie entre le chat et la souris qui les oppose à la police municipale. Et cela en privilégiant la tactique des travaux nocturnes, mais aussi en… achetant le silence des agents de contrôle, tout en s’appuyant sur des pistons et le tour est joué.

Et dire que des Tunisiens basés à l’étranger et censés être plus disciplinés à l’égard de la loi sont contaminés par ces stratagèmes diaboliques dès qu’ils décident, à leur retour au bercail pour les vacances, d’engager des travaux d’aménagement. L’un d’eux s’en défend, en imputant cela à «la lourdeur des formalités administratives, à la politique des deux poids deux mesures et à l’extraordinaire lenteur précédant l’obtention du permis de bâtir».

Aux grands défis, les grands moyens

Or, la question la plus importante est de savoir si les municipalités sont capables, ou pas, de gagner ce combat. Réponse :oui et non.

Oui, à condition de satisfaire les exigences suivantes : renforcement de l’effectif des agents de la réglementation chargés de l’inspection des chantiers, implication plus forte de la police municipale et de la police de l’environnement, intensification des raids, volonté tenace d’appliquer la loi à tout le monde sans distinction aucune et, enfin et surtout, exécution des arrêts de démolition.

Non, bien sûr, si on ne change pas les méthodes de combat actuelles qui ont fait la preuve de leur inefficacité. En effet, pourquoi les descentes dans les chantiers ne sont pas fréquentes? Pourquoi le torchon continue, à nos jours, de brûler entre les mairies et «leurs» polices municipale et environnementale sur fond de désaccords sur les prérogatives des unes et des autres? Pourquoi laisse-t-on pousser des villas et des… immeubles, avant de se rendre compte, plus tard, qu’il faut tout simplement les démolir, sous prétexte qu’ils étaient en situation irrégulière à l’égard de la loi ? Pourquoi met-on une éternité pour avoir enfin droit à son autorisation de bâtir? Pourquoi ne frappe-t-on pas fort dans les cas de corruption des agents qui n’en ont généralement que pour quelques petits mois de prison, s’ils ne sont pas forcés de démissionner, malgré leur culpabilité établie ?

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