La propagation du coronavirus s’accélère en Tunisie: A qui la faute ?


Si la Tunisie a pu vaincre la pandémie dans sa première phase, c’est grâce aux efforts concertés du gouvernement et des citoyens. Tout cela n’aurait été possible sans les efforts conjugués de tous les secteurs en Tunisie qui témoignent, par là même, du patriotisme vigoureux des Tunisiens quand ils font confiance à leurs gouvernants. Malheureusement,  l’épidémie a repris avec une accélération époustouflante due aux ambitions politiques des uns et à la cupidité sans limites des autres. La faute est politique.


A force de ronronner, la machine politique en Tunisie s’est enrayée. Les Tunisiens n’ont plus confiance en rien ni en personne. Même ceux qui ont pensé la deuxième République, ses règles, ses fondements, ses valeurs avouent que rien ne va plus. Avec une actualité maussade à longueur de journée, on ne fait que broyer du noir. Incendies criminels, actes de vandalisme sur des biens publics, blocage du transport du phosphate, sit-in et grève de la faim au Parlement… de quoi faire oublier aux citoyens l’augmentation du prix du lait, la pénurie de farine et de semoule et les tracas des factures impayées qui s’accumulent dans leurs boîtes aux lettres en attendant des salaires et des pensions qui risquent de ne pas venir.

Quoi de mieux qu’un tel décor pour le coronavirus d’accélérer sa propagation et prendre sa revanche après avoir perdu la première bataille en Tunisie. Et chose faite. Il est là de nouveau ce tueur silencieux invisible, libre d’agir dans un pays qui a baissé la garde. Cela se passe à l’heure où la famille politique, divisée, s’affronte. Et tandis qu’ils ne faisaient que s’entredéchirer, les cas de contamination ne font qu’augmenter. Résultat des courses : on compte déjà les décès par dizaines. Les hospitalisations en soins intensifs donnent du fil à retordre à un corps médical en détresse. Un couvre-feu est décrété dans plusieurs régions. Le personnel exerçant dans les laboratoires de l’Institut Pasteur de Tunis menant les opérations de dépistage du Covid-19 est soumis à une forte pression. Le directeur général de l’Institut Pasteur de Tunis, Hechmi Louzir, qui reconnaît l’état d’épuisement dans lequel se retrouve le personnel des laboratoires de dépistage du coronavirus a protesté contre la forte pression à laquelle il est exposé en raison du nombre élevé d’analyses effectuées au profit des hôpitaux publics, de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes, ainsi que des particuliers. Il a appelé à une meilleure répartition des actes d’analyses sur les autres laboratoires hospitaliers, tels que Charles-Nicolle à Tunis, Fattouma-Bourguiba à Monastir, Farhat-Hached à Sousse, Habib-Bourguiba à Sfax, Abderrahmen-Mami à l’Ariana et l’hôpital Sadik-Mkadem à Djerba.

Alléger la pression

Pour alléger la forte pression sur les hôpitaux réservés aux patients Covid-19  ainsi que pour faciliter l’accès aux soins contre le coronavirus dans les régions où des clusters sévissent par centaines, la direction générale de la santé a adressé une correspondance à toutes les structures sanitaires, les sollicitant de prendre en charge les cas porteurs du coronavirus, soulignant que cette décision vient annuler les décisions précédentes concernant l’orientation des patients vers les structures de santé.

Pour sa part, Habib Ghedira, membre du comité scientifique de lutte contre le coronavirus, a déclaré que « tous les hôpitaux de la Tunisie sont désormais concernés par la prise en charge sanitaire des personnes contaminées par le coronavirus, sans qu’elles soient obligées de se rendre aux établissements hospitaliers dans d’autres régions ».

Cette procédure reflète l’abandon de la politique privilégiant l’attribution d’un hôpital spécifique aux patients du Covid-19, comme ce fut précédemment avec l’hôpital Abderrahmane-Mami à l’Ariana, désigné pour accueillir uniquement les patients Covid-19.

C’est qu’au niveau du comité scientifique, on reconnaît la menace et on craint le pire. Et on a l’impression qu’ils naviguent à vue. Il n’y a plus de locomotive pour diriger le pays et remettre toutes les structures en marche pour combattre ce fléau.

Il était une fois une Tunisie solidaire

Pourtant, il y a quelques mois, les Tunisiens étaient unis pour empêcher la propagation de l’épidémie du coronavirus. En effet, deux semaines après l’apparition du premier cas, les autorités ont pris des mesures rigoureuses, avec la suspension des vols internationaux, la fermeture des frontières, le couvre-feu et le confinement total sanitaire. Ces décisions ont permis de gagner un temps précieux pour freiner la propagation du coronavirus dans le pays. De même, la Tunisie a su s’inspirer des expériences d’autres pays, en termes de prévention et de contrôle de l’épidémie, tout en formulant sa propre méthode pragmatique et efficace, adaptée à la réalité tunisienne. Des experts en santé publique ont apporté un savoir professionnel de haut niveau dans le diagnostic et le traitement du Covid-19. Ils ont réussi, aussi, à sensibiliser le public contre l’épidémie. Les jeunes étudiants de l’Ecole nationale d’ingénieurs de Sousse ont réalisé des masques imprimés en 3D, apportant leur soutien au personnel médical en première ligne dans la lutte face au coronavirus. Pour la première fois, des drones et des robots télécommandés, équipés de caméras thermiques et de haut-parleurs, ont été utilisés pour surveiller l’épidémie dans les lieux publics. Cette percée, dans la transition numérique des services, a permis aux bénéficiaires d’obtenir, durant le confinement, des aides sociales depuis leurs téléphones portables.

Dans le but de répondre efficacement à l’épidémie, l’Assemblée des représentants du peuple a voté la délégation de pouvoir au Chef du gouvernement en matière de publication des décrets-lois liés au coronavirus. Différents ministères se sont mobilisés pour organiser, malgré les difficultés, le rapatriement des ressortissants tunisiens depuis 34 pays et territoires. Les citoyens  ont participé à ces efforts en faisant des dons au Fonds 1818, dédié à la lutte anti-Covid-19. En outre, de nombreux entrepreneurs se sont activement investis dans l’acquisition de matériel de protection.  Pour leur part, les Tunisiens ont respecté les mesures de prévention et de contrôle prises par les autorités pour rester chez eux, en surmontant les inconvénients causés par le confinement.

C’est de cette manière que la Tunisie a réussi à endiguer la propagation du coronavirus et à s’en sortir beaucoup mieux que d’autres pays de la région en termes de taux de mortalité, de guérison et d’autres indicateurs pertinents.

Mais cette unité fragile a fini par basculer à cause des tiraillements politiques et des calculs partisans.

Si aujourd’hui on a décidé d’ouvrir tous les hôpitaux aux personnes atteintes de Covid-19, c’est que le pire nous attend.

Laisser un commentaire