Exposition-événement | «Tunis Centre-Ville x Patrimoini» : Subjectivités et récit collectif

Le caricaturiste Z a, lui aussi, posé son regard et son crayon sur cette même question, exposant une série de 9 projets «satiro-utopiques», comme il les décrit. Avec son sens intelligent de la provocation et sa lecture crue et directe de l’actualité qu’on lui connaît et qu’on apprécie, il propose, non sans ironie et en invoquant politique nationale et internationale, différentes possibilités de réhabilitation de ce joyau de l’architecture moderne.

L’exposition-événement « Tunis Centre-Ville x Patrimoini «organisée par la Central Tunis, le Goethe Institut et l’association Édifices & Mémoires dévoile depuis le 18 décembre 2020 une diversité de lectures et de récits proposés par pas moins de 25 artistes de différents univers artistiques autour du thème de la ville et du potentiel de développement que représente sa réhabilitation en destination culturelle et créative. On s’y intéresse aussi aux édifices historiques, aux bâtiments et autres joyaux architecturaux en péril, à l’instar du fameux Hôtel du Lac. Avec ses différents volets, l’événement propose, outre les œuvres d’art abritées par la Centrale de Tunis, des cycles de conférences indoor et outdoor autour de Tunis, une série de circuits thématiques guidés par des spécialistes de l’urbanisme, des ateliers, des workshops et autres projections.

Du côté de la galerie Central Tunis, il nous est dévoilé un récit collectif sur Tunis, des réappropriations artistiques des diverses facettes de la ville : ses quartiers, ses faubourgs, ses bruits, ses sons, sa vie quotidienne, ses enseignes mythiques, ses couleurs, sa diversité architecturale, son côté moderne, sa Médina, sa mémoire, ses transformations sociales et culturelles, ses édifices en perdition…

Réparties sur deux niveaux, le rez-de-chaussée et la mezzanine, l’exposition se révèle à nous au gré des lectures des artistes participants. A l’entrée, l’on tombe à gauche sur une partie des œuvres dédiées au thème «Patrimoini Hôtel du Lac». Une pétition est, d’ailleurs, mise à la disposition des visiteurs qui veulent prendre part à la campagne de sauvegarde de cet édifice. Cette pétition vient consolider un dossier de demande de protection de l’Hôtel du Lac déposé par l’association Édifices et Mémoires en septembre 2020 en attendant l’avis de la commission nationale de classement. Rappelons que l’annonce de destruction de cet ancien hôtel a suscité l’indignation et a créé le débat sur le caractère symbolique, que l’on aime ou pas son architecture, de ce bâtiment. Désaffecté depuis 20 ans, l’Hôtel, avec son imposante silhouette triangulaire posée sur la pointe, est gravé dans la mémoire collective. En 2013 commence à circuler sur les réseaux sociaux la triste nouvelle de sa démolition en vue de le remplacer par un hôtel de luxe plus volumineux et plus fonctionnel.

Entre autres acteurs de la société civile tunisienne, l’association «Édifices et Mémoires» a réagi à cela en contribuant, d’abord, à la diffusion de l’information à travers ses actions (Winou el Patrimoine). En 2018/2019, le Goethe Institut de Tunis, qui avait monté avec succès une opération de sensibilisation à la sauvegarde de l’ex-casino d’Hammam-Lif, en association avec Édifices et Mémoires, a lancé un appel à propositions pour la sauvegarde de l’Hôtel du Lac. Un collectif mené par l’architecte Hassene Jeljeli avait été retenu. Mais leur intervention n’a pas abouti et fut avortée. Un reportage photographique réalisé, la même année, par « Lost in Tunis» (Mourad Ben Cheikh Ahmed) a dévoilé des images de l’intérieur du bâtiment complètement délabré et a fait le tour de la Toile remettant au jour le débat. L’action artistique et citoyenne de «Lost in Tunis» est en elle-même un happening, une réappropriation symbolique de cet édifice à travers ces photographies prises à l’insu du propriétaire qui en avait interdit l’accès. Des clichés de ce reportage sont visibles dans cette exposition accompagnée par d’autres errances photographiques dans la capitale.

Le caricaturiste Z a, lui aussi, posé son regard et son crayon sur cette même question, exposant une série de 9 projets «satiro-utopiques», comme il les décrit.

Avec son sens intelligent de la provocation et sa lecture crue et directe de l’actualité qu’on lui connaît et qu’on apprécie, il propose, non sans ironie et en invoquant politique nationale et internationale, différentes possibilités de réhabilitation de ce joyau de l’architecture moderne. Des œuvres des artistes Jihen Ben Chikha, Becem Ben Othman, Collectif (sans adresse), Créativeness, El Warcha, Emily Sarsam, Vittoria Capresi, Asma Haddouk, Melissa Logan et Daniel Hülsew sont aussi à découvrir dans ce volet de «Tunis Centre-Ville x Patrimoini». Un deuxième volet propose des lectures plus larges autour du thème de la ville. On y rencontre les photographies argentiques de l’authentique photographe Habib Azzouz qui nous font remonter dans le temps. On n’aurait pas pu imaginer un événement sur Tunis sans l’apport du patrimoine photographique de cet artiste qui raconte 50 ans d’histoire et de récits urbains à Tunis. On tombe aussi sur une série de photos en noir et blanc plus contemporaines de Kais Ben Farhat, intitulée «Sans modération». La cinéaste et artiste visuelle, Sahar Echi, est présente aussi avec des photographies et une installation vidéo intitulée «Autoportrait». Dans un jeu de superposition d’images qui donne lieu à des espaces communs de la ville brouillés, l’artiste dévoile un autoportrait subjectif du Centre-Ville à travers son vécu quotidien. Ce procédé de stratification et donc de brouillage des images donne une autre lecture du paysage urbain et quotidien, un nouveau paraître et devenir et une sorte «d’anonymisation des grandes villes et des capitales, qui finit par anonymiser aussi bien les personnes que les lieux».                         

On rencontre, aussi, dans cette exposition les œuvres de Lilia El Golli, Mohamed Ghassan, Héla Lamine, Aymen Mbarki, Emna Messai et Oumayma Medini, Shayma Ouerfelli / Mahdi Chabchoub, Othman Selmi, Yacine Rachidi, David Bond, Ymene Chetouane, Dino et Lea Djaziri. 

Les artistes de l’Atelier Glibett exposent leur «Vision Tunis-Centre-ville» à travers dix posters, dix styles graphiques (multicolores, en bichromie ou géométriques) qui présentent autant de scènes emblématiques du centre-ville. On y trouve «la 7ajema» ou coiffeuse du quartier, les cafés et les jeux de cartes et la «chicha» (le narguilé), les bouquinistes, le «TG-aime» et d’autres éléments de notre patrimoine immatériel.

L’exposition dure deux mois et réserve encore d’autres rendez-vous et programmes à découvrir !

Un commentaire

  1. Brigitte Malinas

    23/01/2021 à 09:23

    Article très intéressant qui sait mettre en valeur la dynamique du monde culturel tunisien.

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