L’innovation, la recherche et de développement sont essentiels pour améliorer la productivité, la durabilité et la résilience du secteur agricole et alimentaire. Ainsi, le devenir du secteur dépend étroitement de la capacité de ce dernier à procurer aux exploitants des solutions innovantes qui répondent à une palette de plus en plus fournie et complexe de besoins, comme ceux d’améliorer la performance de l’exploitation en matière de productivité et d’environnement, et apportent des réponses plus adaptées au changement climatique.

Faire de la recherche, mettre au point des technologies et établir des politiques et des programmes sont des étapes importantes pour faire de l’agriculture un secteur compétitif, innovateur et durable et garantir sa compétitivité à long terme. En Tunisie, comme partout dans le monde, le rôle de la recherche est central et rien ne peut se faire sans une recherche agronomique de pointe, selon les universitaires. A travers l’histoire de l’agriculture tunisienne, la recherche a toujours apporté sa contribution au projet de développement que se donnait le pays à chaque période de son histoire. 

Aperçu historique

Au cours des années 60, et dans le cadre de ce qui a été décrit comme «le développement construit», la recherche a apporté sa contribution en identifiant de manière précise le potentiel agricole tunisien, à travers l’élaboration de cartes phytoécologiques et en contribuant à la réalisation d’un plan optimum de l’agriculture pour le pays. Ensuite, et au cours des années 70, la Tunisie avait adopté le modèle de la révolution verte. Ainsi, la recherche a été totalement mobilisée pour introduire et adopter des variétés à haut rendement pour les cultures céréalières, puis à fournir des variétés plus adaptées au pays. Pour ce qui est des années 80 et 90, la recherche a accompagné la révolution de l’irrigation en fournissant des paquets techniques et des modèles de conduite pour les différentes cultures. Même si certains jugent, qu’actuellement, les moyens mis à la disposition de la recherche et du développement sont très réduits, la recherche agronomique continue d’apporter des réponses aux problèmes du secteur, ce qui permet d’améliorer le rendement de ce dernier.  D’ailleurs, l’Institution de la recherche et de l’enseignement supérieur agricoles (Iresa) a réalisé une étude intitulée «Priorités de la recherche scientifique agricole à l’horizon 2030» qui a pour objectif d’identifier les défis majeurs du secteur agricole, les priorités de la recherche agricole à l’horizon 2030, les orientations prioritaires de la recherche, les besoins en recherche agricole, ainsi que l’impact potentiel de la recherche sur le secteur agricole. 

La Tunisie en première position

D’après l’étude, l’effectif total des enseignants-chercheurs est de 822 répartis entre les 12 établissements de recherche et les 11 établissements d’enseignement supérieur agricole. La production scientifique de la recherche agricole a augmenté d’une manière significative après 2005 et a atteint environ 835 publications en 2017. Cette production scientifique rapportée à la population, place la Tunisie en première position en Afrique. Par comparaison avec les pays voisins, la production scientifique représente le double de celle du Maroc et une fois et demie celle de l’Algérie. Le document de l’Iresa parle, aussi, des cinq défis majeurs du secteur agricole tunisien. Le premier concerne la contribution à la croissance à travers la production, productivité, valeur ajoutée et investissement, le deuxième touche à la sécurité alimentaire dans un environnement international globalisé et volatile. En troisième lieu, vient la préservation des ressources naturelles dans un contexte de changement climatique. En quatrième position l’on retrouve l’intégration des filières et organisation de la profession et enfin le développement des territoires et équité sociale. En plus de ces défis majeurs, l’agriculture tunisienne fait face à d’autres contraintes liées à l’environnement ; comme le changement climatique, la rareté et la salinisation de l’eau, la dégradation et la salinisation des sols, l’érosion des ressources génétiques locales (qui a tendance à s’accentuer), la fragilisation des ressources biologiques marines. De plus, les chaînes de valeur agroalimentaires en Tunisie souffrent d’une infrastructure logistique inappropriée et d’un manque de normes de sécurité, de qualité et de traçabilité.  En se basant sur ces défis et en essayant de remédier aux entraves qui ont tendance à ralentir l’évolution du secteur, la recherche au sein de l’Iresa d’ici à 2030, s’est concentrée sur certains volets, à savoir : la sécurité alimentaire, la contribution du secteur à la croissance économique, la préservation des ressources naturelles dans un contexte de changement climatique et l’intégration des filières, l’organisation de la profession, le développement des territoires et l’équité sociale. D’après l’Iresa, «un besoin en recherche émane d’un ou de plusieurs problèmes et contraintes soulevés par la profession. Ces entraves pourraient être d’ordre technique, économique, social, institutionnel, juridique ou autre. Ils pourraient aussi concerner une composante du système de production ou l’ensemble de ce système. La compréhension et la maîtrise de ces entraves par le chercheur sont donc indispensables pour lui permettre de développer efficacement les solutions nécessaires. La phase d’identification des problèmes et leur traduction en besoins de recherche est très importante pour tous les acteurs. La recherche agricole devrait être, donc, transdisciplinaire, systémique, proactive et innovante. La concordance entre les problèmes soulevés par l’agriculteur et le pêcheur avec les défis jugés prioritaires par le ministère de l’Agriculture est à considérer lors du développement des priorités de recherche».

Défis et résolutions

Les orientations de la recherche agricole à l’horizon 2030 doivent être, selon l’institution, déclinées en programmes de recherche, dont chacun comporte des thèmes de recherche qui, à leur tour, seront inscrits dans les Plans quinquennaux de développement économique et social. Pour le premier défi en relation avec la sécurité alimentaire et la contribution du secteur à la croissance économique, deux orientations déclinées en deux programmes ont été proposées pour relever ce défi. Tout d’abord, l’accroissement durable de la productivité et de la production végétale et animale. La recherche est appelée à se pencher sur ce problème et, par conséquent, de proposer des solutions pratiques qui sont capables d’améliorer l’efficacité des systèmes de production, tout en protégeant les ressources naturelles. Cette implication de la recherche doit être basée sur une approche participative et inclusive qui a pour objectif principal, selon l’Iresa, «l’optimisation de l’utilisation des intrants et le développement de systèmes de production rentables, durables, résilients et adaptés au changement climatique». La recherche doit ensuite, veiller au développement durable des bio-ressources et écosystèmes aquatiques. Un programme qui vise à optimiser l’efficacité des systèmes aquacoles, de renforcer leur capacité d’adaptation au changement climatique et de valoriser les produits aquatiques.

Concernant le deuxième défi qui touche la préservation des ressources naturelles dans un contexte de changement climatique, deux orientations de recherche déclinées en deux programmes sont identifiées. Il s’agit, en premier lieu, de préserver les écosystèmes et gestion durable des ressources naturelles. Ce programme est censé proposer des options techniques, institutionnelles, sociales et économiques pour contrecarrer la pression sur les ressources naturelles. Une gestion intégrée de ressources naturelles basée sur des approches participative, systémique, holistique et inclusive devrait être ciblée par la recherche. En second lieu, il s’agit de la préservation des ressources pastorales et forestières. Pour ce qui est du troisième défi de la Tunisie et qui concerne l’intégration des filières, organisation de la profession, développement des territoires et équité sociale, deux orientations déclinées en deux programmes ont été également proposées. Ces deux programmes rassemblent différents thèmes de recherche : la politique et les prospectives agricoles (politique agricole et promotion inclusive du monde rural), les chaînes de valeur agroalimentaires et les accès aux marchés. Ce programme cible l’amélioration de la performance et du potentiel compétitif des chaînes de valeur des produits agricoles, la gestion durable des spéculations agricoles correspondantes, le rapprochement des efforts entre les producteurs, les conditionneurs et les transformateurs, en plus de l’identification de nouvelles spéculations et de nouveaux produits agroalimentaires potentiellement générateurs de valeur ajoutée.  D’après les chercheurs de l’Iresa, «la recherche agricole est redevable à ses parties prenantes, en particulier l’agriculteur et le pêcheur, ainsi qu’au ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche. Chacune de ces deux parties a exprimé ses attentes de la recherche agricole. Ainsi, le lien entre une orientation de recherche et un défi de développement est à concrétiser par des indicateurs d’impact de développement tangibles que la recherche devrait cibler». Toutefois, il ne faut pas oublier que la mise en œuvre des éléments d’une telle stratégie va se heurter à certaines difficultés, comme la difficulté à appréhender le concept d’analyse systémique, la difficulté à mobiliser le financement nécessaire et celle à disséminer les résultats de la recherche et des technologies à grande échelle.

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