La compensation constitue un sujet délicat qui a été soulevé à plusieurs reprises. L’une des réformes exigées par le FMI concerne, en effet, l’application de la réalité des prix avec ciblage des personnes démunies. Mais dans la pratique, cette opération s’avère difficile et pourait laisser des impacts graves.

La compensation constitue un vrai casse-tête pour le gouvernement tunisien et un motif de remous sociaux au cas où les prix seraient revus à la hausse. Pourtant, le Fonds monétaire international (FMI) exige, parmi les réformes à effectuer par la Tunisie, l’application de la réalité des prix des différents produits alimentaires et de cibler les familles démunies auxquelles des subventions seront servies. C’est que la Caisse générale de compensation profite, aujourd’hui, à tout le monde, aussi bien aux familles aisées qu’aux familles démunies. Mais la classe moyenne, qui était la fierté de la Tunisie, est tombée au seuil de la pauvreté. Et c’est à ce niveau que se pose le problème. Les travailleurs de la classe moyenne n’arrivent plus à joindre les deux bouts et ne supporteront certainement pas une hausse des prix. Seront-ils inclus dans la liste des familles nécessiteuses ?

Certainement pas vu les ressources financières limitées de l’Etat. Entretemps, de nouvelles familles nécessiteuses ont fait leur apparition et ne sont pas inscrites dans le registre tenu par le ministère des Affaires sociales qui doit être remis à jour. Une situation difficile fait face au gouvernement qui est appelé à accélérer les réformes alors qu’une grande partie de la population vit dans la précarité et le manque de ressources financières. La centrale syndicale ne va pas baisser les bras face à une telle situation et une perspective de suppression, même progressive, de la Caisse générale de Compensation.

Une croissance qui se fait attendre

Certes, avec un renouement à la croissance et une répartition équitable des richesses du pays, la situation financière des ménages pourrait s’améliorer. Mais cette croissance tarde à venir et on a vu encore les impacts négatifs de la Covid sur plusieurs entreprises publiques et privées et sur divers secteurs. Les revenus des ménages sont encore très maigres et n’arrivent pas encore à satisfaire tous les besoins. Que dire alors quand la compensation sera supprimée des produits de première nécessité ? A noter que la Caisse générale de compensation a été créée au lendemain de l’indépendance pour venir en aide aux ménages démunis qui étaient nombreux. Au fil des ans, des nouveaux riches ont fait également leur apparition, constitués de cadres de l’administration, de chefs d’entreprise et d’hommes d’affaires. Parmi les produits compensés, on peut citer le pain, la semoule, l’huile végétale, le lait et le sucre.

Chaque année, l’Etat alloue une somme faramineuse à la Caisse générale de compensation pour préserver le pouvoir d’achat des Tunisiens et notamment les ménages à revenu limité ou dérisoire et ils sont encore nombreux dans notre pays. Le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, a abordé, récemment, la question de la réforme du système de compensation qui rappelle que les moteurs de la croissance – qui sont les exportations, les investissements et le tourisme – sont à l’arrêt aujourd’hui en Tunisie. D’où la nécessité de revoir les politiques mises en place et qui ont causé des inégalités parmi les différentes catégories de la population.

Une compensation bien réfléchie

Concernant la réforme de la compensation, je considère que la compensation ne doit plus toucher les produits, mais plutôt le consommateur. Dans cette optique, il faut identifier ceux qui ont besoin de cette compensation. Cette idée est citée à chaque fois que l’on évoque le problème de la compensation, mais la réforme tarde à venir pour diverses raisons dont celles qui sont d’ordre social. Pratiquement, il est difficile de mettre en œuvre un système d’octroi de subventions dans un pays qui se caractérise par un grand nombre de familles nécessiteuses. Plusieurs pays ont essayé d’appliquer la subvention ciblée et n’ont pas pu réaliser leur objectif dans la mesure où l’on a compté plusieurs familles marginalisées qui sont restées en dehors du cercle des personnes qui bénéficient des services de l’Etat.

Le changement radical de la subvention nécessitera sans doute des années pour que les citoyens puissent s’y habituer. Encore faut-il que le syndicat donne son aval pour sortir de cette ornière qui a trop duré. Le gouvernement est entre le marteau et l’enclume. D’une part, il doit satisfaire, les recommandations des bailleurs de fonds — et notamment le FMI — qui appellent les autorités tunisiennes à respecter leur engagement pour les réformes et, d’autre part, ne pas stimuler le remous de la centrale syndicale qui est contre la privatisation des entreprises publiques (il est d’accord pour leur restructuration) et certainement contre une suppression de la compensation et l’application de la réalité des prix.

Cette question mérite encore une réflexion approfondie avec l’implication de toutes les parties prenantes, y compris les composantes de la société civile pour trouver des solutions pertinentes ne lésant pas les ménages ni les producteurs des différentes filières. Une stratégie bien ficelée doit être élaborée à ce sujet pour éviter le choc social et les contrecoups qui pourraient naître d’un changement de politique, passant d’une compensation effrénée à une application de la réalité des prix et l’octroi des subventions aux plus démunis.

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