Risque de pénurie d’oxygène médical sur fond de crise sanitaire inédite : Comme si un seul malheur ne suffisait pas

C’est devenu un bien précieux de par le monde. Il emplit ces grandes bouteilles cylindriques que l’on voit sur les photos. Dans certains pays, des régions entières sont asphyxiées, elles souffrent d’une pénurie d’oxygène médical utilisé pour sauver les malades de la Covid-19. En Tunisie, on n’est pas à l’abri d’une pénurie de ce gaz, ce qui provoquerait une catastrophe sanitaire.

Comme si un seul malheur ne suffisait pas. Au cœur d’une crise sanitaire inédite, et alors que le rythme de contamination et le nombre des décès causés par le coronavirus ne cessent d’augmenter, la Tunisie se trouve face à un risque majeur, celui d’une pénurie d’oxygène médical, indispensable pour prendre en charge les cas Covid-19.

Le cri d’alarme a été lancé par le directeur des structures de santé au ministère de la Santé, Nawfal Somrani, qui craint une pénurie fatale d’oxygène en Tunisie vu la forte demande provoquée par la hausse des malades Covid-19 pris en charge dans les hôpitaux et cliniques. En effet, le responsable craint que «les Tunisiens risquent de se trouver confrontés à une catastrophe sanitaire sans précédent si la Tunisie serait incapable de s’approvisionner depuis l’étranger après l’épuisement des quantités disponibles de la production nationale d’oxygène».

Face à cette situation, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a supervisé hier, dimanche, une réunion au Centre stratégique d’opérations sanitaires pour se pencher sur le manque d’oxygène dans certaines unités hospitalières, en présence notamment du ministre de la Santé, Faouzi Mehdi.

Le locataire de La Kasbah a sévèrement critiqué le fait que la Tunisie soit arrivée à cette situation, affirmant que «nous devons mettre le paquet et ne pas lésiner sur les moyens». Pour lui, «l’erreur des vaccins ne doit pas se reproduire».

Au fait, la production nationale d’oxygène médical assurée, notamment, par des sociétés privées, n’est plus à même de répondre à la demande. Ainsi, la Tunisie s’est tournée durant ces deux dernières semaines à l’importation depuis l’Algérie pour appuyer ses réserves qui commencent à s’épuiser.

D’ailleurs, jeudi dernier, l’Agence de presse algérienne a annoncé que trois camions-citernes d’une capacité de 27.000 litres chacun ont pris la direction de la Tunisie par voie terrestre pour appuyer les hôpitaux et cliniques confrontés à des risques de pénurie d’oxygène.

Cependant, cette première quantité représente à peine 24 heures de consommation, les livraisons d’oxygène vers la Tunisie se poursuivront au cours de ces prochaines semaines, affirment les autorités algériennes.

Un risque élevé !

Un membre de la commission scientifique de lutte contre le coronavirus explique, sous couvert de l’anonymat, à La Presse que le risque de pénurie d’oxygène est élevé si la situation sanitaire poursuit sa dégradation encore quelques semaines. «L’augmentation du nombre de cas a provoqué une très forte pression sur les structures hospitalières, notamment les services de réanimation et les urgences. Face à l’afflux des malades et des malades suspects nécessitant une prise en charge et une assistance respiratoire, les hôpitaux se sont retrouvés en manque d’oxygène liquide, élément essentiel dans la prise en charge de ces patients», explique-t-il, assurant que dans certains hôpitaux le manque d’oxygène commence à se faire sentir, précisant que la situation est actuellement sous contrôle, mais «les risques sont gros».  

En effet, les hôpitaux et cliniques tunisiens sont confrontés à une situation difficile en raison d’une consommation élevée d’oxygène en réponse à la demande croissante dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de la Covid-19, alors que les prestataires privés de production d’oxygène ont atteint leur production maximale. En Tunisie, ce sont principalement deux sociétés étrangères, française et allemande, qui produisent de l’oxygène médical. Mais leur capacité de production a été largement dépassée par la demande accrue, vu l’explosion du nombre des hospitalisations durant cette troisième vague de contamination. Le recours à l’importation est donc une priorité, l’Algérie étant la meilleure solution, vu les délais courts et les coûts de transport assez bas.

L’hôpital Hédi-Chaker de Sfax constitue l’exemple frappant du début de cette crise d’oxygène en Tunisie. Il y a quelques jours, plusieurs patients ont été transportés vers l’hôpital militaire de campagne installé à Sfax en raison de la baisse des réserves d’oxygène. En effet, afin d’alléger la pression sur cette structure hospitalière, il a été décidé de transférer 35 patients de l’hôpital Hédi-Chaker vers l’hôpital militaire de campagne, de renforcer le staff de l’hôpital de campagne et de continuer à exploiter les condenseurs à oxygène disponibles et les soupapes pour rationaliser la consommation.

Le syndicat de base des médecins de la santé publique de Sfax, qui a félicité les efforts des blouses blanches, accuse une situation extrêmement grave dans ce gouvernorat face aux risques de pénurie d’oxygène. Le syndicat dénonce surtout l’indifférence du gouvernement et son laxisme dans la guerre menée contre l’épidémie, pointant des défaillances dans l’encadrement du cadre médical et dans la campagne de vaccination.

Un enjeu mondial

Au cœur de cette crise sanitaire mondiale, l’oxygène médical devient de plus en plus une monnaie rare, dans la mesure où plusieurs pays connaissent une forte pression sur leurs réserves et préfèrent garder leur production pour eux-mêmes.

Pénurie d’oxygène en RD Congo, files d’attente devant les hôpitaux au Venezuela, spéculation sur les prix au Pérou, marché noir au Brésil. Depuis des semaines, l’oxygène, vital pour sauver des malades de la Covid en détresse respiratoire, manque dans beaucoup de pays dits « à faibles revenus ou à revenus intermédiaires», notamment en Amérique latine et en Afrique, mais aussi en Inde, selon l’Organisation Mondiale de la Santé.

Au moins sept personnes sont mortes en raison d’une pénurie d’oxygène à l’hôpital Al-Hussein d’Al-Salt, en Jordanie le mois dernier. Le scandale sanitaire avait provoqué la colère de la population et une série de démissions.

Face à l’explosion du nombre de cas de la Covid-19, l’Inde se retrouve aussi à court d’oxygène, l’une des plus précieuses ressources pour sauver les patients les plus gravement atteints par la maladie. Pourtant, il y a un peu plus d’une semaine encore, les autorités assuraient pouvoir facilement y faire face.

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