La crise sanitaire covid-19 a engendré à la base une pénurie de matières premières en Tunisie.  Acier, cuivre, bois : tous ces secteurs ou presque sont touchés.

Pour nous donner plus d’explications au sujet de cette crise qui a frappé le secteur de l’acier, nous avons contacté Mme Inès Ben Ayed, directeur général adjoint-à Intermetal, une société spécialisée dans le laminage à chaud des fers marchands, ronds à béton et fils machine, qui a exprimé son inquiétude face aux difficultés rencontrées par le secteur du rond à béton. Ce secteur souffre de plusieurs problèmes. Le premier étant la surcapacité installée en Tunisie.  Elle a mentionné que nous avons actuellement sept laminoirs installés en Tunisie pour une capacité de 1.4 million de t et avec une consommation annuelle de moins de 500.000 t. Le deuxième problème est la dépendance en matière première. En effet, nous dépendons entièrement des prix internationaux des billettes (manière première), car nous ne disposons pas d’aciérie en Tunisie qui peut nous fournir des billettes et nous sommes obligés de tout importer d’Europe et de Turquie…

Infrastructure fragile

Le troisième problème est l’infrastructure, qui est considérée comme fragile, les ports tunisiens sont devenus un frein à l’importation et nous valent des surenchères sur les prix de fret en destination du pays. Par ailleurs, les ports sont congestionnés, en perpétuels travaux avec un manque de matériel de manutention et une cadence très faible de déchargement, comparée aux autres ports internationaux. Mme Ben Ayed a révélé, également, qu’il n’y a pas un manque d’acier en Tunisie, mais plutôt un manque de projets. Ce manque est dû à la situation actuelle du pays.

Le ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Infrastructure n’a pas de budget pour payer les entrepreneurs ni pour lancer de nouveaux projets. Par conséquent, l’exécution des projets prend beaucoup de temps et subit de lourdes augmentations de tarifs liés à la variation mondiale du cours des matières premières, ainsi que les coûts des intérêts bancaires. Notre interlocutrice a suggéré plusieurs solutions pour promouvoir le secteur : il faut lancer un projet d’aciérie en Tunisie ; cela permettrait de dynamiser le secteur, de valoriser la ferraille disponible dans notre pays et de réduire notre dépendance envers l’Occident. Il est obligatoire aussi de revoir les taux d’intérêts bancaires. En effet, avec un TMM à près de 7%, les crédits reviennent très cher, puisqu’ils sont de l’ordre de 10% minimum et n’encouragent pas les promoteurs à emprunter et lancer de nouveaux projets. Ce taux rend aussi les coûts de production très élevés et réduit notre compétitivité à l’échelle mondiale. Il est nécessaire également que l’Etat reprenne une politique d’investissement dans les infrastructures. C’est le seul moyen de dynamiser le secteur. Par ailleurs, il est primordial d’encourager l’exportation : en effet, avec la surcapacité installée en Tunisie, les usines ne tournent qu’à 50% de leur capacité au meilleur des cas. Augmenter la production annuelle permettrait de réduire les coûts de production à la tonne. Il faut, donc, supprimer les autorisations d’export pour le rond à béton pour qu’il devienne un produit libre à l’export et améliorer les infrastructures portuaires afin de permettre un meilleur rendement et donc une réduction de coût à l’importation des matières premières et à l’exportation des produits finis.

Le secteur de l’acier est directement lié au secteur du bâtiment. Tant que le bâtiment est à l’arrêt en Tunisie, notre secteur ne peut qu’en souffrir. Le seul moyen de s’en sortir actuellement est l’export, surtout vers la Libye qui est en plein essor, en attendant que notre gouvernement prenne les mesures nécessaires pour relancer ce secteur sinistré depuis 2011. En aval, le bâtiment est touché de plein fouet. Il est grand temps de réorganiser le secteur.

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