La Commission européenne a adopté, fin juillet 2025, un règlement d’exécution qui assouplit les règles d’origine applicables aux produits textiles transformés en Tunisie.
Cette mesure, rétroactive au 22 janvier 2025, et valable cinq ans, vise à renforcer la compétitivité des entreprises tunisiennes sur le marché européen, un partenaire commercial clé du pays.
Elle introduit notamment la possibilité de considérer comme « originaire » un produit résultant d’une simple transformation locale, favorisant ainsi les exportations sans droits de douane vers l’UE.
La Presse — Le secteur textile et habillement représente l’un des piliers de l’économie tunisienne, générant une part significative des exportations et de l’emploi industriel. Toutefois, la concurrence internationale est féroce, notamment face aux pays à bas coûts de production. Dans ce contexte, la signature de l’Accord d’association entre l’Union européenne et la Tunisie a longtemps été perçue comme un levier important pour stimuler les échanges commerciaux.
Le 24 juillet 2025, la Commission européenne a franchi une étape majeure en adoptant le règlement d’exécution (UE) 2025/1459, qui introduit des dérogations ciblées aux règles d’origine prévues par le Protocole 4 de l’Accord.
Cette décision vise à faciliter la qualification comme produit « originaire » d’articles textiles fabriqués en Tunisie, en dépit d’une provenance parfois étrangère des matières premières.
Quelles sont les principales dérogations ?
Traditionnellement, pour bénéficier d’un accès préférentiel sans droits de douane, un produit devait respecter des critères stricts de transformation locale : non seulement la confection mais aussi la provenance des matières premières devaient souvent être tunisiennes.
Avec cette nouvelle réglementation, une simple opération de coupe et confection réalisée en Tunisie suffit désormais à qualifier certains produits textiles comme « originaires ». Concrètement, cela signifie que même si le tissu ou la matière première est importée, le produit final pourra être exporté vers l’UE en bénéficiant d’un traitement tarifaire préférentiel.
Cette « simple transformation » ouvre ainsi la porte à une flexibilité accrue pour les fabricants tunisiens, qui peuvent ainsi s’approvisionner en matières premières sur des marchés compétitifs, sans perdre leur avantage tarifaire en Europe.
Un dispositif rétroactif et limité dans le temps
Les dérogations sont rétroactives, prenant effet à partir du 22 janvier 2025, date à laquelle le Protocole 4 révisé est entré en vigueur. Elles seront applicables pendant une période de cinq ans, avec des contingents annuels.
Ces contingents représentent des plafonds de volume autorisés chaque année, gérés selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». En cas d’épuisement du quota, une majoration automatique de 10 % est prévue pour l’année suivante. Si moins de 85 % du contingent est consommé, la partie non utilisée peut être reportée, jusqu’à un maximum de 15 %.
Le règlement précise des contingents annuels pour plusieurs catégories de produits. Par exemple, les pantalons en denim pour hommes bénéficient d’un quota de plus de 3,2 millions d’unités par an pour les trois premières années, qui diminue légèrement à environ 2,9 millions lors des deux dernières années. Pour les pantalons femmes, le contingent est d’environ 1,5 million d’unités par an.
Ces volumes montrent l’importance accordée par l’UE à la facilitation du commerce tunisien dans ce secteur clé, avec des marges suffisantes pour permettre aux entreprises locales d’élargir leurs capacités de production et d’exportation.
Une avancée saluée par les acteurs tunisiens
La Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (Ftth) a salué cette décision dans un communiqué rendu public le 31 juillet 2025. Pour la fédération, il s’agit d’une mesure stratégique majeure permettant aux entreprises tunisiennes d’améliorer leur compétitivité face à la concurrence internationale, en particulier européenne.
Elle souligne également que cette dérogation permet d’adapter les chaînes de valeur tunisiennes, notamment en facilitant l’importation de matières premières nécessaires à la confection locale, tout en maintenant l’accès préférentiel aux marchés de l’UE.
Cette mesure intervient dans un contexte économique tunisien marqué par une recherche de compétitivité accrue et une volonté de diversification des exportations. Le secteur textile, en tant que l’un des plus grands exportateurs, joue un rôle clé dans la dynamique industrielle et sociale du pays.
L’assouplissement des règles d’origine peut jouer un rôle déterminant dans le développement du secteur textile tunisien en contribuant à accroître les volumes exportés grâce à la réduction des coûts liés aux droits de douane. Cette mesure favorise également l’attraction d’investissements étrangers, en offrant un cadre réglementaire plus souple et adapté aux réalités du marché mondial.
Par ailleurs, elle soutient l’emploi industriel, en particulier dans les régions où le textile constitue une source essentielle de revenus. Enfin, cet assouplissement permet de renforcer la chaîne de valeur locale en encourageant la transformation et la confection directement sur le territoire tunisien, ce qui contribue à dynamiser l’ensemble du secteur.
Un défi de compétitivité toujours présent
Néanmoins, cette mesure ne saurait à elle seule résoudre tous les défis du secteur. La concurrence des pays émergents reste intense, et la nécessité d’améliorer la qualité, d’innover et de respecter les normes environnementales et sociales demeure.
De plus, la gestion des contingents et le respect des règles de traçabilité et de certification seront déterminants pour garantir la pérennité de cet avantage.
Avec cette décision prise par la Commission européenne, le secteur textile tunisien dispose d’un levier important pour renforcer sa compétitivité sur le marché européen. La reconnaissance d’une simple transformation locale comme critère d’origine, combinée à des quotas annuels substantiels, devrait permettre d’accroître les exportations, d’attirer des investissements et de soutenir l’emploi.
Toutefois, les acteurs tunisiens doivent poursuivre leurs efforts pour moderniser la production, développer la qualité et renforcer la chaîne logistique afin de tirer pleinement parti de cette opportunité dans un environnement mondial concurrentiel.