La cybersécurité n’est plus un simple enjeu technique mais un levier central de souveraineté et de compétitivité. Dans ce contexte, la cybersécurité s’impose comme une condition incontournable pour préserver l’indépendance économique et renforcer la résilience du tissu productif.
La Presse — La cybersécurité est aujourd’hui une composante fondamentale de la souveraineté économique de la Tunisie, car dans un monde de plus en plus numérisé, les données, les infrastructures digitales et les flux d’information constituent des « puits de valeur » essentiels et vulnérables. Mohamed Adem Mokrani, avocat en droit des affaires et consultant économique, précise que «si ces éléments tombent aux mains de partenaires extérieurs ou d’acteurs malveillants, l’indépendance stratégique et la résilience du pays peuvent être compromises ».
L’efficacité des entreprises fragilisée
La cybersécurité protège les entreprises tunisiennes face aux cyberattaques visant à voler des données sensibles, à saboter des chaînes de production ou à paralyser les services. Mokrani souligne que le baromètre 2023 de la cybersécurité et du cloud en Tunisie indique que 20 % des entreprises interrogées ont subi une cyberattaque au cours des 12 derniers mois, et que 12 % ne disposent même pas des capacités de diagnostic pour confirmer si elles ont été ciblées ou non.
Ces attaques peuvent fragiliser l’efficacité opérationnelle des entreprises, augmenter les coûts (récupération de données, rançon, perte de confiance) et dissuader les investisseurs étrangers qui cherchent un environnement sûr pour leurs capitaux.et de poursuivre « qu’un pays incapable d’assurer la sécurité numérique de ses acteurs économiques perd de sa crédibilité et se trouve dans une position de dépendance vis-à-vis de prestataires étrangers de sécurité ou de plateformes technologiques qu’il ne maîtrise pas ».
Climat de confiance numérique
Par ailleurs, la protection des infrastructures critiques : centrales électriques, réseaux d’eau, télécommunications, hôpitaux, transports est un pivot de la souveraineté économique. « Une attaque réussie sur ces axes peut avoir des effets en cascade sur l’économie nationale, induisant des pertes massives, des perturbations de services publics essentiels et une déstabilisation du fonctionnement de l’État », souligne Mokrani.
Le développement des infrastructures dites « intelligentes » rend ces systèmes plus efficaces, mais aussi plus vulnérables aux intrusions sophistiquées (dans les réseaux de distribution d’énergie, les systèmes Scada, etc.). Une faille dans un système critique peut offrir à un acteur extérieur un levier de pression stratégique, voire conduire à des chantages numériques sur l’économie nationale.
La souveraineté numérique, c’est-à-dire la capacité de la Tunisie à garder le contrôle sur ses données, ses échanges électroniques et ses plateformes dépend directement de la cybersécurité. Selon les spécialistes, la Tunisie ne compte que quatre datacenters nationaux, ce qui crée une dépendance face à des infrastructures étrangères et expose le pays à des risques d’« exfiltration » de données hors de son territoire.
Si les données stratégiques ou industrielles tunisiennes sont hébergées à l’étranger, elles peuvent être soumises à des juridictions étrangères ou à des contraintes d’accès imposées par des fournisseurs externes.
Le plan national « Tunisie numérique 2021–2025 » reconnaît d’ailleurs la cybersécurité des données comme un axe clé pour créer un climat de confiance numérique et renforcer la souveraineté numérique. Renforcer la cybersécurité nationale est également un moyen de freiner le « pillage numérique », c’est-à-dire l’extraction illégale de savoirs, d’algorithmes, de secrets industriels ou de données personnelles qui affaiblissent la capacité d’innovation locale.
Notre interlocuteur indique « qu’une Tunisie dont les systèmes et les entreprises sont bien protégés est en meilleure posture pour développer ses propres technologies, services numériques et solutions de cybersécurité nationales, sans dépendre de firmes étrangères ni subir des pertes de valeur intellectuelle ».
Ainsi, dans le contexte tunisien, la cybersécurité n’est pas seulement une question technique ou défensive : elle est constitutive de la souveraineté économique, en protégeant les actifs numériques, en assurant la résilience des infrastructures stratégiques, en garantissant l’autonomie des données et en préservant la capacité du pays à innover et à attirer des investissements dans un cadre de confiance.
«Si la Tunisie échoue à sécuriser cet espace essentiel, elle risque de se retrouver dans une position de dépendance, de vulnérabilité et de perte de compétitivité dans l’économie mondiale.