gradient blue
gradient blue
Actualités

INS – Statistiques : Des enfants déscolarisés et des chiffres qui interpellent

  • 4 octobre 17:30
  • 6 min de lecture
INS – Statistiques : Des enfants déscolarisés et des chiffres qui interpellent

En Tunisie, 4,5 % des enfants âgés de 6 à 16 ans sont déscolarisés, selon l’INS. Si ce taux reste inférieur à la moyenne mondiale, il cache des inégalités régionales profondes et un décrochage inquiétant chez les adolescents.

La Presse — Les résultats détaillés du recensement général de la population et de l’habitat de 2024, publiés lundi 29 septembre par l’Institut national de la statistique (INS), révèlent que 4,5 % des enfants âgés de 6 à 16 ans sont déscolarisés. Cela correspond à environ 148 000 enfants sur un total de 3,29 millions recensés.

Le taux de décrochage scolaire est évalué à 3,5 %, touchant davantage les garçons. L’INS souligne par ailleurs que 1 % des enfants ne sont inscrits ni à l’école ni dans un centre de formation. La tranche d’âge la plus concernée est celle des 12-16 ans, avec un taux de déscolarisation de 8,1 %, contre 1,6 % chez les 6-11 ans. Cette période correspond à l’adolescence, un âge marqué par le refus, la contestation et la recherche d’indépendance. C’est une phase particulièrement délicate, ce qui explique en partie le taux élevé de déscolarisation observé dans cette catégorie.

Des inégalités régionales marquées

La carte éducative révèle des écarts territoriaux profonds. Dans les gouvernorats de Kairouan, Mahdia et Kasserine, plus de 6 % des enfants sont déscolarisés, alors que dans des régions considérées comme plus favorisées comme Ben Arous, Manouba et l’Ariana, ce taux tombe en dessous de 3 %.

Ces disparités mettent en évidence la persistance des fractures sociales et économiques. En outre, parmi les facteurs qui poussent les enfants à décrocher figurent l’éloignement des établissements scolaires et la difficulté d’accès, aggravée par des conditions climatiques parfois rudes, notamment en hiver.

Le développement du transport scolaire constitue à ce titre une réponse efficace pour contrer le décrochage. De même, l’amélioration et la généralisation des services de cantine dans les établissements ruraux pourraient jouer un rôle important en favorisant la régularité et l’assiduité scolaire.

La Tunisie face à la moyenne mondiale

Si la déscolarisation dans notre pays reste préoccupante, elle demeure néanmoins inférieure à la moyenne mondiale et régionale. À l’échelle mondiale, environ 9 % des enfants en âge du primaire (6-11 ans) sont hors école, et ce chiffre grimpe à 14 à 15 % pour les adolescents du secondaire inférieur (12-14 ans).

Dans la région Afrique du Nord et Moyen-Orient, le taux moyen de déscolarisation atteint pour sa part près de 12,2 % pour l’ensemble des enfants et adolescents en âge d’aller à l’école. Avec 4,5 %, la Tunisie se situe donc en deçà de ces moyennes, surtout pour les plus jeunes (6-11 ans), où son taux (1,6 %) est l’un des plus bas.

Comparaison avec des pays voisins

Au Maroc, environ 7 % des adolescents âgés de 12 à 14 ans étaient hors école en 2020, un niveau supérieur à celui observé en Tunisie. Plus largement, dans l’ensemble de la région Mena, on estime que près de 30 millions d’enfants sont privés d’éducation, ce qui représente parfois jusqu’à un enfant sur trois dans les pays en situation de crise. Ces chiffres montrent que malgré ses difficultés, la Tunisie résiste mieux que d’autres pays comparables, tout en restant confrontée à ses propres défis structurels.

Dans plusieurs pays voisins ou de niveau socioéconomique similaire, des politiques éducatives ont été donc mises en œuvre pour tenter de limiter ce fléau. Au Maroc, par exemple, le programme « Tayssir » propose une aide financière conditionnelle aux familles défavorisées afin d’encourager la scolarisation de leurs enfants, surtout dans les zones rurales.

En Égypte, des écoles communautaires ont été créées dans les villages reculés pour rapprocher l’offre éducative des familles éloignées des grandes agglomérations. Quant à la Jordanie, elle a multiplié les programmes de soutien scolaire et de rattrapage pour les élèves en difficulté, en parallèle à des initiatives de cantines scolaires pour réduire l’abandon lié aux contraintes économiques.

Des défis persistants

La progression de la déscolarisation avec l’âge interroge : pourquoi l’école perd-elle son attractivité à l’adolescence ? Les spécialistes avancent plusieurs explications. Les difficultés socioéconomiques poussent certains enfants vers le travail précoce, surtout dans les zones défavorisées. Le manque de moyens dans certaines régions rurales fragilise également la continuité de la scolarité.

À cela s’ajoute une inadéquation entre les programmes scolaires et les attentes des jeunes, qui perçoivent parfois l’école comme déconnectée de leur réalité. Enfin, le décrochage plus marqué chez les garçons traduit aussi un rapport différent à l’institution scolaire, où ils semblent moins enclins à persévérer.

Une alerte pour l’avenir

Si les chiffres placent notre pays en meilleure position que la moyenne mondiale, les écarts régionaux et l’ampleur du décrochage chez les adolescents tunisiens constituent un signal d’alarme qu’il serait dangereux d’ignorer. Car derrière chaque pourcentage se cache un enfant, un visage, une histoire, un potentiel, qui risque de rester à l’écart de l’école, et par conséquent du développement social, culturel et économique du pays.

La déscolarisation n’est pas seulement une statistique, c’est une opportunité volée, un talent perdu, un rêve brisé. Et, plus grave, une inégalité qui se transmet de génération en génération.

Il est donc impératif de prendre les mesures qui s’imposent, d’agir avec détermination pour qu’aucun petit Tunisien ne manque à l’appel de l’école, pour que, idéalement, tous puissent accéder à un enseignement de qualité, quels que soient leur sexe, leur lieu de résidence ou leur milieu socioéconomique.

Investir dans le transport scolaire, les cantines, l’accompagnement pédagogique, et rapprocher l’école des réalités des familles rurales et défavorisées n’est pas un luxe, c’est un devoir national, une promesse envers l’avenir de notre pays et de ses enfants. Offrir à chaque enfant tunisien une scolarité continue, de qualité et enrichissante permet de le prémunir contre la radicalisation, de l’attirer vers les arts, la culture et les activités sportives, …et de lui ouvrir les portes d’un avenir où il pourra créer et s’engager pleinement dans sa vie et dans celle de son pays.

Auteur

La Presse

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *