Une visite au Musée national d’art moderne et contemporain (MACAM) – « Illuminations contemporaines » : une exposition qui manque d’éclairage
Si cette présentation donne un aperçu de la richesse du fonds national, elle souffre d’un manque criant de direction curatoriale. Aucun commissaire d’exposition n’est mentionné et l’ensemble s’apparente davantage à une vitrine qu’à une exposition pensée comme un projet singulier et porteur de sens. Or, une exposition temporaire devrait être construite autour d’un concept fort, capable de transformer la présentation en événement, voire en phénomène culturel.
La Presse — L’on cessera de souligner et de reprocher, mais cela semble tomber dans les oreilles d’un sourd, l’absence criante de plan et de signalétique clairs à l’entrée de la Cité de la culture. Ces outils élémentaires sont pourtant indispensables pour orienter les visiteurs vers les différentes institutions qui y sont hébergées.
Si l’on n’est pas un habitué des lieux, il est quasiment impossible de s’y retrouver tout seul. Les rares plans existants sont relégués dans des couloirs reculés, où leur utilité devient plus que discutable. C’est le cas pour le Musée national d’art moderne et contemporain (Macam) dont un visiteur — qu’il soit tunisien ou étranger — aurait bien du mal à deviner l’emplacement.
De passage au musée pour découvrir la nouvelle exposition temporaire inaugurée le 26 septembre, nous en avons profité pour revisiter l’exposition permanente située au rez-de-chaussée. Intitulée « Mémoire de générations 1894-2004 », elle retrace différentes approches artistiques à travers trois grands ensembles : les pionniers, l’école de Tunis et ses contemporains, puis une sélection plus récente qui reflète l’émergence de nouvelles générations et l’avènement de l’art contemporain tunisien. Malheureusement, toutes les œuvres manquent de précisions temporelles (pas de date de signature)…
L’exposition temporaire — qui, comme toute manifestation muséale occasionnelle, devrait permettre d’attirer un large public, de créer un événement marquant avec des tables rondes, des conférences, etc., de promouvoir la culture et de renforcer la notoriété de l’institution — exige normalement une planification rigoureuse, une recherche approfondie des œuvres, une scénographie étudiée et une logistique maîtrisée.
Or, celle-ci risque de passer inaperçue, non seulement auprès du grand public mais aussi des amateurs avertis, tant la communication autour de cet événement inaugural de la saison artistique du musée reste insuffisante. L’affiche promotionnelle, quasiment introuvable en dehors de la page Facebook du musée, ne mentionne que le titre et la date de l’exposition, sans autre contenu incitatif.
Située au troisième étage du musée, l’exposition porte le titre plutôt vague — et peu inspirant, il faut le dire — d’« Illuminations contemporaines ». Elle s’ouvre sur un texte introductif en arabe (sans traduction en français ou en anglais, ce qui exclut d’emblée les visiteurs non arabophones), censé présenter de nouvelles tendances de l’art tunisien. Toutefois, aucune précision n’est apportée sur les artistes, les générations représentées ou les orientations esthétiques.
Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par le son d’un qanun accompagnant un court montage vidéo en hommage à l’artiste Abdelhamid El Hajem, disparu en mars 2025. Si le geste est louable, il aurait mérité un espace dédié, dissocié de cette exposition collective. De plus, la musique, proche d’un fond sonore d’ascenseur, est en décalage avec les œuvres exposées comme avec l’esprit des lieux.
Dans cette vidéo apparaissent certaines de ses créations (dont trois sculptures figurent déjà dans l’exposition), mais aussi l’artiste lui-même, probablement en train d’évoquer son travail. Or, au lieu d’une musique générique, il aurait été bien plus pertinent de donner à entendre directement sa voix, par le biais d’un dispositif audio individuel.
Né en 1940, Abdelhamid El Hajem reste l’une des grandes figures de l’art plastique tunisien. Diplômé de l’Ecole nationale des beaux-arts de Tunis au début des années 1960, il a marqué la scène artistique nationale en insufflant une nouvelle dynamique à la peinture et à la création plastique.
Professeur passionné autant qu’artiste accompli, il a exploré le dessin, la gravure, la sculpture et la recherche plastique avec une curiosité et une maîtrise remarquables. Ses œuvres, conçues à partir de matériaux variés (bois, métal, tissu) sont habitées par une quête de sens intime et profonde. On lui doit également des fresques collectives symboliques, qui témoignent d’un esprit ouvert et collaboratif. Par son œuvre, il a durablement enrichi le patrimoine culturel tunisien et ouvert la voie à une esthétique authentiquement ancrée dans son contexte.
Outre cet hommage, l’exposition rassemble 54 autres œuvres issues du Fonds national des arts plastiques du ministère des Affaires culturelles. Elles portent la signature d’artistes aux univers très divers, parmi lesquels : Houda Rjab, Nizar Megdich, Faten Chouba, Zakaria Chaïbi, Najet Ghrissi, Chahrazed Fkih, Mohamed Amine Inoubli, Lynda Abdellatif, Kaouther Jellazi, Mouna Jmal Siala, Mourad Ben Brika, Khaled Abida, Basma H’lel, Imed Jmail, Nadia Jlassi, Aïcha Filali, Mohamed Ben Soltan, Samir Makhlouf, Wissem El Abed, Amira Mtimet, Thameur Mejri, Adnen Hadj Sassi, Rachida Amara, Ahmed Zelfani, Mohamed Ghassen, Majed Zalila et Rym Karoui.
Si cette présentation donne un aperçu de la richesse du Fonds national, elle souffre d’un manque criant de direction curatoriale. Aucun commissaire d’exposition n’est mentionné, et l’ensemble ressemble davantage à une vitrine qu’à une exposition pensée comme un projet singulier et porteur de sens. Or, une exposition temporaire devrait être construite autour d’un concept fort, capable de transformer la présentation en événement, voire en phénomène culturel.
Montrer les œuvres de nos artistes est essentiel, mais encore faut-il les mettre en valeur : les citer dans la communication, présenter leurs démarches à travers de courtes biographies et fournir aux visiteurs un vrai texte curatorial accompagné de brochures explicatives. Quant à la médiation culturelle, elle doit être renforcée afin de rendre la collection accessible au plus grand nombre. Car au fond, n’est-ce pas là l’une des missions premières d’un musée ?
