Marina Gabès : Un projet de développement local alternatif en instance
Le golfe de Gabès, cette oasis littorale de la Méditerranée, unique au monde, n’est plus ce qu’il était, un demi-siècle auparavant. Ses atouts écologiques exceptionnels, son potentiel naturel et marin riche en biodiversité, ses eaux douces et salées, tous ces acquis qui auraient pu en faire un pôle de développement attractif, ont perdu de leur éclat et subi le contrecoup d’une activité phosphatière aux réactions chimiques désastreuses.
Et pour cause ! Le projet «Marina Gabès», tel que pensé par la Fondation Mohamed Ali-Hammi, sous la direction de la Cgtt, serait, à la fois, une bouffée d’oxygène et une bouée de sauvetage.
La Presse — Cela remonte au début des années 70, sous l’effet d’une politique d’Etat fantaisiste et peu anticipative. Et depuis, l’évolution fut, alors, bancale, sur une courbe sociale plutôt régressive, dont seule la région aura payé les frais. Aujourd’hui, son golfe, dégradé et extrêmement pollué, se voit ainsi crouler sous des tonnes de phosphogype, longtemps classé déchet dangereux, et dont les aléas climatiques ont aggravé la situation.
Ce constat environnemental précaire est accompagné d’ennuis de santé pour certains habitants chez qui des cas de cancer ont été dignostiqués à différents degrés.
Une seule main ne peut pas applaudir !
Et la récente déclaration du Président de la République, Kaïs Saïed, puise dans ce sens et prévoit un changement profond dans l’immédiat. Le président voudrait, en fait, sauver la mise, afin de redonner à Gabès l’espoir de vivre et reprendre son souffle. Une telle initiative semble, certes, salutaire, mais sa concrétisation requiert des fonds et du flair.
Car, transformer une zone à risque en destination touristique de choix, génératrice d’emplois, n’est pas une sinécure.
Gabès pourrait, si volonté il y a, devenir un milieu où il fait bon vivre. Soit une région propre et prospère. Ainsi, aura-t-elle le droit de passer ce cap et rêver de mieux. Le jeu en vaut la chandelle, mais l’incitation à un partenariat public-privé est aussi de mise. Investir dans le capital humain et lui favoriser un environnement sain n’est pas uniquement l’affaire de l’Etat.
Une seule main ne peut pas applaudir ! Cela dit, la responsabilité sociétale du Groupe chimique tunisien (GCT) est une obligation. D’autant que l’implication des citoyens et de la société civile dans l’action pourrait apporter une pierre à l’édifice. L’écocitoyenneté étant une culture qui s’apprend, au gré des jours.
«Marina Gabès», un projet de rêve !
Il y a presque dix ans, la Fondation Mohamed-Ali, sous la bannière de la Confédération générale tunisienne du travail, avait réagi à tous ces fléaux et défis d’ordre environnemental et économique auxquels fait face le golfe de Gabès. Il était, alors, question de repenser son modèle de développement, afin de sortir la région de sa crise endémique.
Vint ainsi l’idée de lancer «Marina Gabès», un projet d’écotourisme alternatif localisé au Chott Hamrouni, à une dizaine de kilomètres au sud de la ville, un peu loin des complexes chimiques de Gabès. Soit un site beaucoup moins exposé aux impacts de la pollution industrielle, selon ladite Fondation, maître du projet. Ce qui aurait conféré à cette zone maritime une certaine valeur ajoutée, alliant «restauration écologique, justice environnementale et tourisme responsable qui profite d’abord aux communautés locales».
D’ailleurs, «la zone maritime de Chott Hamrouni se distingue par une richesse écologique préservée par rapport au golfe de Gabès, fortement affecté par les rejets industriels. Les herbiers marins, la faune halieutique et les oiseaux migrateurs y trouvent un environnement plus favorable.
Ce cadre naturel constitue un atout majeur pour un développement écotouristique durable», lit-on dans la fiche technique du projet. L’objectif est de générer des opportunités d’emplois locales (gestion portuaire, hôtellerie, restauration, artisanat…) et promouvoir Gabès comme destination nautique et balnéaire privilégiée.
Ça puise dans les promesses du Président
Somme toute, selon la même source, «Marina Gabès» représente une opportunité unique pour conjuguer développement économique et protection environnementale.
Avec à son actif un potentiel pour la plongée, la pêche sportive et l’observation de la nature, et des possibilités d’intégrer des circuits vers les oasis littorales et le désert. Il s’agissait, certes, d’un projet ambitieux dont la conception cadrait mieux avec ce que le Président Saïed avait, dernièrement, proposé. Il a insisté sur «la nécessité de mettre en place des mécanismes urgents pour sauver Gabès et la Tunisie de cette situation environnementale qui perdure depuis des décennies».
Ainsi, ce projet «Marina Gabès» puisait, alors, sa légitimité dans cet état d’urgence écologique ou ce cas «d’assassinat de l’environnement», comme l’a qualifié le Président, pour poser les jalons d’un plan de développement local intégré et participatif.
Encore en gestation, il a du mal à démarrer, comme c’était prévu en 2015. «Sa mise en œuvre nécessite un investissement initial à taille humaine, des coûts d’exploitation soutenables et une gouvernance ouverte qui associe l’Etat, le secteur privé, les associations, la société civile, et pourquoi pas des partenaires internationaux», fait savoir Taoufik Jemal, ancien directeur régional du Groupe chimique tunisien-Gabès.
Ce projet, à l’en croire, serait capable de créer des emplois et de dynamiser un territoire, tout en préservant ses équilibres naturels.
Faire de la région non plus un symbole de dégradation, mais un emblème de renaissance écologique est, avoue-t-il, «un pari audacieux pour que Gabès retrouve sa lumière et rayonne au-delà de sa coquille». Ce défi est, certes, difficile, mais faisable, estime le président de la Fondation Mohamed-Ali.