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Gouvernance des données en Tunisie : Un enjeu pour les entreprises et les investisseurs

  • 13 octobre 18:10
  • 4 min de lecture
Gouvernance des données en Tunisie : Un enjeu pour les entreprises et les investisseurs

La gouvernance des données en Tunisie fait face à des zones d’incertitude juridique. L’absence d’une autorité pleinement opérationnelle ralentit certains projets et complique la conformité pour les entreprises, une situation qui met en évidence la nécessité d’un cadre clair et harmonisé pour renforcer la compétitivité du pays.

La Presse — L’incertitude juridique qui entoure aujourd’hui la gestion des données en Tunisie alourdit considérablement le climat des affaires et menace la compétitivité du pays. Bochra Jaziri, avocate d’affaires, qui accompagne les entreprises et les institutions dans la gouvernance des données, la conformité et la gestion des risques numériques, a indiqué que la chute de la prévisibilité juridique ralentit les projets liés aux données et pousse les entreprises à inclure davantage de garanties, d’audits et de clauses pénales dans leurs contrats.

Elle a souligné que cette situation mine la confiance des clients, car toute fuite ou utilisation contestée des données se transforme immédiatement en risque réputationnel et en litige.

Des secteurs stratégiques exposés

De plus, ce blocage envoie un signal négatif aux investisseurs étrangers. Les secteurs stratégiques comme la fintech, la santé, l’e-commerce ou l’externalisation sont directement affectés par l’absence d’une autorité opérationnelle, qui accroît le risque de non-conformité et augmente le coût global du risque. Jaziri a mis en lumière des blocages concrets : les traitements soumis à autorisation données sensibles, transferts internationaux ou vidéosurveillance restent gelés puisque le silence administratif équivaut à un refus.

Sur le plan de l’alignement international, elle a révélé que la Tunisie, qui a ratifié la Convention 108 en 2017 et signé le Protocole d’amendement 108+ en mai 2019, doit impérativement harmoniser sa législation nationale avec ces standards. Le respect strict du droit tunisien et des principes de la Convention 108+ facilite la compatibilité avec les attentes européennes, mais ne dispense pas des obligations du Rgpd lorsque des activités ou flux relèvent du champ territorial de l’Union européenne. 

Conséquences pour les entreprises et investisseurs

En pratique, l’absence d’autorité fragilise deux zones critiques: les autorisations préalables et les transferts transfrontaliers. Les impacts attendus sont lourds : retards de closing, surcoûts d’audit, pénalités contractuelles, hausse des primes cyber et exigences accrues des partenaires européens.

Face à cette situation, Bochra Jaziri a rappelé que la loi de 2004 prévoit qu’un simple dépôt de déclaration devient valable après 30 jours sans réponse. Mais, dans les faits, les autorisations explicites concernant les données sensibles, les transferts internationaux ou la vidéosurveillance restent bloquées puisque le silence vaut refus. Dans l’immédiat, elle a recommandé aux entreprises de sécuriser leurs démarches en déposant leurs déclarations par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie d’huissier de justice, en documentant chaque étape, et en gelant les traitements soumis à autorisation.

Elle a ajouté que pour ces autorisations, le seul recours possible demeure devant la Cour d’appel de Tunis dans le mois suivant le refus implicite. 

Mais cette juridiction ne peut en aucun cas se substituer à l’Inpdp pour délivrer une autorisation. En cas de préjudice lié à la paralysie du service public, une action en responsabilité peut être intentée devant la juridiction administrative. Par ailleurs, des mesures conservatoires en référé restent possibles, notamment pour suspendre un traitement illicite ou ordonner l’effacement provisoire de données.

A titre transitoire, a-t-elle précisé, un avis de non-objection du ministère des Technologies de la communication pourrait réduire les risques, sans pour autant remplacer l’Inpdp. Mais la véritable solution, a conclu Bochra Jaziri, passe par l’adoption rapide d’un nouveau cadre légal et la mise en place d’une autorité opérationnelle, avec des dispositions transitoires permettant de reconnaître les demandes déjà déposées et de valider les traitements réalisés de bonne foi.

Auteur

La Presse

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