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Tunisie – BEI : La relance d’un partenariat stratégique

  • 14 octobre 17:20
  • 8 min de lecture
Tunisie – BEI : La relance d’un partenariat stratégique

La Tunisie et la Banque européenne d’investissement resserrent leurs liens autour d’une ambition commune, bâtir un partenariat plus agile, plus cohérent et plus ancré dans les priorités nationales.

La Presse —Le jeudi 9 octobre, à Tunis, le ministre de l’Économie et de la Planification, Samir Abdelhafidh, a accueilli Ulrich Brunnhuber, chef de la division Secteur public – Voisinage méridional à la Banque européenne d’investissement (BEI). Cette visite de travail s’inscrit dans un contexte de redynamisation de la coopération entre la Tunisie et l’institution européenne, à l’aube du nouveau plan de développement national 2026-2030.

Lors de cette entrevue, les deux parties ont passé en revue l’état d’avancement des programmes de coopération financière et technique. Le ministre de l’économie a souligné que les relations avec la BEI sont déjà «exemplaires», mais qu’il faut désormais les porter à un niveau supérieur, en les ajustant aux priorités du pays pour la nouvelle période de planification.

Abdelhafidh a insisté sur la nécessité de rendre ces programmes plus flexibles, notamment dans la structuration des mécanismes de financement, afin de mieux répondre aux réalités économiques et sociales du terrain. Du côté de la BEI, Brunnhuber a réaffirmé la solidité de la coopération actuelle, tout en exprimant la détermination à renforcer les appuis, tant sur le plan financier que technique, dans une atmosphère de respect et de confiance mutuels.

Les enjeux majeurs du partenariat à l’horizon 2026-2030

L’enjeu est désormais clair ; inscrire l’action de la Banque européenne d’investissement dans le nouveau cadre tunisien de développement, en orientant les efforts vers des secteurs à fort impact économique, social et climatique. Trois axes stratégiques se dégagent à cet égard. Le premier concerne le renforcement des infrastructures et de la connectivité, à travers l’amélioration des routes, des transports et des mobilités.

Le second vise l’appui au secteur privé et aux petites et moyennes entreprises, un levier essentiel pour stimuler la création d’emplois, encourager l’innovation et renforcer la compétitivité du tissu économique national. Enfin, le troisième axe porte sur la transition énergétique et la résilience environnementale, domaines devenus prioritaires à la fois pour la souveraineté énergétique du pays et pour son adaptation aux défis climatiques.

À titre d’exemple, la BEI a engagé 415 millions d’euros en 2024 en Tunisie, un montant qui illustre la vitalité de ce partenariat. Ces financements ont été consacrés à la modernisation du corridor routier Sfax-Kasserine, au soutien au financement des PME, ainsi qu’à des actions ciblées dans les secteurs de l’éducation et de la transition énergétique, selon la Banque européenne d’investissement.

Mécanismes de coopération et défis à relever

Toutefois et pour que cette nouvelle phase de coopération soit pleinement efficace, plusieurs conditions apparaissent essentielles. D’abord, un dialogue continu entre la Tunisie et la BEI permettra d’ajuster les modalités contractuelles et d’offrir à l’État tunisien une plus grande marge de manœuvre dans la mise en œuvre des projets. 

Ensuite, la cohérence stratégique avec le plan de développement 2026-2030 constitue un impératif, les financements européens doivent s’inscrire dans les priorités nationales, notamment en matière d’emploi, d’équité territoriale et de développement durable. De même, un pilotage conjoint et un suivi renforcé des programmes devraient faciliter la levée des obstacles opérationnels, administratifs ou techniques souvent rencontrés sur le terrain.

Par ailleurs, la mobilisation de cofinancements et de partenariats régionaux demeure un levier essentiel pour amplifier l’impact des interventions. L’expérience du «format Équipe Europe», réunissant l’Union européenne, la BEI, l’Agence française de développement (AFD) ou encore la KfW allemande, illustre la pertinence d’une approche concertée. L’initiative conjointe de 270,9 millions d’euros en faveur des PME, citée par le Service européen pour l’action extérieure, en est un exemple concret.

Enfin, cette dynamique renouvelée devra relever plusieurs défis structurels ; le respect des calendriers, le renforcement des capacités institutionnelles locales, l’absorption optimale des fonds et l’alignement des priorités avec les besoins réels du terrain.

Les atouts d’un partenariat solide et structurant

La coopération entre la Tunisie et l’Union européenne s’inscrit dans une relation historique, marquée par une proximité géographique, économique et humaine unique en Méditerranée. L’Union européenne demeure, en effet, le premier partenaire économique et financier de la Tunisie, représentant près des deux tiers de ses échanges commerciaux et une part substantielle de ses investissements directs. 

À travers la BEI, l’UE soutient activement la modernisation des infrastructures, la transition énergétique, ainsi que l’inclusion financière des PME, piliers essentiels de la relance tunisienne. Ce partenariat repose également sur un dialogue politique régulier, des programmes d’assistance technique et un appui budgétaire ciblé, qui renforcent la gouvernance économique et la résilience institutionnelle du pays.

La dimension humaine n’est pas en reste, la coopération euro-tunisienne encourage aussi la formation, la mobilité et la montée en compétences des jeunes, confirmant l’engagement européen à accompagner la Tunisie sur la voie d’un développement durable et partagé.

Des limites persistantes et des marges d’amélioration

Seulement voilà, malgré ces avancées, la coopération tuniso-européenne fait face à plusieurs difficultés. D’un côté, les procédures administratives, parfois longues et compliquées, ralentissent la mise en œuvre des projets, aussi bien du côté tunisien que du côté européen. De l’autre, certains secteurs peinent à utiliser pleinement les financements disponibles, faute de moyens techniques, de compétences suffisantes ou de coordination entre les institutions concernées.

Combien de fois a-t-on entendu  parler de fonds déjà débloqués mais restés inutilisés, faute de projets prêts ou de structures capables de les absorber ? Résultat : plusieurs programmes prennent du retard ou ne produisent pas encore les effets attendus sur le terrain.

Au-delà de ces aspects techniques, la coopération souffre également d’un déséquilibre perçu dans la relation partenariale. Pour une partie de l’opinion publique tunisienne, les financements européens apparaissent comme conditionnés à des exigences politiques ou économiques qui placent la Tunisie en position défensive. 

Notre pays se voit parfois contraint de «jouer les gendarmes» pour le compte de l’Europe, d’accepter des accords déséquilibrés ou des priorités qui ne reflètent pas pleinement ses intérêts nationaux. Face à un partenaire institutionnel puissant, perçu comme un mastodonte aux conditions strictes, la Tunisie peine à imposer sa propre lecture du partenariat.

Enfin, le manque de visibilité et de communication autour des programmes financés par la BEI et l’UE accentue cette distance, nourrissant parfois une incompréhension entre les objectifs affichés et nos attentes. Ces limites, bien qu’identifiées, peuvent toutefois être surmontées par une coordination plus fluide, une simplification des procédures et, surtout, par une plus grande appropriation nationale des projets afin de rétablir un équilibre plus juste et durable dans la coopération.

Une ambition partagée pour l’avenir

Cette rencontre, Tunisie-BEI témoigne d’une volonté partagée, du côté tunisien comme européen, de donner un nouvel élan à la coopération, dans un contexte de transformations économiques et environnementales profondes. Pour la Tunisie, l’enjeu est de maximiser l’impact des financements de la BEI, en les rendant plus flexibles, mieux ciblés et plus intégrés dans sa vision de développement. Pour la BEI, il s’agit de confirmer son rôle de partenaire de long terme et de faire évoluer ses dispositifs pour mieux accompagner un pays en transition.

Les mois à venir s’annoncent ainsi déterminants. Au-delà des déclarations officielles, il s’agira désormais de donner corps à cette ambition commune, en traduisant le dialogue en réalisations tangibles. Des projets structurants, des calendriers réalistes et une gouvernance partagée devront incarner cette nouvelle dynamique, afin que le cycle 2026-2030 ne soit pas seulement une étape supplémentaire, mais bien un tournant décisif dans le partenariat entre la Tunisie et la BEI. Un partenariat appelé à se réinventer, dans l’action, la confiance et la durée.

Auteur

La Presse

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