Du point de vue commercial, cette édition 2025 est un franc succès. On parle de fréquentation record et le public a répondu à l’appel de toutes les têtes d’affiche. La dure réalité symptomatique d’une époque où les festivals sont appelés à négocier entre l’art et l’audience.
La Presse — Jeudi soir, avec le concert de la chanteuse émiratie Ahlem, sera mis un point final à la 59e édition du Festival International de Carthage, durant laquelle, l’amphithéâtre romain de Carthage a fait quasiment salle comble tous les soirs. De Latifa Arfaoui à Nancy Ajram, de Najwa Karam à Mohamed Assaf, Nacif Zeitoun, Adam… le public est venu en masse. La billetterie a affiché complet à plusieurs reprises, les réseaux sociaux ont explosé de selfies et d’applaudissements. Du point de vue commercial, cette édition 2025 est un franc succès. On parle de fréquentation record et le public a répondu à l’appel de toutes les têtes d’affiche.
Le festival de Carthage, malgré la tendance générale qui va vers les super galas des têtes d’affiche au succès garanti auprès du public, réserve tout de même une niche pour un produit de création qui porte l’étendard du purement culturel. Dès l’ouverture avec « Men Kaâ El Khabia» de Mohamed Garfi, le ton était donné : hommage musical à la Tunisie, qui voulait offrir une alternative à la logique de la star-système. Hélas le public n’était pas au rendez-vous comme souhaité et le démarrage de cette édition s’est fait timide. « La nuit des chefs», «Tapis Rouge» de Riadh Fehri, la soirée de la chanson tunisienne, «Imagine» se sont inscrits dans la même lignée : laisser la place à la production tunisienne mais cela a montré de nouveau la faillite commerciale et publique de ces spectacles. Le public de Carthage semble avoir perdu la fibre de la découverte, il ne veut plus prendre de risque et ne se laisse pas titiller par la curiosité pour tout ce qui est nouveau. Bien que le festival semble encore tenir à cette vocation et qu’il n’a pas totalement abandonné son rôle de découvreur de talents ou de défenseur du patrimoine, le public ne suit pas, ne s’intéresse pas, car Carthage rime pour lui, et ce depuis des années déjà avec «acquis», le connu et le prévisible. Quelques soirées dérogent à la règle et drainent leur propre public comme celle du trompettiste Brahim Maalouf ou de Saint Levant.
Pour les autres genres artistiques, soit ils n’ont pas de place dans la programmation soit ils restent marginalisés, souvent relégués aux dates « creuses » ou sans réelle mise en avant. Le festival semble hésiter à leur donner une vraie place sur scène. Il prend des risques… sans vraiment les assumer. Tout au long de cette édition, une tension sous-jacente a habité le festival : celle de devoir plaire au plus grand nombre tout en préservant une exigence artistique. Carthage 2025 aura été une édition brillante, prestigieuse, mais aussi symptomatique d’une époque où les festivals sont appelés à négocier entre l’art et l’audience, entre la recherche et la créativité et l’instantané.
