En 2025, la Tunisie affiche une croissance de 3,2 % et une inflation ramenée à 5,3 %, mais son déficit commercial dépasse 11,9 milliards de dinars et la dette publique franchit les 135 milliards.
Entre signes de reprise et déséquilibres persistants, l’enjeu reste de transformer l’investissement étranger et la dynamique des PME en véritables leviers de relance durable.
La Presse —En juillet 2025, la conjoncture économique du pays est marquée par des indicateurs contrastés. D’un côté, une croissance du PIB au second trimestre de +3,2 %, une baisse du taux d’inflation à 5,3 % et une légère diminution du chômage à 15,3 %.
De l’autre, un creusement du déficit commercial et courant, atteignant respectivement 11.905 millions de dinars contre 9.631,8 millions durant les sept premiers mois de 2024, ainsi qu’un élargissement du déficit courant au premier semestre 2025, établi à 3.399 millions de dinars (1,9 % du PIB) contre 1.964 millions (1,2 % du PIB) un an auparavant.
Dans ce contexte complexe, Ridha Mrabet, ex-président directeur général d’une société de capital-risque régionale, a révélé que le déficit courant, causé par la détérioration du solde commercial, est partiellement atténué par les recettes touristiques et les revenus du travail. Le taux de couverture des importations par les exportations a reculé à 75,6 % contre 79,4 % durant la même période de 2024.
Souveraineté et autonomie
L’encours de la dette publique a dépassé les 135,1 milliards de dinars à fin mars 2025, en hausse de 7,2 % par rapport à 2024, selon la note provisoire d’exécution budgétaire du ministère des Finances. Les prévisions de la Loi de finances 2025 l’estiment à 147,4 milliards de dinars à la fin de l’exercice, soit 80,5 % du PIB, répartis entre 42 % de dette extérieure et 58 % intérieure.
Ce basculement vers l’endettement intérieur s’inscrit dans la stratégie de souveraineté et d’autonomie financière de l’État. Pour sa part, le déficit budgétaire devrait s’établir à environ 5,5 % du PIB en 2025, contre 6,3 % en 2024, grâce à une hausse des recettes fiscales, notamment via l’impôt sur les sociétés et sur les hauts revenus.
Mrabet a expliqué que malgré ces ajustements, les défis structurels demeurent. «L’endettement intérieur excessif de l’État assèche le marché financier, constituant un lourd fardeau pour les entreprises et les ménages, dont l’accès au financement devient difficile et coûteux», a assuré le spécialiste.
Il a également souligné que l’épargne nationale, publique et privée, en tant que principale source de financement de l’investissement, est tombée à des niveaux historiquement bas (risquant de passer sous les 5 % du PIB). Les entreprises publiques, autrefois contributrices, sont désormais déficitaires, tandis que les ménages et le secteur privé s’essoufflent sous l’effet de la crise économique interne et internationale.
Des priorités nationales
Mrabet a insisté sur la nécessité d’encourager l’investissement étranger, mais dans le cadre de négociations équilibrées, tenant compte des priorités nationales : transfert technologique, valorisation des compétences tunisiennes, transition vers les énergies renouvelables et respect des normes environnementales, sociales et de gouvernance.
En parallèle, il a précisé que les PME, tous secteurs confondus, pourraient devenir un levier majeur de relance si elles accèdent plus facilement au financement. Évoquant la relation avec le FMI, il a rappelé qu’en 2022, la Tunisie a refusé un prêt de 1,9 milliard de dollars, dont les conditions incluent la privatisation de certaines entreprises publiques, la réduction de la masse salariale et la suppression progressive des subventions.
Selon lui, « les programmes du FMI manquent souvent de flexibilité, appliquant des modèles standards qui ne prennent pas en compte les réalités locales, risquant ainsi d’aggraver pauvreté et endettement ».
Ridha Mrabet a affirmé qu’au-delà des exportations traditionnelles (phosphate, huile d’olive, produits agricoles et industriels, tourisme, diaspora…), l’outil le plus adapté pour conjuguer souveraineté et efficacité reste l’investissement direct étranger ou en portefeuille, en partenariat avec des investisseurs privés locaux ou dans le cadre de PPP.
L’informel, une gangrène !
Il a enfin conclu que la stratégie de promotion de l’investissement étranger doit s’inscrire dans une logique de «gagnant-gagnant », respectueuse de l’environnement, des ressources naturelles et du potentiel humain tunisien.
S’agissant du secteur informel, Mrabet a expliqué qu’il représente une part importante de l’emploi et du PIB, principalement dans l’agriculture, le bâtiment et le commerce.
En dehors des circuits formels, il prive l’État de recettes fiscales et fragilise les travailleurs. En 2025, le gouvernement cherche à l’intégrer dans l’économie officielle grâce à la loi sur l’auto-entrepreneur et à des plateformes électroniques.
Toutefois, le niveau record du cash 25,9 milliards de dinars en août 2025 illustre la méfiance envers le système bancaire et alimente encore l’informel.
Il a averti que malgré son rôle d’amortisseur en période de crise, le secteur informel risque de bloquer une véritable relance s’il continue à alimenter l’évasion fiscale et la concurrence déloyale.
La loi sur l’auto-entrepreneur, selon lui, mérite un suivi attentif, voire des renforcements par des exonérations fiscales supplémentaires et une facilitation d’accès au financement bancaire.