Les analystes dressent un bilan de l’activité de la Bfpme alarmant, avec des états financiers largement négatifs. Mais si certains parlent de faillite ou même de dissolution imminente, d’autres, plus optimistes, plaident pour un plan sauvetage sérieux, surtout que les pistes de redressement sont importantes.
La Banque de financement des petites et moyennes entreprises, Bfpme, est en train de sombrer. Les dernières statistiques parlent « de pertes sèches de 13,1 millions de dinars, des capitaux propres négatifs de 53 milliards de dinars, et surtout de crédits douteux assez importants ».
Et dire qu’à son lancement, en mars 2005, les aspirations aux bienfaits de cette nouvelle banque publique étaient incommensurables et démesurées. Surtout qu’elle devrait opérer dans un créneau qui constitue le cœur même de notre tissu économique : le financement des petites et moyennes entreprises.
On se rappelle d’ailleurs que la création de cette nouvelle structure est intervenue au moment où les rejets des demandes de financement des petits projets connaissaient une tendance haussière inquiétante et commençaient à effrayer les porteurs d’idées. A cette époque-là, la rentabilité des projets proposés et notamment leur faisabilité ont souvent été mises en cause.
Une nouvelle culture du risque
La présence de cette nouvelle structure a vite inversé la tendance, car le module opérationnel de la Bfpme reposait sur des principes fondamentaux : la bonne évaluation, et l’accompagnement. Mais le plus important, c’est que la Bfpme a cherché, avant tout, à se dégager de la routine administrative et à développer, en contrepartie, une nouvelle culture du risque. Une politique qui a élargi nettement les chances de finalisation des idées des projets avancées.
L’idée directrice de la banque était justement d’évaluer les projets, de les retoucher, de les rapprocher de la réalité du marché, d’élargir ainsi leur chance de survie et de leur garantir, enfin, le financement approprié à des coûts compétitifs. Une politique qui s’est avérée bien payante, du moins durant les premières années de sa mise en fonction.
D’ailleurs, entre 2005 et 2008, et malgré des moyens limités, car encore en phase d’organisation, la Bfpme a approuvé le financement de 665 projets. Un volume encourageant pour un démarrage.
Au moment où l’on espérait un véritable rebond de l’activité de cette institution prometteuse, on a, au contraire, assisté à un inquiétant ralentissement.
Les observateurs estiment à ce stade que l’absence d’une véritable politique de gouvernance, le manque d’un système de contrôle et d’informations fiables, la timidité des études d’impact et le manque d’un système de refinancement ont fini par affecter sérieusement la marge d’évolution de la Bfpme qui s’est retrouvée désarmée, incapable de générer des ressources d’autofinancement et dans l’impossibilité de se développer.
Un besoin de restructuration
On reconnaît justement que ces défaillances ont contraint la banque à une navigation à vue, et cela s’est avéré pénalisant. La banque a commencé alors à enchaîner les contre-performances, d’où alors le cumul des pertes, souvent très importantes.
En 2024, la situation financière de la banque a atteint un niveau alarmant, ce qui a amené la banque à réduire son capital social de 100 millions de dinars à 10 millions seulement. Et cela aurait conduit systématiquement à la dissolution de la banque conformément aux dispositions du code des sociétés commerciales tunisien, sans une intervention urgente d’augmentation de capital d’environ 60 millions de dinars.
Il est certain que pour les analystes financiers, la situation actuelle de la Bfpme n’est aucunement choquante. Car, la banque, dont le rôle essentiel est l’accompagnement et le financement, n’a pas bénéficié du soutien nécessaire pour s’épanouir, surtout que les services sont généralement très coûteux.
A une certaine période, on a eu même l’impression que l’institution était marginalisée. On se rappelle qu’en 2017, la banque est restée pendant plus de deux mois sans « commandant de bord » après la fuite de son président directeur général et l’abandon du navire en pleine zone de turbulences.
En plus de cette question de soutien, l’on reconnaît que la complexité de l’écosystème entrepreneurial national n’a pas facilité la tâche de l’institution, faute de cohérence et de visibilité. C’est un écosystème qui se cherche encore et qui a besoin, en urgence, comme le réclament d’ailleurs les observateurs, de repères fiables, surtout qu’il constitue toujours le fondement de notre tissu économique.
Quoi qu’il en soit, la situation délicate de la Bfpme ne devrait aucunement conduire à l’abandon d’une telle expérience. Bien au contraire, car, malgré des moyens dérisoires, la banque a réussi, tout de même, à accomplir quelques belles réalisations. La banque a réussi justement à financer plus de 1.600 projets et a généré environ 31.000 postes d’emploi. Et ce n’est pas peu si l’on tient compte de la conjoncture.
Ceci pour dire que la Bfpme a besoin aujourd’hui de restructuration sérieuse, d’injections financières assez conséquentes, de requalification de ses priorités, de corps opérant plus qualifié et surtout de l’amélioration du niveau de digitalisation de ses services.