A la manière d’un dessin analytique, il met à nu les rouages sociaux de cette mécanique en intégrant différentes figures et autres situations. L’ordinateur, Nour le démonte au sens propre comme au figuré pour former un univers métaphorique digne d’un Lewis Caroll où l’humain gobé par la machine devient un de ces tout petits éléments qui la composent…
La Presse — Les œuvres de la 4e édition du Prix des jeunes artistes sous le thème « 90’s Reloaded » ont été dévoilées jeudi dernier à la galerie TGM à La Marsa. Ce prix, né depuis la création de la galerie, est dédié aux artistes en devenir, issus de différents horizons : écoles des beaux-arts, d’architecture, autodidactes ou autres formations.
Un rendez-vous devenu incontournable depuis son lancement en 2020. Un thème est proposé chaque année laissant libre cours à leurs lectures et interprétations.
Cette année, un thème détonnant a été proposé, celui des années 90. De quoi bien abreuver les recherches et les propositions plastiques des participants qui sont au nombre de 27 avec une majorité de « Zomers » (génération Z), nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010.
Des jeunes hyperconnectée et « social-native », qui sont donc très à l’aise avec le numérique, mais qui ont en même temps ce besoin d’authenticité et une conscience sociale.

Des caractéristiques qui transparaissent dans les oeuvres qu’ils/ elles présentent, dans une tentative d’interpréter l’époque de leurs parents. Des années marquées, esthétiquement et culturellement, par une diversité référentielle, mêlant le streetwear et le grunge au minimalisme, et par la richesse de la culture pop, notamment la télévision, la musique, les jeux vidéo, des pogs à la récré, des CD 2 titres,des VHS et des vidéo-clubs…
C’était aussi et surtout les années du développement des ordinateurs personnels multimédias, la démocratisation d’Internet avec l’émail et le World Wide Web. Politiquement on retient de grandes dates comme l’effondrement du bloc de l’Est et la fin de la guerre froide et de notre coté la guerre du Golfe qui a marqué les esprits.
Ce dernier volet politique a beaucoup moins intéressé (du moins pas d’une manière directe car au final tout est politique) nos jeunes qui lui ont préféré d’autres aspects qui leur parlent peut-etre beaucoup plus. Cela a donné lieu donc à des propositions plutot pop-culture.
C’est le cas de l’œuvre « Tetris » (aquarelle sur papier) de Shaima Ben Slimen. Un dispositif pictural en trompe l’oeil qui lie une époque à ses objets. Une archéologie quotidienne d’un passé où cassettes audio, consoles de jeux, téléviseurs à tube cathodique, ordinateur de bureau et autres vaisselles et ustensiles sont disposés dans des étagères appliquées à l’aquarelle dans une sorte d’hommage voire un requium à une matérialité de plus en plus révolue.
« Ce sont des objets qui transforment la surface en une archive visuelle vibrante, rappelant une époque avant la numérisation, où les objets matériels avaient un poids, un sens, une odeur », note l’artiste qui a déjà commencé à exposer depuis 2023 dans différentes galeries à Tunis, distillant un travail qui oscille expérimentation matérielle et recherche conceptuelle.
Dans la même veine, on retrouve l’œuvre de Nour Touati. Un triptyque intitulé « L’ordinateur » dans lequel il expose et décortique la place qu’a prise cette technologie dans nos vie depuis les années 90 jusqu’aux années 2000.
A la manière d’un dessin analytique, il met à nu les rouages sociaux de cette mécanique en intégrant différentes figures et autres situations. L’ordinateur, Nour le démonte au sens propre comme au figuré pour figurer un univers métaphorique digne d’un Lewis Caroll où l’humain gobé par la machine devient un de ces tout petits éléments qui la composent…
Mootaz Nouili s’intéresse aux couleurs et nuances qui caractérisent cette époque, la couleur étant un langage à part entière. Chez lui elle se fait abstraite et devient pixel— ce tout petit élément constitutif d’une image produite ou traitée électroniquement et qui est définie par sa couleur et sa luminosité — pour faire écho à une palette caratéristique d’un temps passé.
Nour Zarrougui opte plus pour une archéologie sociale figurative. Avec son acrylique sur toile « 90’ Baby ». « Née en 1990, je fais indirectement partie de cette ère, un moment où la fin du siècle coïncidait avec les débuts d’un monde digital…Mon travail explore l’atmosphère unique de cette décennie qui a marqué l’enfance d’une génération entière…A travers mes œuvres, j’essaye de capturer les tensions invisibles et les ruptures qui ont façonné notre identité collective prise entre l’héritage traditionnel et le processus émergent de la globalisation », note-t-elle.
Côté photographie, cette édition du prix dévoile, à l’instar des précédentes, d’intéressantes propositions. Entre autres celles d’Amira Chihaoui qui use de procédés numériques pour ouvrir une fenêtre sur les années 90.
Comme elle le souligne, elle explore le contraste entre deux ères, le digital et l’analogique, en les faisant se rencontrer et interagir pour créer un artefact.
Coup de cœur pour la série en sépia « Still Blooming » d’Abdelhakim Guerfel qui cite les années 90 à travers des bribes d’éléments architectoniques qui font effet d’abstractions poétiques.
L’exposition se poursuit jusqu’au 5 octobre. Nous y reviendrons.
