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Démarrage en demi-teinte de la nouvelle campagne céréalière : On ne badine pas avec notre pain !

  • 14 octobre 18:20
  • 7 min de lecture
Démarrage en demi-teinte de la nouvelle campagne céréalière : On ne badine pas avec notre pain !

Il a, déjà, plu, plus d’une fois, ayant ainsi arrosé la terre et humidifié légèrement le sol. Mais, pas encore ! D’autres épisodes pluvieux seraient aussi nécessaires. Parallèlement, on ne doit pas rester dans l’expectative, à la merci du hasard. La campagne céréalière 2025-2026 vient de démarrer en demi-teinte, avec des hauts et des bas.

La Presse — A vrai dire, tout devait être engagé, dés juin dernier, suite à un Conseil ministériel restreint, essentiellement, consacré à la moisson de l’année et les préparatifs pour la saison à venir. Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.

Et ce n’est qu’au cours du mois écoulé que le ministère de l’Agriculture avait annoncé la couleur: «On a, déjà, commencé à mettre à disposition un stock d’environ 520 mille quintaux de semences sélectionnées, toutes variétés confondues», révèle Mohamed Ali Ben Romdhane, responsable à la direction générale de la production agricole, lors de la journée d’évaluation post-campagne céréalière 2024-2025.

Or, cette réserve est si insuffisante, semble-t-il, qu’elle ne couvre qu’environ 350 mille hectares, soit plus de 750 mille hectares risquent de ne pas être emblavés.

A-t-on appris de nos erreurs ?!

A moins que l’on compte sur soi-même et que l’on se casse la tête pour passer le cap d’un semis, pas souvent garanti. 

Et là, les céréaliculteurs se fournissent généralement de ce qu’ils mettent en réserve céréalière personnelle épargnée pour la saison à venir. C’est que l’approvisionnement régulier en semences du blé fait, toujours, défaut. Ceci est évident, en termes de quantité et de qualité, d’autant plus qu’un tel scénario se reproduit, de la même façon, chaque année. Le ministère n’a pas appris de ses erreurs ! Il n’a pas, non plus, prêté attention aux préoccupations et revendications des agriculteurs. 

Volet engrais, quelque 370 mille tonnes sont programmées, dont 120 mille tonnes de «DAP», 220 mille tonnes d’ammonitrates et 30 mille tonnes «Super 45», matière fort demandée (seulement 700 tonnes en cours de distribution). Une logistique agricole grippée, avec une livraison qui n’arrive pas à temps. Si rien n’y fait, nos estimations seraient, encore une fois, loin du compte. 

Tout comme la saison écoulée, on n’a collecté qu’à peine 12 millions de quintaux, sur un total de 20 millions récoltés, pour une superficie globale de près d’un million d’hectares. Soit seulement un tiers de nos besoins nationaux en céréales estimés à 36 millions de quintaux par an. 

Et pourtant, le ministère de tutelle continue sa fuite en avant. Cette politique du pire allait hypothéquer l’avenir du secteur. Et on ne cesse de se vanter: «Notre objectif primordial est d’atteindre l’autosuffisance en blé dur», se targue Ben Romdhane. On nous bourre le crâne de propos en porte-à-faux qui ne font que nous bercer d’illusions et rendre tout objectif céréalier une vraie chimère. 

L’innovation dans la graine !

Pourquoi importe-t-on encore du blé dur, alors que l’on peut en créer nos réserves stratégiques, en investissant dans des variétés innovantes, productives et beaucoup plus résilientes au stress hydrique et aux impacts du changement climatique dont les effets ravageurs nous coûtent aussi cher ? Certes, les solutions existent, mais ceux qui veillent sur la gestion des choses agricoles ne sont guère des visionnaires et encore moins de bons stratèges. Notre agriculture, ce domaine vital, aurait besoin d’une véritable révolution verte. 

Par ailleurs, la disponibilité des variétés de blé dur pose encore problème. Toutefois, nos semences, dites autochtones, telles que «Karim», «Razzek», «Khiar», «Chili», et bien d’autres, n’ont jamais été d’origine tunisienne. Très anciennes, elles ne sont plus rentables et encore moins performantes. Depuis 1986, une trentaine de chercheurs scientifiques dans la région méditerranéenne, dont des Tunisiens, ont confirmé que ces semences précitées ont perdu de leur fertilité, et qu’il aurait dû les remplacer pour gagner en productivité. L’innovation est dans la graine, dirait-on. 

Pour ce faire, comme une première, il a fallu booster un partenariat public-privé pour introduire de nouvelles variétés «Saragolla» et «Iride» et les inscrire au catalogue variétal officiel. Cela a fait suite à la visite, en juillet 2007, en Italie, d’une délégation d’experts et d’agriculteurs, dans le but d’œuvrer à l’autosuffisance en blé dur, condition sine quoi non pour la sécurité alimentaire.

«Ces variétés sont en mesure de relever ce défi céréalier», estiment, à l’unanimité, bon nombre d’agriculteurs. Sur quoi le président Kaïs Saïed avez, toujours, misé, dans la perspective de réduire de notre dépendance aux importations. Contacté par téléphone, Mondher Gharbi, agriculteur à Amdoun, membre de la délégation précitée, a recommandé de renforcer davantage le partenariat public-privé, en développant la filière semences, afin de réaliser nos réserves stratégiques en blé dur et pouvoir ainsi en exporter vers d’autres marchés. 

Le choix des agriculteurs !

Autant dire, ces variétés ont, bel et bien, reflété le choix des agriculteurs et c’étaient, eux, qui l’ont, d’ailleurs, introduites et continuent de les défendre, volontiers. «Et jusqu’à ce jour, j’en redemande fortement pour répondre à mes besoins et pouvoir garantir, si Dieu le veut, une bonne saison», s’exprime, en ces termes, Radhouane Bouguerra, céréaliculteur de Kairouan.

La preuve en est, «ces deux variétés ont montré des facultés d’adaptation exceptionnelles à notre environnement, mais aussi une résistance remarquablement prouvée au phénomène du stress hydrique», argue-t-il. 

Outre leur bonne qualité boulangère, ces variétés de blé dur présentent également un indice de jaune assez élevé, aux vertus nutritionnelles témoignées. «Donc, ces deux variétés permettraient de compenser les frais d’importation de blé tendre et de nous faire gagner autant de fonds censés renflouer les caisses de l’Etat, d’une part, et barrer la route aux cartels du blé qui monopolisent le marché et le dopent des semences improductives et de faible résistance aux aléas du climat, d’autre part», témoigne un agriculteur de Beja, sous le couvert de l’anonymat.

On ne badine pas avec notre pain !

Face à tout cela, l’Office des céréales, l’Avfa (agence de vulgarisation et de la formation agricoles) et bien d’autres départements liés au ministère ne font pas dans la dentelle. L’Utap, elle, censée être l’organisation nationale à caractère syndical, a failli à son rôle défenseur et s’est contentée de passer à l’arrière-plan.

«Quand se réveille-t-elle de sa torpeur ?», se demande, en colère, un autre céréaliculteur insatisfait de ce que fait l’Utap au profit des agriculteurs et de son poids dans la sphère agricole. «De par son rayonnement dans tout le territoire, avec ses unions locales et régionales, cette structure syndicalo- professionnelle aurait dû défendre nos intérêts et nous aider à mieux gérer le démarrage de la nouvelle saison agricole», nous livre-t-il, désespéré, pointant du doigt un certain déficit de communication et de réactivité, à bien des égards.  

En fait, préparer la campagne céréalière 2025-2026 ne doit pas se limiter à la disposition des semences et des fertilisants, mais aussi un vrai plan d’action et de suivi, afin de fournir des variétés de semences de haute qualité productive, favoriser les conditions du bon déroulement du semis et de s’arrêter sur tout facteur bloquant censé impacter le rendement de la moisson. L’été prochain, on aurait, alors, moissonné ce qu’on avait semé. 

Auteur

La Presse

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