L’agence de notation Moody’s a récemment relevé la note souveraine de la Tunisie, passant de “Caa2” (risque très élevé avec des perspectives négatives) à “Caa1” (risque élevé avec des perspectives stables). Bien que cet ajustement mette en lumière une amélioration certaine de la situation financière, les experts restent partagés sur la durabilité de cette dynamique, dans un environnement où de nombreux défis demeurent.
Une amélioration portée par le remboursement des dettes
L’économiste et professeur universitaire, Ridha Chkandali, a expliqué que Moody’s a fondé sa décision sur trois facteurs essentiels, notamment la capacité de la Tunisie à honorer ses engagements financiers. Il a rappellé que le pays a remboursé trois tranches d’Eurobonds depuis octobre 2023, pour un montant total avoisinant 2,4 milliards de dollars, sans procéder à de nouvelles émissions obligataires. Cela a permis de réduire la dette extérieure du secteur privé à 6 % du total de la dette publique en décembre 2024, contre environ 25 % en 2019.
Chkandali a précisé également que la Tunisie devra rembourser en juillet 2026 des Eurobonds d’une valeur de 700 millions d’euros, ce qui, selon lui, contribuera à une diminution significative des paiements du secteur privé.
Toutefois, malgré cette amélioration, Chkandali a mis en garde contre plusieurs risques qui pèsent encore sur l’économie tunisienne. Parmi eux, il a cité le recours récurrent du gouvernement au financement direct de la Banque centrale de Tunisie (BCT), un niveau élevé de la dette publique, une masse salariale et une facture des subventions importantes, ainsi qu’un grand nombre d’entreprises publiques déficitaires.
Dans ce même cadre, il a souligné aussi la faiblesse de la croissance économique et l’absence d’un consensus politique autour des réformes nécessaires. Par ailleurs, des risques liés au climat et à la rareté des ressources en eau viennent s’ajouter à ces difficultés structurelles.
Un signal encourageant pour les investisseurs
Pour le financier Zied Ayoub, la révision à la hausse du rating tunisien constitue un indicateur positif pour les investisseurs locaux et internationaux. Ce dernier a aussi estimé que cette décision de Moody’s reflète la capacité de la Tunisie à rembourser ses dettes extérieures et suggère que cette capacité pourrait encore s’améliorer dans les années à venir.
Ayoub a rappelé que les agences de notation accordent une importance majeure à la solvabilité des États dans leur évaluation. Il a estimé que l’orientation vers une plus grande autonomie financière a permis d’améliorer les réserves en devises étrangères et que le recours au financement direct a eu des effets positifs sur ces réserves, ainsi que sur l’inflation et le taux de change du dinar.
Pour sa part, l’économiste Moez Soussi a rappelé que Moody’s évalue la Tunisie depuis 1994 et que ces agences de notation souveraine sont financées annuellement sous forme d’adhésion par les États classés.
Soussi a expliqué aussi que la mission de ces agences est d’évaluer les risques pour les investisseurs souhaitant acheter des obligations d’État ou des obligations d’entreprises sur le marché international.
Il a souligné que le dernier rapport de Moody’s indique que le niveau de risque de défaut reste très élevé, mais avec une perspective stable, insistant sur l’importance de cette dernière mention.
Mais si la Tunisie peut se féliciter de cette amélioration de son rating, les experts restent prudents quant à l’avenir. L’assainissement des finances publiques, la mise en œuvre des réformes structurelles et la stabilisation du climat politique seront déterminants pour espérer une nouvelle amélioration de la note souveraine dans les années à venir.