L’été 2025 à Kairouan : Canicule, manque de loisirs et vide culturel
En cette période de canicule et de vacances scolaires, le problème majeur des citoyens kairouanais, obligés pour des raisons professionnelles, matérielles ou sociales de passer l’été chez eux, est de savoir comment profiter au maximum de la période estivale, surtout lorsque fait défaut une véritable animation culturelle capable de bouleverser leur horizon.
La Presse — En effet, Kairouan est victime de la marginalisation et du manque d’investissement dans les espaces verts et de loisirs. En outre, la ville souffre d’un déficit révoltant en termes de fontaines de jets capables de rendre le climat plus doux.
Rappelons que les Kairouanais ont dû supporter en cette saison estivale des pics de chaleur atteignant les 48 degrés avec des épisodes de sirocco très pénibles. Et c’est surtout les personnes âgées et les bébés qui ont souffert de cette canicule. Quant aux jeunes vacanciers, ils sont restés cloîtrés chez eux, dans un état semi-comateux, faute d’espaces de détente et de loisirs. En outre, les maisons des jeunes sont désaffectées tant elles n’offrent pas d’activités culturelles intéressantes pour les jeunes et manquent d’équipements et d’animation.
Et si beaucoup d’habitants affrontent cette canicule en recourant aux climatiseurs, aux ventilateurs, aux éventails et à l’eau fraîche, d’autres, plus chanceux, savourent la fraîcheur des maisons traditionnelles dont les vastes chambres, les skifas, les caves et la cour intérieure sont climatisées naturellement grâce à une architecture spécifique et à des matériaux de construction adaptés au climat semi-aride de la région.
Haïthem Selmi, jeune étudiant, préfère passer les vacances à surfer sur le Net et à s’adonner au bricolage: «En fait, Kairouan représente pour les jeunes la platitude concernant les loisirs. C’est vraiment le désert culturel partout pour une jeunesse avide de divertissement. D’ailleurs, les parcs de loisirs sont inexistants et les rares espaces familiaux, où les prix sont du reste inabordables, ne sont fréquentés que par des gens aisés.
Quant aux salons de thé, ils sont pollués par la fumée des cigarettes. De plus, la piscine municipale est fermée depuis 6 ans pour raisons de travaux qui traînent…».
Des coupures d’eau très fréquences
Par ailleurs, le gouvernorat de Kairouan n’est pas épargné par les coupures d’eau en cette saison estivale. Et au manque de ressources, s’ajoutent des problèmes de raccordement au réseau et d’exploitation anarchique des canalisations existantes.
Malgré tous les projets hydrauliques (lacs collinaires, forages, barrages, puits de surface et sources naturelles…) réalisés jusque-là, plusieurs délégations du gouvernorat de Kairouan souffrent du manque d’eau potable en raison d’une absence de raccordement au réseau de la Sonede à cause de la dispersion géographique.
D’ailleurs, les villageois ne cessent d’organiser des sit-in pour revendiquer l’approvisionnement régulier de leurs zones marginalisées, se déclarant lassés des promesses non tenues et de la lenteur des travaux entrepris pour renouveler les conduites vétustes.
Ainsi, en ce lundi 4 août 2025, les habitants d’Aïn El Bidha (délégation de Haffouz) ont bloqué la route menant à El Ala pour attirer l’attention des responsables sur l’absence d’eau potable dans leur village. Mokhtar Rebhi, un fellah âgé de 59 ans, nous confie. «Le plus proche des puits dont on se sert est situé à plusieurs kilomètres et nous fournit une eau d’un degré de salinité très élevé qui n’étanche pas notre soif. Notre priorité actuellement est l’eau potable.
L’Etat pourrait créer des sondages pour que nos villages deviennent verdoyants avec la création de périmètres irrigués…».
Slim Jaballah, 27 ans, et Ridha Oueslati, 25 ans, diplômés et sans emploi, étaient affalés au pied d’un olivier centenaire et parlaient de tout et de rien: «Ici, dans ce petit village de Aïn El Ridha, nous souffrons beaucoup de l’ennui et du chômage.
Notre seule distraction, c’est de rôder dans les vallées et les chemins creux en regardant voler les papillons… La maigre vibration de l’air nous touche comme si c’était un événement… Hormis quelques propriétaires terriens aisés qui peuvent emmener leurs enfants se divertir dans les villes côtières, le reste des campagnards sont à l’affût de n’importe quelle fugue pour se prélasser.
Ainsi, ce genre de malaise a engendré une augmentation du taux de suicide, surtous auprès des adolescents, car on sait que l’adolescence est très importante pour la construction de la personnalité. Or, il arrive qu’elle se fasse dans la douleur, les privations et la souffrance».