Bilan des festivals d’été : L’année des retrouvailles et des révélations
Shami et Silaoui à Hammamet, Sfax, Bizerte, Hergla. Saint Levant avec sa chorégraphie originale, muni d’une chaise en plastique à Carthage, avant eux c’était Tul8 le chanteur cagoulé à Dougga. Tous ces artistes arabes ont eu un succès retentissant.
La preuve : concerts à guichets fermés, engouement des fans allant jusqu’à monter par force en voulant les approcher sur scène et des vidéos virales de moments de grandes émotions captées par les photographes.
La Presse — Clap de fin de la grande majorité des événements culturels annuels cet été. Entre critiques virulentes et acclamations, des dizaines de spectacles d’artistes tunisiens et étrangers ont fait couler beaucoup d’encre, enflammer la toile et resteront dans les annales.
Ces stars qu’on n’a pas vu monter
Shami et Silaoui à Hammamet, Sfax, Bizerte, Hergla. Saint Levant avec sa chorégraphie originale, muni d’une chaise en plastique à Carthage, avant eux c’était Tul8 le chanteur cagoulé à Dougga. Tous ces artistes arabes ont eu un succès retentissant.
La preuve : concerts à guichets fermés, engouement des fans allant jusqu’à monter par force en voulant les approcher sur scène et des vidéos virales de moments de grandes émotions captées par les photographes.
Pourtant, ces noms totalement méconnus auprès d’un nombre énorme de Tunisiens ne désignent pas des chanteurs émergents, mais plutôt des artistes influents auprès de leurs fans, avec par conséquent des retombées commerciales, de quoi faire réjouir les organisateurs des festivals.
Des carrières courtes, deux ou trois années depuis le tout premier tube, pas assez de contenu pour meubler deux heures de concert, une image parfois construite sur un contexte socio-politique de réfugié de guerre ou d’exilé.
Tout semble s’écarter des éléments usuels du star système. On n’est pas face à des prodiges avec des compétences vocales hors normes, même si chacun appelle bonne musique ce qu’il a l’habitude d’écouter.
Pourtant, ils ont pu se forger si rapidement un portrait captivant de sorte qu’on a l’impression d’avoir raté bien des étapes de cette ascension à vitesse vertigineuse.
La plupart d’entre nous n’ont même pas constaté leur présence au début de leurs carrières. On ne les a pas vus gravir les échelons de la célébrité progressivement.
Ils sont simplement là, en pleine apogée, au grand bonheur de leurs « followers » qui les suivent sur TikTok principalement.
Ce sont surtout les GenZ, cette génération d’adolescents adeptes des outils numériques, qui les idolâtrent et qui font les longues files d’attente des heures avant les spectacles.
Est-ce l’effet de l’âge peut-être, comme les artistes font à peine une vingtaine d’années? Est-ce l’éternel problème d’écart entre les générations qui fait que les parents n’ont pas les mêmes goûts que leurs enfants ?
Une chose est sûre, ces chanteurs sont là, à s’imposer comme des grands, à détrôner même les plus grands. Mais pour combien de temps ? Difficile de le prévoir, comme on n’a pas su prévoir leur montée en flèche en haut des charts et le succès phénoménal des ventes aux guichets.
Les grands retours
Cet été a été sous le signe des retrouvailles.
A commencer par Riadh Fehri qui présente « Tapis rouge 2 » à Carthage, suite du premier « Tapis rouge » qui remonte à 2009. Nabiha Karaouli a fait son retour sur les scènes de Hammamet et Grombalia. Ghazi Ayadi a chanté à Hammamet pour la première fois en 30 ans de carrière.
Il y a eu également Slim Dammak à Hammamet, Walid Ettounsi à Oudhna, Sofia Sadok et Latifa à Carthage.. En plus des stars nationales, on a accueilli Cheb Mami, Nancy Ajram, Najoua Karam qui reviennent tous après une longue attente. Mais c’est Ahlam qui détient le record avec 17 ans d’absence.
Les avis sont divisés d’abord par rapport au contenu de ces concerts. Fallait-il chanter les nouveaux tubes ou reprendre les anciens que le public réécoute avec nostalgie ? Une chose est sûre, ces concerts sont pour la plupart une machine à remonter le temps, telle une madeleine de Proust.
Si l’on prend l’exemple de Latifa, peu sont allés la voir sur scène pour « Sorry », son dernier tube à la tête des « trends ». Par contre, on ne pouvait pas partir sans écouter « Hobbakhedi » ni « Ahimou bi tounes l khadhraa ». La deuxième polémique est reliée à ce que certains appellent « une déception », par rapport à la dégradation des qualités vocales de quelques artistes, comparées à leurs anciennes performances mémorables.
Les nouveaux festivals qui démarrent en force
On a assisté cette année à la naissance du Festival de Hergla et le Festival International des Arts populaires à Oudhna.
Pour le premier, situé à une trentaine de kilomètres de la ville de Sousse, la programmation a été fortement applaudie avec à l’affiche les stars les plus demandées actuellement : Si Lemhaf, Balti et même Wael Jassar et Al Shami.
Un effort visible à saluer pour une première édition globalement réussie.
L’amphithéâtre antique d’Oudhna, à 30 km de Tunis, s’est spécialisé dans un genre particulier, celui de la musique populaire. Le line-up a inclus des spectacles de Hedi Donia, Samir Loussif, Zina El Gasrinia..
Parmi les stars arabes, Mahmoud Ellithy qui a interprété la plupart des bandes originales des films signés El Sobky en Egypte.
En plus du volet musical, il s’agissait aussi de valoriser ce site historique en drainant les festivaliers pour le découvrir et y vivre des expériences mémorables.
Un menu de plus en plus riche dans les festivals des régions
Les échos des internautes laissent entendre cette année une satisfaction globale comme les stars tunisiennes qui occupent le devant de la scène musicale actuelle et ont élargi leurs tournées.
On a donc vu Jenjoon et Kaso se produire à Mednine, Mortadha et Raouf Maher à Tataouine, Balti à Gafsa, Ziara à Kasserine, Saber Rebaï à Sbeïtla, Sanfara et Eya Daghnouj à Béja et même Ihab Tawfik à Grombalia. On a eu l’habitude de voir trois ou quatre têtes d’affiches s’emparer de la plupart des événements, mais la programmation semble s’ouvrir davantage avec plus de choix et plus de genres musicaux.
Une mention spéciale pour « Ragouj-le spectacle » qui a prévu des représentations à travers six villes, avec ses acteurs-chanteurs, musiciens, danseurs et des moyens logistiques complexes.
Le produit purement culturel continue à se battre
Entre-temps, le mal persistant du produit purement culturel continue à se faire remarquer. Des spectacles de haute qualité sont passés entre les mailles des filets médiatiques. « La Nuit des chefs », créé par l’orchestre symphonique tunisien et réunissant plusieurs chefs d’orchestres de nationalités différentes, a fait le tour de Carthage, Hammamet et El Jem, éclipsé par le bruit ambiant des stars de musique orientale.
Le Festival international de Sousse, qui a exclu le rap et le mezwed pour miser sur un contenu plus raffiné, a récolté une avalanche de critiques. Le Festival de musique symphonique d’El Jem peine toujours à remplir ses loges en dépit des tentatives d’ouverture sur d’autres genres musicaux. D’autres bijoux n’ont pas eu le succès mérité :des pièces de théâtre, « Imagine » de Karim Thlibi, premier psychodrame arabe, le spectacle « Folklores-ballets du monde » à Carthage…
C’est le contenu musical léger, facile à consommer qui prend le dessus, comme chaque année, comme partout dans le monde.. Pas d’exceptions. Entre émotions retrouvées et découvertes, l’offre a été variée, la marge des prix aussi. La vente aux marchés noirs pour les spectacles fortement sollicités ne semble pas prête à disparaître, ni la survente de places. Vivement les prochaines éditions où nous espérons encore plus de choix, plus de qualité et une programmation qui saura à la fois surprendre et ravir le public.


