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Spéculation : Ces requins qui écument le marché

  • 26 septembre 17:50
  • 6 min de lecture
Spéculation : Ces requins qui écument le marché

Il reste malheureusement un vide, celui qui sépare le producteur du consommateur. Ce vide concédé est immédiatement et irrémédiablement occupé par les spéculateurs qui ont presque tout pris en main.

La Presse — Ils sont devenus efficaces et incontournables pour  deux raisons au moins.

Ils disposent du cash. Et comme la cueillette, la main-d’œuvre et les moyens de transport coûtent cher, nombre de producteurs préfèrent vendre sur pied, encaisser leur argent et répondre aux engagements pris. Cela pourrait être le mariage de la fille ou du garçon.

C’est là en fait la raison qui prime et qui est, reconnaissons-le, assez convaincante.

La seconde, l’inefficacité des organismes imaginés pour  diriger, animer, consolider et donner à ce secteur stratégique des dattes, de plus en plus important,  l’envergure devant  lui assurer la pérennité.

Ces organismes sont devenus, non pas un organe d’action et de promotion, mais faute  de bonne gouvernance, un poids pour l’Etat et une catastrophe pour les producteurs. C’est l’administration pure et dure avec secrétaires, moquettes et climatisation et non la bonne gouvernance où l’initiative et la créativité priment.

Cela débouche sur des accumulations qui bloquent tout. Même le dialogue. Le doute s’installe, la peur taraude le désenchantement est total.

En face, il y a ceux qui attendent, un sac d’argent entre les mains. Du cash.

Des opérateurs assez puissants et organisés qui assurent l’essentiel au niveau des exportations et qui fournissent une   partie du contingent dédié au marché local. La présence de ces opérateurs est aussi nécessaire qu’importante mais elle ne suffit pas.

Il reste malheureusement un vide, celui qui sépare le producteur du consommateur. Ce vide concédé est immédiatement et irrémédiablement occupé par les spéculateurs qui ont presque tout pris en main.

Le résultat ne s’est pas fait attendre. C’est eux qui fixent les prix, qui décident du timing et de la quantité à mettre sur le marché.

De l’année dernière

Voyons ce qui se passe actuellement sur le marché. Des dattes branchées ont été mises sur le marché, mais une grande quantité provient de la campagne précédente. La couleur des branches d’ailleurs confirme que ces dattes étaient stockées quelque part et qu’il était temps de les refiler à un bon prix pour ceux qui ne font pas la différence.

Même les grandes surfaces en offrent en caissettes bien présentées, pour un prix abordable mais qui est tout proche des primeurs mises sur le marché. Cette quantité est importante. Exposée à la vente  en temps voulu, elle aurait régulé les prix et permis à bien des consommateurs de profiter de l’apport de ce fruit que tous les nutritionnistes conseillent.

Et voilà qu’on reparle de mettre en place une structure de gestion pour reprendre en main ce secteur et permettre aux producteurs de récolter le fruit de leur labeur.

Ces organismes existaient ou existent, mais ils sont  soit trop discrets pour être efficaces, soit dénaturés et ont dévié de ce fait  des objectifs pour lesquels ils ont été créés.

Sans imagination

Il nous semble  que les producteurs sont obnubilés par ce qu’ils se préparent à encaisser en fin de récolte. Ils n’ont aucune imagination. Pourtant imaginons la création d’une unité de valorisation des dattes à mettre en place entre deux ou trois producteurs.

Une société citoyenne,  gérée directement et employant une main-d’œuvre partie prenante qui confectionnerait des dattes farcies aux fruits secs ou autres préparations, à mettre dans un écrin au design approprié, à mettre en vente pour les milliers de visiteurs qui parcourent le sud.

Il y a ceux qui ne voudraient pas acheter des dattes au kilo ou qui se laisseraient tenter par la présentation et le goût. Une valorisation qui n’est nullement négligeable. En Turquie, on vous propose un petit coffret qui ne dépasse pas les dix centimètres de côté, contenant du Rahat Loukoum de couleurs différentes, incrusté de fruits secs qu’on est tenté d’acheter, rien que pour la symphonie des couleurs et la présentation.

Pour mettre en valeur nos dattes et sortir des sentiers battus, il faudrait ce genre d’initiatives. Pour les producteurs, c’est une plus-value qui leur permettra de faire le joint entre une campagne et la suivante. Elle créera de la main-d’œuvre et revalorisera l’offre dans un secteur demeuré frileux, au point d’être manipulé par la spéculation.

Eviter de tout monopoliser

A titre d’exemple et à part les millions de touristes qui ont visité le pays,  La Goulette vient de recevoir un paquebot qui effectue une croisière, transportant prés de trois mille visiteurs. A part les objets provenant de l’artisanat, combien seront-ils tentés par des fruits locaux joliment présentés et surtout pas encombrants ?

Dans tous ces secteurs clefs de notre économie,  soit au niveau agricole ou industriel, nous avons tendance à demeurer attentistes et sans esprit créateur, alors que nos jeunes ont prouvé que des idées ils en possèdent.

Notre production de dattes, comme celui de l’huile d’olive d’ailleurs,  a atteint un seuil où il est temps d’ouvrir les portes à ceux qui voudraient voler de leurs propres ailes, innover, s’aventurer, s’intégrer dans le circuit commercial.

Il faut leur donner cette chance  et éviter de tout monopoliser. On a tendance à privilégier les structures lourdes pour diriger des secteurs qui demandent une vitesse de décision et d’exécution et cela débouche sur des monstres, dont on risque, de perdre le contrôle et qui finissent par devenir une charge, un poids un boulet à trainer.

N’oublions jamais que presque tout ce qui est actuellement en place a été imaginé et imposé par ceux qui voudraient demeurer les seuls à tout contrôler. Où en sommes-nous avec l’allégement des  cahiers des charges et la libéralisation des initiatives censées encourager la création d’emplois ?

Espérons que le bon sens finira par prévaloir, car dans bien des secteurs, le conservatisme est encore de rigueur et  nous perdons un temps précieux.

Auteur

La Presse

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