Chroniques de la Byrsa : En as-tu ?… J’en ai !
La Presse — 3andik’ch ? 3andi. C’est, en caractères utilisés aujourd’hui pour restituer la phonétique arabe en signes « universels » introduite depuis quelques décennies par les usagers des supports modernes de communication écrite, la transcription d’un adage sorti du fond des âges et qu’un jeune lecteur de cette rubrique, si jamais il y en a, peinerait à comprendre. Utilisée plus particulièrement dans les milieux traditionnels de la société tunisoise, cette expression, que nous avons traduite par le titre ci-dessus, veut signifier une présence symbolique, plus formelle que réelle.
A propos de quoi, ce rappel ? Un jour de l’an passé, après réfection de la chaussée de certaines rues de la localité de Carthage, du côté des ports puniques, on a vu, imprimée sur le bitume flambant neuf, l’annonce : «Zone 20». Cette indication est précédée d’un poteau portant une petite plaque ronde figurant un piéton, un cycliste et une voiture avec une interdiction de dépasser la vitesse de 20 km/heure. Sur le sol, à espaces réguliers, a été tracée la silhouette très stylisée d’un cycliste monté sur son vélo.
Après avoir déchiffré tous ces messages codés, on comprend qu’il s’agit là du signalement d’un circuit à l’intention des cyclistes. Il ne leur est pas réservé, car il ne s’agit pas de pistes cyclables comme il y en a tant ailleurs que chez nous. Non. C’est un parcours de quelques centaines de mètres qu’ils partagent avec les autres usagers, les piétons qui ne doivent pas dépasser les 20 kilomètres à l’heure, pas plus que les voitures, du reste !
Il est vrai que les piétons ne dépassent jamais les 20 km/h dans cette zone
Ici, on revient au point de départ. «Commune de Carthage, avez-vous pensé à encourager les modes de transport alternatifs, propres et bénéfiques pour la santé des administrés ?» «Fichtre, oui ! Nous avons aménagé la Zone 20 !»
Si cette initiative visait à traduire le souci des autorités communales de veiller au bien-être de ses administrés, il eut mieux valu l’exprimer différemment. Car s’il est vrai que les piétons ne dépassent jamais les 20 km/h dans cette zone –je l’ai vérifié par moi-même ! —, les voitures, elles, ne se conforment pas à la limitation. Quant aux cyclistes, j’atteste n’en avoir croisé que deux en plus d’un an, un père de famille et sa fillette sortis à vélo pour une promenade de bon matin.
L’argent et l’effort mis dans cette opération on ne peut plus blanche auraient pu être investis utilement ailleurs dans une cité qui manque de tant d’équipements et de services. Par exemple dans l’aménagement d’un terrain pour joueurs de boules, sport très populaire dans lequel les Carthaginois se sont distingués jusqu’à un passé pas si lointain.