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Economie

Tunisie – Libye : Un voisinage aux promesses économiques immenses

  • 12 octobre 18:10
  • 6 min de lecture
Tunisie – Libye : Un voisinage aux promesses économiques immenses

Aux portes du Sud tunisien, la Libye demeure un géant aux ressources inestimables : pétrole, gaz, soleil et terres fertiles. Malgré une décennie d’instabilité, le pays amorce sa reconstruction et attire de nouveaux investissements dans l’énergie, les infrastructures et l’agriculture.

Pour la Tunisie, ce voisin représente à la fois un marché de proximité, une source d’énergie et un partenaire stratégique pour la relance régionale. Reste à savoir si la Tunisie saura saisir cette opportunité avant que d’autres ne le fassent.

La Presse — Près de chez nous, juste à côté, à quelques dizaines de kilomètres du Sud tunisien, sommeille un géant si l’on parle d’un potentiel économique et géostratégique. Riche en pétrole, en gaz et en soleil, la Libye dispose d’un potentiel naturel unique en Afrique. Pour la Tunisie, ce voisin du Sud représente autant un marché d’opportunités qu’un partenaire stratégique pour la sécurité énergétique, la reconstruction et les investissements. Faut-il encore le rappeler, d’ailleurs ?

Un géant pétrolier aux portes de la Tunisie

Avec près de 48 milliards de barils de réserves prouvées, la Libye reste la première puissance pétrolière d’Afrique et la neuvième mondiale. Avant 2011, sa production atteignait 1,6 million de barils par jour, selon des données officielles. Malgré les crises, elle se maintient entre 900.000 et 1,2 million, et pourrait, selon les prévisions de la « National Oil Corporation » (NOC), atteindre 2 millions de barils par jour d’ici 2030.

Des entreprises comme « ENI », « TotalEnergies », « Repsol » ou encore « Turkish Petroleum » ont déjà relancé leurs investissements dans la modernisation des infrastructures et l’exploration offshore. Ce redémarrage ouvre la voie à une demande accrue en services, en expertise et en sous-traitance, des créneaux où les entreprises tunisiennes ont une carte à jouer, notamment dans la maintenance industrielle, l’ingénierie, la logistique et la formation technique. Où en est-on de tout cela ?

Le gaz, un levier stratégique pour la région

Le pays d’Omar El Mokhtar possède environ 1.400 milliards de m³ de réserves prouvées de gaz naturel, principalement dans les bassins de Syrte et de Ghadamès. Le gazoduc « Greenstream », reliant Melitah à la Sicile, symbolise déjà la connexion énergétique entre Tripoli et Rome. Dans un contexte de reconfiguration énergétique mondiale, la Libye apparaît comme un fournisseur alternatif pour l’Europe.

La Tunisie, en position géographique centrale, peut s’intégrer à cette dynamique, en devenant une plateforme de transit et de services pour les flux énergétiques entre la Libye et l’Europe, mais aussi en développant des partenariats tripartites tuniso-libyo-européens dans l’énergie et la logistique. Une question qui s’impose encore une fois ; qu’en est-il de tout cela ?

Energies renouvelables, important terrain de coopération

Avec plus de 300 jours d’ensoleillement par an, la Libye détient un potentiel solaire colossal. Plusieurs projets pilotes ont été lancés à Sebha, Misrata et Tobrouk avec des partenaires turcs et allemands. Objectif : atteindre 10 % d’énergie renouvelable d’ici 2035, contre moins de 1 % aujourd’hui.

Pour la Tunisie, cette transition ouvre des perspectives concrètes : une coopération technologique dans le solaire et l’éolien, l’exportation de savoir-faire en régulation, stockage et interconnexion électrique et des partenariats industriels pour la fabrication de panneaux et de composants solaires. Si bien que la proximité géographique et culturelle donne aux entreprises tunisiennes un avantage compétitif pour accompagner cette mutation. Mais, aurions-nous jeté les fondements pour cela ?

Un sous-sol riche, un voisin en reconstruction

La Libye recèle également d’importants gisements de fer, de gypse, de potasse et d’or, encore sous-exploités. Le sud du pays, notamment la région du Fezzan, concentre ces richesses minières et attend des investissements dans l’exploration, la logistique et les services environnementaux, des domaines où les sociétés tunisiennes peuvent intervenir en partenariat.

Côté agricole, le Grand fleuve artificiel, l’un des plus grands projets hydrauliques du monde, ouvre aussi des perspectives. Avec plus de 1,8 million d’hectares de terres cultivables, la Libye cherche à réduire sa dépendance alimentaire (75% d’importations). Là encore, les opérateurs tunisiens du secteur agroalimentaire et de l’irrigation peuvent exporter leur expertise et s’approvisionner sur un marché voisin en pleine demande. Réalise-t-on vraiment que notre voisin est en pleine reconstruction ?

Une richesse sous tension, mais un marché ouvert

Les blocus pétroliers imposés par certaines milices ont coûté à la Libye plus de 100 milliards de dollars depuis 2014. Malgré cela, la reconstruction avance, portée par une volonté de relance économique et des accords bilatéraux avec des pays voisins, dont la Tunisie.

Déjà, plus de 500 entreprises tunisiennes sont présentes ou en prospection en Libye, notamment dans le BTP, la santé, les télécommunications et les services financiers. Sauf que cela n’est point suffisant !

La Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (Bmice) et la Chambre tuniso-libyenne de commerce encouragent la création de zones franches mixtes et de plateformes logistiques à Ras Jedir et Ben Guerdane. Qu’a-t-on fait dans ce sens ?

Entre rente et diversification : un tournant régional

Pour les analystes tunisiens et étrangers, la Libye n’est pas seulement un voisin en crise, mais un partenaire stratégique en devenir. Si elle parvient à stabiliser ses institutions et à réformer son cadre d’investissement, elle pourrait devenir le moteur énergétique et logistique du Maghreb central. Pour la Tunisie, cela signifie un marché d’exportation naturel, proche et complémentaire, une source potentielle d’énergie à coûts maîtrisés et une plateforme de coopération industrielle et logistique vers l’Afrique et la Méditerranée. 

La stabilité libyenne est donc un intérêt économique majeur pour la Tunisie et la coopération bilatérale, un levier de croissance partagé. En sommes-nous conscients ? Quelle aurait été notre contribution en vue de pacifier la Libye ? Entre richesses inexploitées et besoin urgent de diversification, la Libye entre dans une nouvelle phase de reconstruction. Pour la Tunisie, le moment est venu de renforcer les passerelles économiques et de capitaliser sur sa proximité historique et géographique.

Car au-delà des risques, c’est bien un marché de l’avenir qui s’ouvre au sud du pays, un marché où l’expertise tunisienne peut jouer un rôle décisif dans la transition énergétique et la relance économique libyenne.

Auteur

La Presse

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