«Halakat» est un groupe de parole où les femmes touchées par la maladie peuvent se livrer, se soutenir et se reconstruire ensemble.
La Presse —Il a suffi d’évoquer une idée qui trottait dans sa tête depuis un bon bout de temps pour qu’elle prenne vie : créer un groupe de parole où des femmes ayant vécu le cancer peuvent s’exprimer librement sur leur expérience. Florence, trentenaire belge résidant à Tunis, est une “survivante” du cancer du sein. Au terme de son traitement réussi, elle pensait pouvoir reprendre le cours de sa vie comme si de rien n’était. Mais son corps, sa vie, son entourage… tout a changé. «C’est une maladie qui bouleverse tout», nous confie-t-elle.
Il fallait qu’elle en parle davantage, surtout avec des personnes capables de comprendre la souffrance, les inquiétudes et les montagnes russes émotionnelles qu’une femme traverse durant un traitement contre le cancer.
C’est ainsi qu’est née l’idée de créer un groupe de parole pour les femmes touchées par le cancer du sein. En la partageant avec son amie Ons, une autre trentenaire ayant, elle aussi, vaincu la maladie il y a deux ans, les deux femmes ont franchi le pas. L’idée s’est concrétisée.
Un appel à participation a été lancé sur les réseaux sociaux, et les réponses n’ont pas tardé à affluer. Au total, neuf femmes ont répondu présentes le 15 octobre dernier, lors du tout premier rendez-vous.
«Elles étaient de différents âges, mais aussi à différents stades du traitement. Certaines viennent tout juste de commencer la thérapie, d’autres sont complètement guéries. Certaines voulaient parler de la maladie, d’autres simplement écouter et s’informer sur les étapes suivantes, les changements à venir, car elles ont souvent l’impression de faire face à l’inconnu», explique Florence.
«On se comprend entre femmes qui ont vécu le cancer», ajoute Ons. Et c’est précisément ce maillon-là qui manque souvent pendant le traitement.
«J’ai été diagnostiquée il y a trois ans, à l’âge de 32 ans. Ce qui m’a le plus manqué durant cette période, c’était de pouvoir échanger avec des personnes ayant traversé la même épreuve. L’idée du groupe de parole m’a tout de suite semblé essentielle, car elle comble un vide dans le parcours des patientes», précise-t-elle encore.
Certes, une patiente peut être entourée par sa famille, ses amis, ses proches. Elle est également accompagnée par les professionnels de santé. Mais, au fond, personne ne peut réellement comprendre la douleur et les angoisses d’une personne qui se bat contre le cancer, hormis une autre patiente, renchérit-elle.
«Voir un psy, malgré l’importance de ce suivi, ne remplace pas le soutien que peut offrir une personne qui est ou a été malade. La différence, c’est qu’on se comprend vraiment», ajoute Ons.
Parler, même après la guérison, est essentiel. Car une fois bouleversées, les vies de ces femmes peinent souvent à retrouver leur trajectoire initiale. Et nombreuses sont celles qui s’impliquent activement dans la lutte contre le cancer. C’est le cas de Florence, qui sensibilise à travers ses expositions artistiques, mais aussi d’Ons, qui aspire à faire de ce groupe de parole un véritable espace de soutien aux femmes atteintes du cancer du sein.
«Je me suis inscrite à un certificat d’études complémentaires (CEC) en partenariat patient, à l’École de santé de Monastir. Ce diplôme, inspiré de celui de l’Université des patientes de Paris, permet de transformer l’expérience vécue par les patientes en expertise au service des professionnels de santé. J’ai voulu suivre cette formation pour accompagner d’autres femmes dans leur parcours. Aider les autres, c’est aussi une façon de donner un sens à ce que j’ai vécu», confie-t-elle.
S’épancher entre femmes, sans tabou ni regard critique ou compatissant, vider son sac, se délester du fardeau et des peurs, partager des astuces de bien-être pour se réapproprier son corps… tels sont les objectifs de ce groupe de parole, devenu depuis un rendez-vous mensuel. Il est ouvert à toutes les femmes qui suivent ou ont suivi un traitement contre le cancer.