Tunisie : les déclarations de soupçon explosent en 2024
Le secteur financier tunisien, composé des banques et de l’Office National des Postes, a adressé 1 230 déclarations de soupçon (DS) à la Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF) en 2024, représentant 84,23 % du total des DS.
Au total, la CTAF a reçu 1 236 DS en 2024, contre 850 en 2023, soit une augmentation de 45 %, selon le rapport annuel de la commission. Cette tendance haussière, observée depuis 2022, s’explique principalement par la digitalisation du processus de déclaration en 2021, avec le déploiement de la plateforme GoAML, développée par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour les besoins des Cellules de Renseignement Financier (CRF).
Le rapport souligne également la hausse du nombre de déclarations liées au trafic de migrants, motif de plusieurs DS reçues depuis 2023. Les établissements de paiement ont enregistré 119 déclarations en 2024, soit 9,6 % du total, contre seulement 4 en 2023, reflétant leur exposition croissante aux risques liés au trafic de migrants, notamment à travers la délivrance de fonds internationaux.
En revanche, l’activité déclarative des Entreprises et Professions Non Financières Désignées (EPNFD) reste très faible : seulement 3 déclarations provenant d’experts-comptables en 2024, contre une seule en 2023, malgré plusieurs campagnes de sensibilisation et de formation organisées par la CTAF et les autorités publiques. Cette faible participation surprend, étant donné que les EPNFD interviennent régulièrement dans des montages financiers, créations de sociétés et contrats, souvent liés aux dossiers analysés par la CTAF.
Sur le plan des types de déclarations, la majorité, soit 99 %, relève des SAR (déclaration d’activités suspectes) et STR (déclaration de transactions suspectes), liés au blanchiment d’argent. Seuls 1 % des DS concernent le financement du terrorisme (TAR et TFR), en lien avec la baisse constatée de l’activité terroriste sur le terrain.
Enfin, le rapport fait état d’une augmentation significative des personnes suspectes ou intervenants dans les DS, avec 14 506 personnes en 2024, contre 10 830 en 2023, soit une hausse de 33,9 %. La majorité concerne des personnes physiques (14 315, soit 98,7 %), illustrant la complexité croissante des enquêtes et la mobilisation accrue des ressources de la CTAF.