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Avoirs bancaires inactifs : Le réveil des comptes oubliés

  • 4 novembre 18:30
  • 5 min de lecture
Avoirs bancaires inactifs : Le réveil des comptes oubliés

Des milliards de dinars dorment depuis des années sur des comptes oubliés. Avec la loi de finances 2025, l’Etat tunisien entend réveiller ces fonds inactifs : avoirs bancaires, valeurs mobilières et contrats d’assurance non réclamés depuis quinze ans seront désormais transférés au Trésor public. Objectif : renforcer la trésorerie nationale tout en préservant les droits légitimes des titulaires et ayants droit, dans un cadre légal strict et transparent.

La Presse — Combien d’argent dort encore dans les banques tunisiennes ? Des comptes oubliés, des contrats d’assurance sans héritiers identifiés, des placements laissés en suspens…

Ces fonds silencieux, accumulés au fil des ans, pourraient désormais trouver une nouvelle utilité.

Avec la loi de finances 2025, l’État décide de les réveiller : les avoirs inactifs depuis plus de quinze ans seront transférés au Trésor public pour renforcer la trésorerie nationale, tout en garantissant la protection des ayants droit.

Lotfi Khaldi, consultant indépendant, vice-président de l’Organisation de défense du consommateur chargé des services bancaires et d’assurance, ancien directeur général de la fonction publique à la présidence du gouvernement, a révélé que « l’Etat entend garantir la transparence et la bonne gouvernance dans l’utilisation des avoirs bancaires inactifs depuis plus de quinze ans, afin d’éviter toute suspicion de détournement ou de mauvaise affectation ».

Trois catégories

Il a précisé que l’article 43 de la loi de finances pour l’année 2025, qui prévoit le transfert de ces avoirs au compte courant du Trésor ouvert auprès de la Banque centrale de Tunisie, ne concerne pas uniquement les comptes restés sans mouvement depuis quinze ans.

En effet, cet article énumère trois catégories de fonds soumises à ce transfert.

La première concerne les montants déposés dans les comptes courants, comptes de dépôts, comptes d’épargne, comptes à terme et autres produits assimilés, en dinars ou en devises, n’ayant fait l’objet d’aucune opération, réclamation ou litige durant quinze ans consécutifs.

La deuxième catégorie porte sur les valeurs mobilières négociées dans le système électronique et les droits qui y sont rattachés, y compris les actions et parts des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, restées inactives pendant la même période.

Enfin, la troisième catégorie englobe les avoirs exigibles issus des contrats d’assurance-vie et de capitalisation, pour lesquels aucun ayant droit ne s’est manifesté depuis quinze ans.

Dans un souci de transparence, Lotfi Khaldi a ajouté que «la loi impose une procédure d’information préalable afin de permettre aux titulaires ou ayants droit de se manifester et de contester le transfert.

Les organismes concernés devront publier la liste des titulaires des comptes et ayants droit au Journal officiel des annonces légales et judiciaires avant le 30 avril 2025, et informer les intéressés par tout moyen laissant une trace écrite, avant la déchéance de leur droit de réclamation fixée au 30 juin 2025 ».

Pourquoi la mobilisation de ces fonds ?

La question se pose désormais : la mobilisation de ces fonds dormants pourrait-elle contribuer à soulager la pression budgétaire actuelle, financer des projets de développement ou renforcer les réserves en devises de la Banque centrale ?

Khaldi a rappelé que « cette démarche s’inscrit dans la continuité des mesures adoptées par la loi de finances 2024, dont l’article 65 avait déjà prévu la déclaration et le transfert au Trésor public des avoirs gelés appartenant à des personnes physiques ou morales tunisiennes ».

Ces montants, jusque-là immobilisés, ont ainsi permis de donner une bouffée d’oxygène à la trésorerie de l’Etat, en servant de source complémentaire de liquidité. 

Il a souligné toutefois que « la détention de ces montants par l’État reste provisoire. Dès la levée de la mesure de gel, les banques sont tenues de restituer les fonds à leurs titulaires, après notification officielle au Trésorier général de Tunisie ».

S’agissant des avoirs non mouvementés depuis quinze ans et transférés à la Banque centrale, le consultant a indiqué que « leur restitution demeure possible.

Les titulaires peuvent adresser une demande écrite et motivée à une commission consultative permanente créée au sein du ministère des Finances pour examiner ces requêtes ». 

Les mécanismes juridiques et institutionnels prévus par la loi visent à protéger les droits des héritiers et des propriétaires légitimes, tout en permettant à l’Etat de valoriser ces avoirs inactifs. 

Pour protéger les mineurs et les personnes incapables, il a insisté sur le fait que « le législateur a expressément exclu leurs comptes du champ d’application de la mesure, afin de préserver leurs patrimoines.

De plus, les banques ont l’obligation d’informer les titulaires des comptes concernés, par tout moyen laissant une trace écrite, de la déchéance de leur droit de réclamation avant le 30 avril 2025 ».

Cette communication offre une dernière possibilité aux détenteurs de récupérer leurs avoirs avant la fin du mois de juin. 

Enfin, il conclut en rappelant que « la loi accorde un délai de quinze ans à compter de la date du transfert pour toute demande de restitution adressée à l’administration financière.

Ce dispositif concilie les impératifs de transparence, de justice et d’efficacité budgétaire, tout en réaffirmant la volonté de l’État de renforcer la confiance entre les citoyens, les institutions financières et la puissance publique ».

Auteur

Sabrine AHMED

Express 22 10
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