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Cuir et chaussures : Les professionnels « dépassés » par la concurrence déloyale

  • 5 novembre 19:00
  • 5 min de lecture
Cuir et chaussures : Les professionnels « dépassés » par la concurrence déloyale

Entre importations illégales, marché de la fripe et contrôles jugés abusifs, le secteur cuir et chaussures tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Les artisans et fabricants tunisiens dénoncent un environnement économique qui les étrangle et une application insuffisante des lois censées protéger la production locale.

La Presse —Un marché envahi par les produits de la contrebande et de la seconde main (fripe), pourtant interdits par la loi, est devenu le cauchemar des professionnels du secteur cuir et chaussures en Tunisie. Un cri de désespoir a encore été lancé par les professionnels réunis récemment par la Fédération nationale du cuir et chaussures au siège de l’Utica.

Une énième réunion pour les mêmes objectifs : faire entendre la voix des professionnels tunisiens qui se retrouvent démunis face à une concurrence déloyale à plus d’un titre, ont-ils dénoncé. Faire entendre leurs doléances, leurs attentes et trouver des solutions concrètes, un objectif qui semble loin d’être atteint au vu de la colère et du désespoir palpables dans les interventions des participants.

«Non conformes aux normes»

Intervenant à l’ouverture de la rencontre, Akram Belhaj, président de la Fédération nationale du cuir et chaussures, a tenu à rappeler l’importance d’un secteur clé qui était hautement concurrentiel il y a quelques années et qui se retrouve aujourd’hui anéanti par un nombre de facteurs, dont principalement la non-application des lois mises en place pour protéger le marché local des importations illégales «non conformes aux normes», poussant nombre de fabricants locaux à fermer boutique.

Akram Belhaj a également pointé du doigt le marché de la fripe, qui échappe à tous les contrôles et qui continue à sévir malgré l’interdiction par la loi de la vente des chaussures issues de la fripe.

Khemaïs Mitatou, président de la Chambre nationale des fabricants de chaussures, a pour sa part dénoncé « l’abondance de mesures juridiques qui semblent cibler particulièrement le fabricant tunisien » et des contrôles « parfois abusifs » qui handicapent les professionnels.

Appelant à encadrer les contrôles visant le produit local, Mitatou a par ailleurs interpellé le ministère du Commerce sur les ventes en ligne, qui échappent à tout contrôle, aussi bien au niveau de la qualité qu’à celui de leur entrée sur le marché.

Se tenir aux côtés des petits producteurs

La taxation appliquée sur les matières premières de l’industrie des chaussures est un autre problème qui pèse sur le fabricant tunisien, a-t-il souligné, déplorant des charges insoutenables pour les petites entreprises et les artisans, au moment où le produit fini importé n’est soumis à aucune taxation à part les frais de douane.

« On était pourtant l’un des meilleurs producteurs de chaussures du bassin méditerranéen, on a hérité ce savoir-faire de père en fils et on compte des artisans de haut niveau. On a l’impression qu’aujourd’hui ces mesures sont faites contre les petits producteurs, qui représentent 80 % du secteur », regrette Mitatou, appelant les autorités à se tenir aux côtés des petits producteurs et à mettre en place des mesures spécifiques pour alléger leurs charges, leur permettre de survivre et de se développer.

« Le marché de la chaussure agonise », a déploré un autre intervenant, présent dans le secteur depuis les années 70. « Aujourd’hui, les fabricants se noient face aux charges et à la non-application des lois mises en place pour les protéger et protéger leurs produits », a-t-il ajouté.

S’exprimant après avoir entendu les doléances des professionnels du secteur, la représentante du ministère du Commerce, Saloua Fatnassi, a déclaré qu’en dépit des efforts fournis au niveau de son département, « on ne peut que reconnaître, face à tout ce qui a été dit, que ce qui a été fait est insuffisant ».

Saloua Fatnassi a en outre tenu à rappeler que les importations faites de manière réglementaire subissent tous les contrôles techniques alors qu’elles sont encore dans l’espace douanier, option qui permet de limiter la fuite sur le marché de produits non conformes. Outre le contrôle technique, il y a le contrôle sur documents, a ajouté l’intervenante, précisant que cette mesure est en train d’être révisée, car il s’est avéré qu’il était difficile de vérifier l’authenticité des documents fournis, notamment l’origine du produit et s’il provient effectivement d’un fabricant.

Toujours les mêmes problèmes soulevés

Le directeur général des Douanes, Mohamed Hedi Safer, a, pour sa part, souligné que les services douaniers restent engagés à bloquer la route à toute activité illégale qui représente un danger aussi bien pour l’économie que pour le citoyen tunisien.

Il a indiqué que cette réunion n’est pas la première du genre à laquelle il assiste avec les professionnels du secteur cuir et chaussures et que les mêmes problèmes soulevés à chacune de ces réunions persistent encore aujourd’hui. Toutefois, a-t-il relevé, la persistance de ces problèmes ne veut guère dire que les services douaniers ne fournissent pas d’efforts, rappelant que la direction des Douanes œuvre à chaque fois à concrétiser les accords et les recommandations émanant de ces réunions.

« Ceci ne signifie pas que nous avons mis un terme à la contrebande, et il est clair, dans vos interventions, qu’il y a un bombardement de marchandises venant de l’extérieur qui nécessite plus d’efforts de notre part pour arrêter ces flux », a-t-il déclaré, soulignant que son département œuvre à développer les méthodes et moyens de contrôle afin de les rendre plus efficaces.

Auteur

Nadia CHAHED