L’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) a tiré la sonnette d’alarme sur les effets persistants de l’économie de rente en Tunisie, estimant qu’elle constitue un frein structurel au développement et un obstacle majeur à la compétitivité nationale.
Dans une note publiée récemment sur la politique de lutte contre l’économie de rente, l’ITES souligne que plus de 50 % des secteurs économiques tunisiens restent soumis à des restrictions d’accès, empêchant l’entrée de nouveaux acteurs et coûtant chaque année 5 % de productivité et 50 000 emplois non créés.
Selon l’Institut, cette économie de rente se manifeste par « la captation des richesses nationales par des groupes privilégiés » bénéficiant de monopoles, licences d’importation, subventions ciblées, crédits à taux préférentiels ou barrières administratives complexes. Ces pratiques « freinent l’investissement productif, bloquent la concurrence, alimentent les inégalités sociales et étouffent l’innovation ».
L’ITES avertit que si cette situation perdure, la Tunisie s’expose à un creusement des inégalités, à une perte de dynamisme entrepreneurial et à une désaffection croissante des investisseurs privés, entraînant le maintien d’une croissance faible. « La rente détourne la richesse nationale vers des groupes minoritaires, au détriment de la majorité », indique le rapport.
Des réformes structurelles pour libérer l’économie
Pour y remédier, l’Institut recommande une série de réformes économiques et institutionnelles visant à renforcer la concurrence, améliorer la gouvernance, protéger la classe moyenne et stimuler l’innovation.
Parmi les principales mesures proposées :
Promouvoir une concurrence réelle en renforçant l’indépendance du Conseil de la concurrence, en révisant les régulations sectorielles et en supprimant les exemptions aux lois anti-cartels.
Garantir la transparence et la contestabilité des marchés, en simplifiant les procédures d’attribution de concessions et de licences, en luttant contre le clientélisme, et en facilitant l’accès au financement pour les PME et start-up.
Réformer la fiscalité pour restaurer l’équité, en supprimant les niches injustifiées, en renforçant la progressivité de l’impôt et en numérisant le système fiscal pour réduire l’évasion.
Réorienter la politique d’investissement vers les secteurs à forte valeur ajoutée et les PME locales, à travers un guichet unique dématérialisé et une simplification du cadre réglementaire.
Améliorer la gouvernance économique, grâce à un portail d’open data, la publication des bénéficiaires de marchés publics et la création d’instances multipartites de suivi.
Une volonté politique indispensable
L’Institut appelle enfin à une coordination entre l’État, le secteur privé, la société civile et les partenaires internationaux, soulignant que la lutte contre la rente est « un chantier majeur et complexe ». Son succès, conclut l’ITES, dépendra d’« une volonté politique constante et partagée, au-delà des réformes techniques ».
Placé sous la tutelle de la Présidence de la République, l’ITES est un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière.