Pièce de théâtre « Faux » d’Abdelkader Ben Saïd : Radioscopie d’un modèle familial qui pousse à la folie
De nombreux dramaturges se sont penchés sur les multiples facettes de la relation complexe entre parents et enfants. Avec sa pièce « Faux », co-écrite et produite par Ramzi Laaroussi, le dramaturge et scénographe Abdelkader Ben Saïd s’inscrit résolument dans cette démarche, en abordant les conséquences tragiques d’une dynamique familiale rigide et défaillante.
Au cœur du drame, une mère fusionnelle qui n’a pu couper le cordon ombilical, au point d’éclipser — comme tant d’autres — son statut de femme, et un père effacé et absent qui peine à trouver sa place dans ce triangle fermé Le personnage principal, Skander, grandit hanté par l’image d’une mère toute-puissante et d’un père trop absent pour être un confident ou un repère.
À travers le parcours du personnage Skander, devenu adulte, Ben Saïd met en lumière les failles d’une éducation rigide et son impact dévastateur sur l’équilibre psychologique.
Les émotions, les frustrations et les ressentis, trop longtemps refoulés, poussent le jeune homme au bord de la folie. L’absence de véritable dialogue, la confusion des sentiments et le manque criant de compréhension entre les membres de la famille ont, des années durant, nourri le chaos intérieur de ce dernier qui est devenu psychologiquement instable.
C’est dans un hôpital que Skander, au bord du gouffre, choisit de confier son mal-être à une psychiatre. Alors qu’il voit en elle le dernier point d’ancrage pour ne pas sombrer, le médecin débordée le considère comme un énième cas atteint de troubles psychiatriques qu’il faut traiter.
Le diagnostic froid, voir glacial et dénué de sentiment qu’elle livre sur le jeune homme instaure d’emblée un dialogue de sourds qui ne fait qu’exacerber le désarroi et le sentiment de solitude de Skander.
Cette nouvelle incompréhension le renvoie brutalement à son passé, ravivant de douloureux souvenirs liés au rôle défaillant de ses parents et autres personnages qui ont croisé son chemin.
Entre réalité, hallucinations, illusions et désillusions, Abdelkader Ben Saïd brosse le tableau sombre d’une société, engluée dans ses non-dits et ses préjugés, et qui porte un regard implacable sur les individus victimes d’une éducation défaillante.
Ceux-ci, incapables de se conformer au moule social, finissent par se révolter. La justesse de ce thème et jeu magistral des acteurs ont valu à la pièce un succès notable à l’étranger.
Présentée récemment au Théâtre National Tunisien (Palais Khaznadar, place el Halfaouine), il ya lieu de rappeler qu’elle a remporté trois prix prestigieux lors du Festival d’été du théâtre arabe de Zarqa, en Jordanie (du 9 au 18 septembre 2025), dont celui de la meilleure scénographie et de la meilleure actrice dans un second rôle.