Billet – Bureaucratie étouffante : L’appel urgent du Président pour sauver les agriculteurs
La Presse — La scène politique tunisienne a rarement accordé autant d’attention au monde agricole qu’au cours de ces derniers mois. La réunion tenue jeudi au palais de Carthage entre le Président de la République, Kaïs Saïed, le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri, et la ministre des Finances, Mechket Slama Khaldi, s’inscrit clairement dans cette dynamique.
Au-delà de la dénonciation de la bureaucratie et des lenteurs administratives, c’est une vision globale du rôle de l’État, de la confiance publique et de la protection des petits producteurs qui est réaffirmée. Une vision qui mérite d’être examinée et, sur plusieurs aspects, soutenue.
Car derrière les mots, parfois durs, prononcés par le chef de l’État, se cache une réalité que les agriculteurs, les transporteurs et les acteurs de la chaîne agroalimentaire vivent au quotidien: l’accumulation de procédures obsolètes, de circulaires contradictoires et de taxes mal calibrées qui étouffent la production nationale.
L’exemple évoqué des documents administratifs vieux de dix ans ou des frais exigés sans fondement illustre un problème ancien, enraciné, qui dépasse les gouvernements successifs. La machine administrative tunisienne continue trop souvent à fonctionner avec des mécanismes forgés au siècle dernier, sans tenir compte de l’urgence économique ni de la fragilité des petites exploitations.
Dans ce contexte, l’appel du Président Saïed à « prendre des mesures immédiates » n’a rien d’anecdotique. Il répond à une nécessité : rétablir un rapport de confiance entre l’administration et les citoyens. Sans simplification des procédures, sans transparence, sans lutte contre l’arbitraire administratif, aucune politique agricole ne pourra porter ses fruits.
La protection contre la spéculation et les monopoles, également évoquée, ne peut réussir que si les producteurs eux-mêmes sont sécurisés dans leurs démarches, leurs droits et leurs revenus.
Le message adressé aux responsables, qu’ils soient centraux ou régionaux, est tout aussi important. Il rappelle que l’État ne peut pas être réduit à une structure abstraite : il vit à travers ceux qui le servent. En pointant les «bavures» et en invitant les défaillances à être corrigées, le Président met l’accent sur une exigence de responsabilité. Il ne s’agit pas de sanctionner pour l’apparence, mais de restaurer un service public qui inspire confiance.
Quant à la dénonciation des «contre-vérités» et des discours qui cherchent à détourner l’attention ou à fragiliser l’action publique, elle intervient dans un climat marqué par une forte tension économique et par une montée des discours de suspicion.
Là encore, ce rappel à la cohérence et à la loyauté institutionnelle est essentiel : un pays affaibli par les crises ne peut se permettre une administration fragmentée ou parasitée par des logiques d’intérêts.
Ce qui ressort de cette réunion à Carthage n’est donc pas une simple critique de la bureaucratie, mais une affirmation plus profonde : celle d’un État qui veut se recentrer sur sa mission première, protéger les plus vulnérables et rendre l’action publique lisible, juste et efficace.
À l’heure où l’agriculture est l’un des derniers remparts contre la précarité et la dépendance extérieure, cet engagement mérite d’être entendu et, surtout, appliqué.