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Société

Allaitement maternel : Sain, gratuit et durable

  • 9 novembre 17:40
  • 7 min de lecture
Allaitement maternel : Sain, gratuit et durable

L’association Hanen a organisé les 7 et 8 novembre 2025 à la Cité des sciences de Tunis les 6es Journées nationales de l’allaitement ayant pour slogan «L’allaitement maternel: un choix prioritaire». L’évènement s’inscrit dans le cadre de la célébration de la semaine mondiale de l’allaitement maternel. Placées cette année sous le signe de la durabilité et du respect de l’environnement, les 6es Journées nationales de l’allaitement vont de pair avec une perception intégrale de l’allaitement maternel (AM), lequel, outre son impact inégalé sur la santé infantile, a bien d’autres bienfaits sur la santé maternelle, l’environnement et le budget des ménages. 

La Presse — Militant pour l’ancrage de l’allaitement maternel (AM) et de l’allaitement maternel exclusif (AME) auprès des mamans et des familles, Dr Zahra Marrakchi, président-fondatrice de l’association, perpétue l’évènement, y conviant à chaque fois tous les professionnels de la périnatalité dans le but de former un réseau de promotion de l’AM.

«Nous comptons parmi nous des consultants en allaitement maternel dits Ibclc. Ce sont des experts détenant une grande certification internationale en AM. En Tunisie, ils sont comptés sur les doigts d’une seule main. La majorité d’entre eux exercent à l’étranger», indique Dr Marrakchi à La Presse. 

L’AM, un droit

En tant que spécialiste en néonatologie, elle a la ferme conviction que e rien n’équivaut à l’AM, lequel devrait, à son sens,  être un droit pour tout nouveau-né. «L’AM impacte positivement la santé maternelle, infantile, celle de l’adulte de demain mais aussi l’environnement, puisqu’il n’est en aucun cas polluant.

Il concrétise aussi l’égalité des chances entre les humains, indépendamment de leur niveau social», souligne-t-elle. De nos jours, et bien qu’il doive être évident, l’AM se fait rare. Il est négligé suite à plusieurs facteurs d’ordre individuel et général. «La plupart des jeunes mamans ne sont pas sensibilisées sur l’AM.

Sans expérience, non informées, elles vivent dans une société où le biberon fait la règle en matière d’alimentation postnatale. Cela dit, d’autres facteurs entravent l’AM, notamment les lobbies internationaux qui font primer le gain matériel sur l’intérêt de l’enfant. D’ailleurs, poursuit Dr Marrakchi, il est temps d’instaurer une législation à même de protéger l’allaitement maternel».

Qu’est-ce qu’un consultant en lactation (Lbclc) ?

Mais revenant aux consultants Ibclc dont le rôle consiste à sensibiliser et à accompagner les jeunes mamans et les jeunes parents durant la phase postnatale. Mme Anne Nabli, membre de l’association et consultante en lactation Ibclc, exerce certes sa profession en libre pratique, mais elle intervient également dans les établissements de santé maternelle et infantile pour soutenir les jeunes mamans et former le personnel.

«Je réponds favorablement aux sollicitations  afin d’accompagner les jeunes mamans désorientées, de trouver des solutions aux difficultés qui s’offrent à elles et de les aider à trouver une parfaite entente avec leurs bébés. Ma mission, poursuit-elle, consiste, en outre, à soutenir les jeunes parents à gérer leur quotidien selon les besoins du bébé en allaitement, notamment au moment de la reprise du travail maternel et jusqu’à la phase du sevrage». 

Allaitement et éveil à la vie

Venue de France pour participer à l’évènement, Mme Céline Guerrand, infirmière en pratique avancée et consultante en lactation Ibclc, a éclairé l’assistance sur les variations dans la lactation. Usant d’un discours simplifié, elle a expliqué l’importance, pour la maman, de comprendre le besoin de son bébé en éveil, en développement sensoriel et psychoaffectif.

En effet, un bébé qui se réveille et se met à pleurer n’a pas, forcément, besoin de téter. «Un nouveau-né peut être en phase d’éveil toutes les vingt minutes. Et à chaque fois, il a besoin de son entourage pour développer son éveil à la vie. Il peut parfois arrêter de pleurer rien qu’en le berçant, en lui laissant l’occasion de découvrir son pouce, de toucher sa bouche…C’est pour cette raison que la maman a le choix du moment de la tétée. S’il continue à pleurer en dépit des autres alternatives, c’est que le bébé a faim», explique-t-elle. 

Sensibiliser les mamans, les gynécologues et les chirurgiens plastiques

La place stratégique du gynécologue-obstétricien dans la réussite de l’AM a fait l’objet d’une table ronde. Le Dr Monia Ferchiou, professeure à la faculté de Médecine, a évoqué la question de la préparation de la maman à l’allaitement dès la phase prénatale. Interpelant l’assistance sur le rôle du gynécologue-obstétricien sur l’AM, elle se heurte à un «zéro effort» quasi unanime ! Pourtant, le spécialiste, et dès la grossesse, doit recourir à l’examen clinique du sein pour dépister d’éventuelles pathologies pouvant entraver l’allaitement, dont le cancer du sein ou encore l’ablation du sein. La chirurgie esthétique peut aussi jouer au détriment de l’allaitement maternel, surtout en présence de prothèses mammaires.

L’intérêt, sur le plan clinique, pour le sein doit s’accompagner systématiquement d’une focalisation sur l’allaitement maternel. Il y va du devoir du gynécologue de contribuer à la sensibilisation en informant les futures mamans sur les bienfaits de l’AM sur le plan sanitaire, budgétaire et durable. «Il faut se rappeler que l’allaitement artificiel est un allaitement de substitution, auquel l’on recourt dans les cas où l’AM fait défaut. La sensibilisation des jeunes mamans doit se faire parallèlement à celle des gynécologues mais aussi des chirurgiens esthétiques», conclut la Pr Ferchiou.

Le peau-à-peau et la première tétée, dès la première heure de naissance !

De son côté le Dr Leila Attia, gynécologue-obstétricienne et professeur à la faculté de médecine, a mis en exergue l’importance du soutien des professionnels de la santé pour garantir le droit au premier peau-à-peau de la maman et du bébé, mais aussi le droit à la première tétée dès la première heure de la naissance.

Elle a longuement expliqué l’impact salutaire du peau-à-peau et de la tétée dès les deux premières heures de la naissance sur le développement cognitif du bébé, sur la prévention des infections et sur la lutte contre la mortalité infantile. Ce contact physique et affectif entre le bébé et sa maman sauve la vie à 22% des nouveaux-nés chaque année.

«Les recommandations de l’OMS et de l’Unicef sont claires : elles exigent le peau-à-peau postnatal dès la première heure pour les accouchements à voie basse et dès la deuxième heure, pour les accouchements par césarienne. Cela garantit la continuité sensorielle du bébé, sa régulation thermique, lui évite l’hypoglycémie et favorise la sécrétion de l’ocytocine ou l’hormone de l’amour.

Pour la maman, cela réduit sensiblement les pertes sanguines», indique-t-elle. Elle montre du doigt le recours, de plus en plus, des gynécologues et des professionnels de la santé à la séparation de la mère et du bébé dès les premières minutes de la naissance. Et au lieu d’être en contact avec sa maman, le bébé est mis en couveuse.

Il reçoit, ipso facto, les soins d’hygiène dans une précipitation infondée…  «La régulation thermique du nouveau-né doit se faire via le peau-à-peau avec sa maman et non dans une couveuse. De même pour les soins relatifs au cordon ombilical. Sinon, le bain et les autres soins peuvent être relégués pour deux heures», souligne-t-elle. 

Auteur

Dorra BEN SALEM