5e saison de la série britannique « Slow Horses » – un Tunisien dans la cour des grands : De Sidi Achour (Nabeul) au London City Hall, l’incroyable destin de Montassar Tabben !
On l’a connu comme champion de karaté — champion d’Afrique à Cotonou (Bénin) en 2008, médaille d’or aux Jeux méditerranéens d’Almeria (Espagne) en 2005, deux fois champion arabe (2006 et 2007) et une médaille de bronze aux championnats du monde 2006 à Tampere (Finlande) —, puis en tant que chercheur scientifique et lauréat du prestigieux Prix Gustave Flaubert 2016 pour la meilleure thèse de doctorat, à Rouen, en France, ensuite comme chercheur scientifique travaillant dans le domaine de la « prévention des blessures et des maladies » au département Asprev d’Aspetar, à Doha (Qatar) et codirigeant les programmes de surveillance des blessures et des maladies dans le football d’Aspetar et de l’AFC (Confédération asiatique de football) ainsi qu’ expert-consultant auprès de la Fifa (Fédération internationale de football association) et le CIO (Comité international olympique). Mais pour le grand public, le visage de Montassar Tabben, alias « Monty Ben » (son nom artistique au Royaume-Uni, Ndlr), est surtout associé au personnage de chérif— un gardien sadique et violent dans une maison de redressement — dans le feuilleton ramadanesque « El Maestro » (2019) de Lassaâd Oueslati. Après plusieurs rôles dans le cinéma, le théâtre et le petit écran, l’enfant prodige de Sidi Achour (un quartier populaire dans la ville de Nabeul) a décroché le rôle de sa vie — celui du vilain « Farouk » (chef d’un groupuscule de terroristes libyens) — dans la cinquième saison de la célèbre série britannique «Slow Horses» de Will Smith, diffusée sur la plateforme «Apple TV+», avec des stars hollywoodiennes et britanniques de premier rang à l’instar de Sir Gary Oldman (Le Cinquième Élément, Harry Potter, The Dark Knight, les Heures sombres, Léon, True Romance, etc.), Kristin Scott Thomas (Le Patient anglais, L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, Quatre mariages et un enterrement, etc.), Sir Jonathan Pryce (Game of Thrones, Demain ne meurt jamais, Pirates des Caraïbes, Brazil, Les deux papes, Le problème à trois corps, etc.). Gros plan sur ce caméléon professionnel entre tatami, laboratoires de recherches, planches de théâtre, cinéma et petit écran.
Entretien
Un Tunisien dans une grande production internationale et tenant le rôle d’un vilain dans la cinquième saison de la célèbre série britannique d’espionnage « Slow Horses » multi-récompensée. Comment avez-vous pris part à cette saga alliant comédie noire et suspense, dont la chanson du générique, «Strange Game», est composée par Daniel Pemberton et interprétée par l’inoxydable leader du groupe de rock britannique «The Rolling Stones», l’auteur-compositeur-interprète-musicien, Mick Jagger?
Mon agent m’a envoyé une audition comme tant d’autres. On ne savait même pas que c’était pour la série «Slow Horses». Pour des raisons de confidentialité, le projet portait le titre de travail «Embarkment». On sentait toutefois que c’était important du moment que la directrice du casting n’était autre que la célèbre Nina Gold, connue dans l’univers du showbiz pour avoir piloté plusieurs castings de blockbusters et de séries d’anthologie. Ex: Game of Thrones, The Crown, 1917, Chernobyl, The Imitation Game, etc. Le processus de sélection s’est déroulé en quatre étapes (self-tapes, rappels, puis rendez-vous en salle). C’est au dernier «Callback», en rencontrant l’équipe, que j’ai compris qu’il s’agissait bien de «Slow Horses».

Vous étiez nombreux dans le casting pour le rôle de «Farouk», chef d’un groupuscule de «terroristes» libyens, que cous venez d’incarner dans la cinquième saison de «Slow Horses»?
Sur un projet de ce niveau, la concurrence est forte. Il y avait beaucoup de profils solides, y compris des noms d’acteurs connus.
Vous résidez toujours à Doha ou bien vous vous êtes installé à Londres?
Je réside actuellement entre Doha et Paris. Pour le tournage, je faisais des allers-retours. J’ai tourné principalement entre février et juin 2024, avec quelques scènes supplémentaires au début de 2025.
Le rôle de «vilain» (le méchant) te colle à la peau depuis le feuilleton ramadanesque «El Maestro» et le rôle de Chérif, un gardien de maison de rederessement sadique? Craignez-vous de rester piégé dans ce rôle de «vilain»? Ou bien vous espérez une évolution de carrière à la Javier Bardem (Anton Chigurh dans «No Country for Old Men» de Joel et Ethan Cohen, sorti en 2007) ?
J’adore les vilains. Je trouve que ce sont des rôles très intéressants que j’aime jouer. Le plus important, c’est que je ne me répète pas, car chaque rôle est différent et chaque personne a sa propre histoire. Mais je te laisserai découvrir très bientôt des rôles non-vilains, au grand et au petit écran.
Outre la maîtrise du dialecte libyen, quels sont les traits de caractère que vous avez travaillés davantage pour décrocher ce rôle et le réussir ?
Au-delà du dialecte travaillé en continu avec un coach, l’enjeu était de faire monter la menace sans surjouer et tomber dans le «top much». Le personnage de «Farouk» parle peu : le silence domine. Il fallait donc nourrir un monologue intérieur et construire un passé solide : c’était la clé pour que tout tienne. Comprendre sa douleur et sa stratégie, sans le juger. Pour moi, la réussite d’un « vilain » tient à l’humanité qu’on parvient à révéler. Ce n’était pas simple, car l’espace était réduit — c’est le style des antagonistes dans Slow Horses. Mais Will Smith, le scénariste, a été très ouvert à mes suggestions et les a intégrées à un personnage déjà très bien écrit. J’ai simplement ajouté mon point de vue.
Est-ce que le rôle d’un «terroriste» est un passage obligé pour un Arabe ou un Maghrébin (ton cas et celui de la Franco-marocaine Hiba Bennani dans le rôle de « Tara ») pour figurer dans une grande production ou un blockbuster anglosaxon (américain ou britannique) et faire carrière en Occident?
C’est une question très intéressante. En général, quand je reçois une proposition, je ne juge pas les personnages : mon critère, ce n’est pas l’étiquette, c’est plutôt l’écriture. J’aime les rôles qui me challengent, qui sont complexes. Et j’ai trouvé ça chez «Farouk». Je vous invite à regarder cette saison 5 de «Slow Horses» jusqu’au bout, notamment le 6e et dernier épisode intitulé «Scars» (cicatrices). Avec le scénariste et créateur de la série, Will Smith, on a travaillé en ouverture dans le but de proposer et d’affiner le scénario. L’objectif n’était pas d’asséner des réponses, mais de laisser le public se poser des questions, réfléchir et chercher l’humain dans le personnage complexe de « Farouk».
Quels sont les échos, les réactions et les critiques (« reviews ») dans la presse britannique et surtout dans le milieu du showbiz suite à votre interprétation du rôle de « Farouk » ?
Le soir de l’avant-première à Londres, les échos ont été très positifs, notamment de la part de professionnels. Voir leur réaction en salle m’a vraiment touché.
Entre l’univers imaginé par l’écrivain britannique, Mick Herron, dans son livre «Slow Horses» (La maison des tocards) de la série des romans « Slough House » et l’adaptation en série par William James Smith, alias «Will Smith» (comédien, scénariste, romancier, acteur et producteur anglais, Ndlr), vous vous trouvez dans quelle version ? Et pourquoi ?
Très bonne question. Le roman propose une menace d’une autre origine (coréenne), alors que l’adaptation de Will Smith a recontextualisé l’intrigue côté libyen. Moi, je me situe du côté de la série TV : j’incarne le personnage de «Farouk» tel qu’il a été pensé pour l’écran. L’Adn de Mick Herron dans la série de romans «Slough House» et surtout dans son bestseller «Slow Horses» a été préservée dans l’adaptation sur le petit écran.
Certes, le réalisme, l’ironie, l’humour noir «so british» (typiquement britannique, Ndlr), le flegme du personnage iconoclaste de Jackson Lamb — magistralement interprété par Sir Gary Oldman —, le suspense et les failles humaines sont au rendez-vous et demeurèrent fidèles au roman, mais de mon côté, avec M. Will Smith (créateur et scénariste anglais de la série), et le grand réalisateur écossais Saul Metzstein, on a travaillé un antagoniste avec une histoire intérieure, au-delà du faciès et des origines du personnage de fiction «Farouk».
Comment évaluez-vous cette nouvelle expérience pour ne pas dire cette grande opportunité de partager l’affiche dans une grande production britannique avec des stars internationales tels que Sir Gary Oldman, Kristin Scott Thomas, Jonathan Pryce, Jack Lowden, Sophie Okonedo, Saskia Reeves, Rosalind Eleazar, Christopher Chung et Aimee-Ffion Edwards ?
Comme vous le dites, c’est une très grande opportunité. travailler aux côtés de Gary Oldman, Kristin Scott Thomas, Jonathan Pryce, Jack Lowden, Sophie Okonedo, Saskia Reeves, Rosalind Eleazar, Christopher Chung et Aimée-Ffion Edwards a été un honneur et une vraie école d’exigence. Rien que d’être avec eux sur le plateau, ça n’a pas de prix : on apprend énormément.
J’ai observé avec beaucoup d’admiration leur attitude et leur savoir-faire sur les plateaux de tournage. Sur le plan humain, c’est impressionnant au début, puis j’ai découvert des artistes généreux et, surtout, des êtres humains exceptionnels. Ils te mettent vraiment à l’aise. Je prends cela avec gratitude et calme. Avec mon équipe, nous allons en tirer le meilleur : consolider mon profil au Royaume-Uni et à l’international, et choisir des rôles qui me font grandir.
Du tatami au monde du showbiz passant par l’univers académique, en tant que chercheur, lequel de ces trois aventures coïncide parfaitement à votre personnalité ?
Les trois. Ce que je suis, c’est mon vécu. Le sport m’a donné la discipline et la persévérance, la recherche m’a appris la rigueur et l’observation, et le plateau me permet de transformer tout ça en jeu. Mais surtout de continuer à travailler sur moi.. Comme acteur, je puise dans mon expérience, mon parcours, et même dans les gens croisés ou simplement observés. Tout se nourrit.
En tant que compétiteur et homme de challenges, qu’est-ce qui est le plus difficile : gagner une médaille de bronze aux championnats du monde 2006 de Karaté à Tampere (Finlande) ou décrocher le titre de champion d’Afrique en 2008 ou glaner une médaille d’or aux Jeux Méditerranéens en 2005 ou remporter le prix Gustave Flaubert de la meilleure thèse de doctorat ou conseiller la FIFA et le CIO en tant qu’expert dans la prévention des blessures ou jouer aux côtés de stars du cinéma international ?
Très belle question. Chacune de ces expériences a ses propres exigences. Je ne les compare pas en “plus difficile” ou “moins difficile”. Ce qui ne change pas, c’est la méthode : discipline, persévérance, préparation, et l’humilité d’apprendre en continu. On ne maîtrise pas l’environnement — seulement l’effort que l’on met et la manière dont on progresse. C’est ce que j’essaie d’appliquer partout.
En tant qu’Arabe, rêvez-vous d’une carrière à l’image de celle de l’acteur égyptien Omar Sharif ? Ou en tant qu’ex-champion d’arts martiaux, vous serez plutôt sur les traces d’un Jean-Claude Van Damme, mais avec un profil plus «smart» et plus cérébral ?
Omar Sharif est inspirant, une légende du cinéma mondial. Et Jean-Claude Van Damme aussi à sa manière. Mais mon ambition, c’est la carrière de Montassar Tabben : tracer mon chemin, porter mon identité tunisienne et choisir des rôles qui me ressemblent.
Quels sont vos objectifs et vos ambitions dans le milieu ? Hollywood ? Le cinéma d’auteurs ? Le cinéma indépendant ? Les mini-séries produites par des plateformes ?
Je suis plutôt séduit par l’histoire, et surtout par le personnage. Le reste n’est qu’un détail.
Quels sont vos projets et vos prochains défis dans le monde du showbiz?
Je viens de tourner dans «Harir», un court métrage britanno-tunisien, réalisé par Nejib Kthiri et tourné à Londres, dont la sortie est prévue en octobre 2025 dans les festivals. Et en 2026, je serai dans «Grotto» : un long métrage canado-tunisien, réalisé par Kays Mejri, dont le tournage est prévu en mars, l’année prochaine. Je fais également partie des acteurs d’un autre projet cinématographique porté par le cinéaste Nejib Kthiri, intitulé «Tkallam» : un long métrage britanno-tunisien, dont la sortie est prévue en 2026.
La série «Slow Horses» est une immense opportunité et une grande vitrine pour taper à l’œil des réalisateurs et séduire des producteurs? Avez-vous déjà été contacté directement ou indirectement (via l’agence qui gère votre carrière) pour faire partie de nouveaux projets (productions britanniques ou hollywoodiennes) voire des plates-formes ?
Je laisse la surprise pour très bientôt.
Le mot de la fin ?
Merci pour cet entretien et pour cette opportunité de figurer sur les colonnes du doyen des médias tunisiens. Ça m’a fait plaisir d’être interviewé par La Presse de Tunisie. J’invite tout le monde à découvrir le personnage de fiction «Farouk» dans la cinquième saison de «Slow Horses» sur Apple TV+. Et on se retrouve très vite sur de nouveaux projets.




