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« Contre-Point II », une exposition dédiée à Abderrazak Sahli au Violon Bleu : Un univers matériel et sensoriel singulier

  • 12 novembre 19:10
  • 4 min de lecture
« Contre-Point II », une exposition dédiée à Abderrazak Sahli au Violon Bleu : Un univers matériel et sensoriel singulier

L’artiste a laissé un héritage rare : celui d’un visionnaire ayant su élever le banal au rang d’expérience esthétique. Son œuvre, faite de textures, de lumière et de liberté, continue de faire dialoguer la matière et l’imaginaire, inscrivant son nom parmi les figures majeures et les plus inventives de l’art tunisien contemporain.

La Presse — Une belle exposition dédiée à l’artiste Abderrazak Sahli est à découvrir jusqu’au 19 décembre, à la galerie Le Violon bleu à Sidi Bou Said. Baptisée « Contre-Point II », elle donne à voir quelques aspects d’une œuvre pléthorique, riche et diverse, celle d’un artiste porteur d’une vision singulière et d’une approche tactile 

Né à Hammamet en 1941, Abderrazak Sahli reçoit une formation complète à l’École des Beaux-Arts de Tunis (peinture, 1969), avant de poursuivre ses études à l’Université Paris 8 (arts plastiques) et à l’École des Beaux-Arts de Paris (gravure, 1974). Il séjourne en France jusqu’en 1987, année de son retour définitif à Hammamet, où il donnera naissance à une œuvre foisonnante jusqu’à sa disparition en 2009.

Sahli se distinguait par son rapport audacieux à la matière. Aucun support, aucun outil, aucun objet ne lui résistait. Avec lui tout devenait prétexte à création. Inspiré par le quotidien autant que par la démarche du mouvement «Support-Surface » initié par Claude Viallat, il expérimente la répétition des formes, la saturation chromatique, les collages de textiles en usant de draps usés, toiles de jute, vêtements anciens, et l’abolition du cadre, ouvrant ainsi la peinture à une respiration libre et organique.

Son œuvre dépasse la simple expérimentation plastique pour atteindre une dimension poétique et sensorielle. Le kortass ou le bakou, modeste paquet en papier kraft de l’épicier du quartier, se transforme entre ses mains en structure et en volume, parfois accompagné de performances vocales. De même, les toiles de cueillette d’olives ou les objets domestiques en bois deviennent, sous son geste, des œuvres à part entière, où la matière parle autant que la couleur.

L’artiste a laissé un héritage rare : celui d’un visionnaire ayant su élever le banal au rang d’expérience esthétique. Son œuvre, faite de textures, de lumière et de liberté, continue de faire dialoguer la matière et l’imaginaire, inscrivant son nom parmi les figures majeures et les plus inventives de l’art tunisien contemporain.

L’expression Abderrazak Sahli touchait à tous les registres de la forme, sans jamais se laisser enfermer dans un genre ou une discipline académique. L’exposition «Contre-Point II», qui prolonge celle présentée au même lieu en 2009, célèbre cette diversité féconde. Elle met en lumière certains aspects du « faire» de l’artiste à partir de 1987, marqués  par une liberté formelle.

On y voit le travail qu’il a effectué sur différents supports comme le bakou, le sakhan ( cadres en bois de séchage de linge) , la toile de jute…, une variation dans la technique (pochoir, pointillisme, découpage,…) et dans le médium. On y rencontre, bien entendu, ses emblématiques motifs librement composés (calligraphie désarticulée, motifs architecturaux, objets de la vie quotidienne) peints sur la toile de jute ou perforées dans le tissu, appliqués sur chassis ou enveloppant ses fameux sakhan, support fétiche rappelant son enfance.

«Par la technique d’alternance de couleurs vives et de tons neutres, l’espace du support-surface n’est plus qu’un pur lieu de sensation; s’il explose d’objets en tout genre, ce ne sont jamais que des simulacres qui nous rappellent à l’essence même de la peinture comme lignes et couleurs en un ordre arrangé», écrit dans ce sens Rachida Triki, universitaire spécialiste en esthétique. A voir jusqu’au 19 décembre 2025.

Auteur

Meysem MARROUKI