Tous les yeux sont, déjà, braqués sur Belém, ville au Brésil où se déroulent, actuellement, les assises internationales de la COP 30 sur le changement climatique, qui ont démarré lundi dernier. Un rendez-vous annuel d’envergure universelle auquel participe la Tunisie, avec une délégation officielle et un nombre d’acteurs associatifs influents sur la scène nationale. A notre échelle locale, que fait-on face à ces aléas climatiques et comment agir pour s’adapter à ce phénomène planétaire?
La Presse — L’enjeu climatique qui serait posé devrait, certes, s’aligner sur les objectifs de l’accord de Paris, signé, en 2015, insistant sur le fait de maintenir, à 1,5 °C, le réchauffement planétaire, d’ici à la fin du siècle. Ce degré ne saurait se réaliser sans l’urgence de réduire, dès maintenant, les émissions de gaz à effet de serre. Sous nos cieux, la transition énergétique est considérée comme la voie idéale pour aboutir à ce but stratégique.
Sur la voie de la transition énergétique
En prélude, l’Association de la démocratie locale – ADL Kairouan-Tunisie, vient, tout récemment, d’organiser, avec ses partenaires associatifs Raed, Apnek, Pacja, l’MIO/Ecsde et le laboratoire Bicade de l’Université de La Manouba à Tunis, une conférence nationale sur « la transition énergétique dans un contexte de changement climatique : une voie vers une équité climatique durable ».
Cette nouvelle donne traduit le tandem énergie – climat, dans une logique d’influence interactive, puisant dans une relation de causalité réciproque. Tout cela fait que l’on doit, d’ores et déjà, repenser nos modes de production et de consommation et changer, par ricochet, nos comportements et notre vision du développement durable.
D’autant plus que « le changement climatique (CC) constitue le défi majeur de la communauté internationale, qui s’est engagée, depuis le sommet de la Terre, en 1992 à Rio de Janeiro au Brésil, en vue de contrecarrer ses effets négatifs, par un développement local résilient et qui ne laisse personne pour compte », rappelle Youssef Nouri, géographe, enseignant-chercheur et président de l’ADL-Kairouan.
Il a, d’emblée, recentré le débat sur deux mots-clés : Atténuation et Adaptation comme plan du combat contre les aléas du climat. Passer au vert implique, forcément, de nouveaux outils stratégiques. Et là, Mohamed Zmerli, expert auprès des Nations unies-Tunisie, s’est focalisé sur la place de la transition énergétique dans notre politique climatique.
« Il est temps de rattraper le retard accusé en matière d’énergies renouvelables, d’autant plus que notre pays regorge d’un potentiel énergétique à exploiter et qui incite à l’investissement privé, à même de réduire la dépendance aux énergies fossiles et leurs impacts financiers sur le budget de l’Etat », relève-t-il, soulignant la portée de cette transition énergétique dans la réalisation de nos engagements climatiques locaux.
D’ailleurs, poursuit-il, la Tunisie a finalisé le travail d’identification de ses engagements au titre de la Convention onusienne du changement climatique, dont notamment l’élaboration de sa CDN (contribution déterminée nationale), dans sa 3e version, déjà actualisée pour s’étendre jusqu’après 2035.
« Cette CDN 3.0 a fixé des objectifs très ambitieux, soit réduire de 62 % son intensité carbone, dont la partie énergie va contribuer à la baisse de ses émissions à hauteur de 82%.
Ceci étant, à travers la mise en place de sa stratégie de transition énergétique 2035 », précise M. Zmerli. Pour ce faire, il y a trois axes majeurs : l’amélioration de l’efficacité énergétique en optimisant l’utilisation des énergies fossiles, le développement massif des énergies renouvelables, à travers l’accélération de la mise en œuvre de projets à hauteur de 8.500 MW pour atteindre environ 50% de mix électrique, soit la production de la moitié de notre électricité à partir des énergies renouvelables, ainsi que l’électrification des usages dans certains domaines, tels que le transport (voiture hybride, électrique…), le bâtiment écologique (mécanismes d’incitation au photovoltaïque…) et l’industrie (cimenteries).
Prévoir pour prévenir !
Mais, où en est, actuellement, de ce passage énergétique ? « A la base, c’est un enjeu environnemental de taille qui vise à atténuer cette forte demande de l’énergie fossile, un secteur des plus émetteurs des gaz à effet de serre, à hauteur de 60%. L’objectif de la CDN 3.0 est de réduire de 46 % des émissions GES dans le secteur énergétique », argue-t-il, misant sur trois domaines clés d’énergies renouvelables, savoir le photovoltaïque, l’éolien et l’hydraulique.
Du reste, « le grand potentiel qui s’offre à la Tunisie réside, bien évidemment, dans l’énergie photovoltaïque, technologique la plus maîtrisée », admet-il encore. Il faut dire qu’il y a, aujourd’hui, une tendance haussière à cette énergie solaire.
Par ailleurs, l’adaptation au changement climatique exige, nécessairement, des outils précis de prévision et une vision lucide pour savoir gérer les risques qui en découlent. L’info météo fiable communiquée à temps joue, ici, un rôle de premier plan en matière de prévention. Elle est perçue comme un mécanisme de résilience.
Observation, analyse des données météorologiques, carte vigilance, il suffit de comprendre pour mieux agir le phénomène climatique. Et la communication scientifique de Abderrazak Rahal, ingénieur général à la direction des prévisions et services météorologiques à l’INM, sur « l’Alerte Précoce en Tunisie», explique la portée des prévisions météo dans la vie des gens et leurs domaines d’activité. « Un domaine aussi vital que transversal qui constate, diagnostique et voit loin, aidant à la gestion des éventuels risques prévus », résume-t-il.
Parlons-en ainsi, il existe une étroite corrélation entre la météo, le climat et le développement durable, dans le sens de l’anticipation scientifique pour parer à toute urgence climatique et passer à l’action dans l’immédiat. « On opte pour l’amélioration de nos prévisions pour qu’elles soient beaucoup plus précises et scientifiques, surtout qu’on a actualisé notre réseau national des stations météo, judicieusement réparties dans presque tous les gouvernorats, dont certains parmi eux disposent de deux ou trois stations (Kairouan, Nabeul et Kélibia, Kasserine et Thala, Sfax, Médenine, Djerba… etc.). Toutefois, pour faire les prévisions, l’expertise et la présence humaine sont indispensables…», recense M. Rahal.
Certes, l’info météo, telle que transmise aux services concernés (protection civile, agriculture, santé…), servirait à prévoir pour réduire l’impact du phénomène climatique exceptionnel. « On ne peut pas arrêter, à titre d’exemple, les inondations à Nabeul ou détourner une tempête de sable au Sud tunisien, mais on peut en minimiser les risques pour s’en protéger », avoue-t-il. Autant dire, on n’évite jamais l’inévitable, mais on doit y faire face.
Et c’est là où le principe d’atténuation et d’adaptation tire sa juste valeur. « Notre rôle est de s’adapter à ces changements climatiques et comment les communiquer. Une bonne communication donne de la valeur ajoutée. Il y a, en outre, notre carte vigilance qui nous aide à l’alerte précoce », fait-il, encore, valoir.
C’est que l’adoption de l’approche intégrée de l’Alerte Précoce et l’Action Rapide (Apar) vise à prévenir ou atténuer l’impact des catastrophes en exploitant les délais entre une prévision fiable et la survenue d’une crise, sauvant ainsi des vies et réduisant des pertes matérielles et économiques. «Rien ne compromet autant le développement durable que les catastrophes. Elles peuvent détruire des décennies de progrès en un instant », ainsi commente le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.