Débats budgétaires – Ministère des finances : Cap sur l’investissement, la modernisation et la justice sociale
La séance plénière conjointe de l’Assemblée des représentants du peuple et du Conseil national des régions et des districts tenue mercredi 12 novembre 2025, a été consacrée à la discussion de la mission des Finances pour le budget 2026. Au cœur des débats, les députés ont souligné en particulier l’urgence d’un nouvel élan réformateur, appelant à stimuler l’investissement local, protéger la classe moyenne, soutenir l’agriculture, moderniser les services publics et lutter contre l’économie parallèle.
La Presse — Après la présentation du rapport conjoint des commissions des Finances et du Budget des deux chambres, la séance s’est poursuivie par un débat général animé.
Investir, protéger la classe moyenne et moderniser les services publics
Les interventions des députés ont reflété les préoccupations économiques et sociales actuelles. Certains ont dénoncé l’absence de mesures concrètes pour stimuler l’investissement local et créer la richesse, tout en critiquant la faiblesse des mécanismes de protection de la classe moyenne, aujourd’hui fragilisée par l’érosion de son pouvoir d’achat.
D’autres ont insisté sur la nécessité de restructurer les institutions régionales d’investissement, de mettre fin aux formes d’emploi précaire et de donner une nouvelle impulsion au secteur agricole, considéré comme un levier stratégique pour atteindre l’autosuffisance et la souveraineté alimentaire.
Les débats ont également porté sur la proposition de créer une Banque postale tunisienne, destinée à renforcer l’inclusion financière et à soutenir le développement local. La lutte contre l’économie parallèle, la contrebande et l’évasion fiscale a été soulignée, tout comme la défense du secteur public, avec un appel réitéré à soutenir les entreprises étatiques nécessitant restructuration et entretien.
Dans la continuité de ces priorités, plusieurs députés ont insisté sur la généralisation de la numérisation de l’administration, afin d’assurer plus de transparence et d’efficacité dans la gestion publique. Ils ont également appelé à renforcer les structures de contrôle et de recouvrement, en leur fournissant les ressources humaines et techniques nécessaires.
La révision du Code de l’investissement et du Code des changes, jugée indispensable pour accompagner les transformations économiques, a été au centre des discussions, de même que l’amélioration du climat des affaires et l’encouragement à l’initiative privée.
Parallèlement, la valorisation des richesses naturelles et des produits agricoles a été présentée comme une priorité nationale, capable de transformer ces ressources en sources durables de croissance et de développement. Les députés ont également plaidé pour un système fiscal plus équitable, garantissant l’égalité devant l’impôt et la justice sociale.
Sur le plan social, plusieurs interventions ont porté sur le recrutement des diplômés au chômage de longue durée, financé par des crédits budgétaires spécifiques, ainsi que sur une meilleure gestion des biens saisis par la douane, dont l’encombrement pèse lourdement sur les entrepôts. La modernisation et la numérisation des administrations fiscales et douanières ont été jugées prioritaires, pour simplifier les procédures et rapprocher les services du citoyen.
D’autres propositions ont porté sur la suppression de l’impôt sur les pensions de retraite, destinée à préserver le pouvoir d’achat des retraités, ainsi que sur la promotion du paiement électronique et de l’inclusion financière comme leviers de modernisation économique. Enfin, plusieurs députés ont demandé l’affectation de crédits spécifiques aux malades atteints de maladies rares et ont appelé à une réforme sectorielle progressive, permettant de traiter chaque domaine selon ses besoins et priorités.
Ainsi, la séance a reflété une diversité de visions, tout en montrant une convergence sur la nécessité d’un nouvel élan réformateur, alliant rigueur économique, équité sociale et transparence institutionnelle.
Réduction du déficit budgétaire
À l’issue de ce débat riche, la ministre des Finances, Mme Michket Slama El-Khaldi, est intervenue pour apporter des clarifications et détailler les mesures envisagées par son département. Elle a rappelé que les pouvoirs, exécutif et législatif œuvrent ensemble pour l’intérêt supérieur de la nation. Répondant à certaines interrogations, elle a précisé que la numérisation du service public est un projet national, et non limité à une institution particulière.
La ministre a souligné que son département assume de lourdes responsabilités, notamment celle de préserver les équilibres financiers de l’Etat. Elle a annoncé que le déficit budgétaire s’est réduit en 2025 par rapport à 2024, et que cette tendance devrait se poursuivre en 2026.
Elle a reconnu que la politique de recrutement de l’Etat ces dernières années a été limitée à certains corps administratifs et ne répondait pas aux attentes de la population. En 2026, de nouveaux recrutements auront lieu, générant des dépenses supplémentaires pour l’Etat, ce qui nécessitera une accélération de l’investissement et de la création de richesse.
Mme El-Khaldi a ajouté que le ministère s’oriente vers la numérisation et la réduction du nombre d’institutions fiscales, tout en maintenant certains projets programmés, tels que la création de bureaux des finances dans plusieurs régions. Elle a également indiqué que le ministère, en coordination avec le ministère de l’Intérieur, travaille à mobiliser des ressources au profit des municipalités et à développer une plateforme numérique pour la gestion et le paiement à distance des taxes locales (paiement électronique de la taxe de circulation, délivrance en ligne de la carte d’identité nationale, etc.).
Transferts en devises et renforcement des institutions
La ministre a salué la remontée en puissance de la douane tunisienne, louant les efforts de ses agents pour la protection des frontières et soulignant la nécessité de moderniser les moyens logistiques, techniques et humains de cette institution. Elle a également précisé que les transferts de devises en provenance de la diaspora tunisienne ont augmenté au cours des dernières années, sans qu’aucune taxe supplémentaire ne leur soit appliquée.
Les projets de numérisation en cours permettront de garantir l’égalité des chances d’investissement entre Tunisiens de l’étranger et Tunisiens de l’intérieur.
Quant aux ressources fiscales, elle a rappelé que les revenus tirés des récoltes de dattes, d’huile d’olive et d’agrumes ne sont pas des recettes permanentes, tandis que la fiscalité reste la principale source de financement de l’Etat. Elle a également évoqué les efforts de la direction générale des impôts pour intégrer les acteurs de l’économie parallèle dans le secteur formel, grâce à un recensement géographique élargissant la base des contribuables.
Les opérations de contrôle fiscal sont ciblées sur les irrégularités, sans viser de secteur précis, et ont permis de détecter des cas d’évasion et de fraude.
Concernant les associations de microcrédit, la ministre a indiqué que la Banque tunisienne de solidarité (BTS) gère les fonds destinés à ces associations, avec 15 199 bénéficiaires recensés. Un plan de restructuration est en cours, visant à créer un organisme régional unique de financement regroupant ces associations.
Pour ce qui est des entreprises publiques, Mme El-Khaldi a précisé que d’importants crédits ont été alloués ces dernières années pour leur redressement. Certaines ont vu leur situation s’améliorer, tandis que d’autres demeurent critiques. Ce dossier est suivi par la présidence du gouvernement, et la politique de l’Etat consiste à ne pas privatiser ces entreprises, conformément à la position du Président de la République.
Au terme des travaux, la séance plénière a mis en exergue les défis économiques et sociaux que la Tunisie devra relever à l’aube de 2026, tout en soulignant la volonté partagée du gouvernement et du Parlement de préserver les équilibres financiers sans compromettre la justice sociale.
Il est à souligner que le budget du ministère des Finances est fixé à 1 477 millions de dinars, soit une hausse de 6 % par rapport à 2025, où il s’élevait à 1 390 millions de dinars. Selon le ministère, 80 % de ce montant seront dédiés aux dépenses salariales, tandis que les investissements représenteront 10 %. Ces derniers connaissent une progression notable, avec une augmentation de 45 % en engagements et de 20 % en paiements.